Le Grand Jeu

Plan de Terra => Les contrées du Chaos => Dictature d'Ashnard => Discussion démarrée par: William Dolan le dimanche 29 avril 2012, 19:17:54

Titre: Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le dimanche 29 avril 2012, 19:17:54
   Traitre… Parjure… Voila ce qu’était William désormais. Il avait brisé son serment de faire honneur à la famille Dolan, protéger sa mère patrie et servir sa majesté Ivory. A l’heure actuelle, les glorieux ancêtres du jeune homme devaient se retourner dans leur tombe, bercés dans leur trépas par la honte qu’engendraient ses actes. Pourtant, cela ne semblait pas être un poids moral très lourd à porter pour le jeune noble. Le sourire aux lèvres, il appuya ses talons sur les flancs de son destrier gris qui partit au petit trot. Il était flanqué de deux gardes ; pas plus. C’était suffisant pour espérer traverser les landes dévastées mais pas assez pour se prémunir d’une attaque. De toute façon, William était en territoire ennemi. Si les Sylvandelliens voulaient le tuer, il ne pouvait pas y faire grand-chose, quelque soit la taille de son escorte.

-Messire Dolan, nous devrions réduire l’allure, le terrain est trop accidenté, recommanda l’un des gardes à la carrure svelte et à la voix assurée.

   William acquiesça distraitement et tira légèrement sur les rênes. A force de vivre sur terre, il en avait presque oublié les obligations du voyage à dos de cheval. Autant dire que le confort de sa berline lui manquait terriblement. Ca faisait pourtant quelques mois qu’il était revenu sur Terra pour s’occuper des affaires familiales. Il y avait découvert un royaume au bord du précipice. La révolte gronde dans les rues de la cité état et le gouvernement était totalement déstabilisé. Au point qu’on lui avait même proposé un poste haut-gradé dans l’armée. C’est dire si Nexus était au plus mal. Il avait refusé bien sûr, prétextant de ne pas avoir suivi l’éducation militaire inculqué à tout noble. Ce qui était faux. William avait ensuite prêté une oreille plus attentive aux rebelles trop contents de voir un noble s’intéresser à leur cause. Ainsi, de fil en aiguille, il avait rejoint leur cause.

   Dolan détestait ce monde. Il n’avait que du mépris pour Nexus, sa famille et son titre. C’est pourquoi il n’avait aucun remord à la voir partir en fumée. Il était certain que si Ashnard s’emparait de la cité état, le commerce d’esclave n’en serait que plus florissant, les règlementations Ashnardiennes étant quelque peu laxistes sur le sujet. Ce qui ne ferait que profiter à ses affaires sur terre. Un jour, il eut l’occasion de servir la rébellion plus efficacement. En tant que noble, il était le plus à même de rencontrer des représentants d’Ashnard pour leur demander une aide pécuniaire. Il était rodé aux mœurs et aux protocoles de la noblesse et n’aurait aucun mal à obtenir une audience auprès de personnages haut placés. C’est du moins ce qu’il espérait. C’est donc dans cette optique que William était parti rencontrer le roi Korvander.

   William fut tiré de ses pensées lorsque son hongre trébucha sur un galet qui se rattrapa en renâclant d’inquiétude. En effet, lui et ses hommes arpentaient maintenant un sentier de berger qui donnait une vue imprenable sur le précipice qui assurait une mort certaine aux malchanceux. Il était tout proche de Sylvandell maintenant. Ce royaume montagneux était difficile d’accès mais le paysage était merveilleux.

   William regardait les majestueux pics enneigés qui semblaient presque toucher le ciel d’un bleu criard. Enveloppées d’un épais manteau de glace, on aurait pu croire que ces montagnes étaient bénies entre toutes et qu’une parcelle des cieux célestes s’était déposée sur leurs sommets. La neige reflétait le soleil comme des milliards de prismes qui rendaient les cônes blancs aussi lumineux que le soleil lui-même. Le jeune homme ne pouvait d’ailleurs soutenir bien longtemps une tel débauche de clarté, et son regard dériva lentement vers le bas, jusqu’au tapis vert des arbres qui guettaient les frontières glacées, et s’étendaient jusque dans la vallée. Une vallée dominée par les lois de la nature. On pouvait y voir de petits serpentins de lumières qui glissaient délicatement entre les reliefs, trahissant la présence de ruisseaux qui se jetaient dans le fleuve que l’on pouvait apercevoir au loin ; une grande bande d’eau scintillante qui louvoyait, et disparaissait derrière une large éminence grise.

   C’est alors qu’au détour d’un rivage, le regard émeraude de Dolan ce posa sur la majestueuse cité de Sylvandell.

-Wow ! S’exclama le garde de William en laissant sa mâchoire s’affaisser.

-Oui… C’est plutôt bien résumé… confirma William tout en s’épreignant de la beauté du spectacle.

   La cité se trouvait en plein milieu d’un gouffre immense et on avait presque l’impression qu’elle y flottait. Des ponts, tel des chaines blanches, semblaient la retenir aux parois de la montagne. C’était une œuvre d’art. L’alliance subtile de la beauté naturelle et du génie des hommes. On ne s’étonnait donc presque pas qu’un dieu jaloux avait voulu détruire la ville et écrasant ses deux griffes dessus, s’incrustant dans les fondations de la ville comme des serres. Pour ajouter à ce spectacle incroyable, on pouvait apercevoir sur le versant opposée de la montagne, une immense chute d’eau se déversant dans le précipice. Le bruit de la cascade étant semblable à des milliers de tambours dont les battements étaient décalés. William se prit à fermer les yeux pour écouter cette symphonie naturelle et inspirant une grande bouffée de l’air chargé d’écume.

-Thomass ! Interpella le jeune noble d’une voix apaisée. Chevauche devant et annonce mon arrivé au palais.

   L’homme hocha silencieusement la tête et tira sur ses rênes pour faire revenir son hongre sur la piste de terre et de galets qui menait à la cité. William resta ensuite quelques minutes à contempler la cité de son regard impassible. Impossible de deviner les pensées qui tournaient dans sa tête mais l’expérience prouvait qu’elles n’étaient bonnes pour personne, sauf lui. Finalement, lorsqu’il considéra que son homme de main avait pris suffisamment d’avance pour l’annoncer comme il se doit, il fit lui aussi avancer son cheval vers le pont de Sylvandell.

-Dois-je sortir l’étendard messire ? demanda le garde restant.

   William sourit. Bien sûr, ce n’était pas les couleurs de Nexus que le garde proposait d’afficher, mais celles de la famille Dolan. Ce serait peut-être du vice de bafouer l’honneur de sa méprisable famille en faisant cela, mais il n’était plus à ça prêt. Il hocha donc la tête et le garde décrocha aussitôt une longue hampe, puis sortit l’emblème afin de l’y fixer. En quelques minutes l’étendard flottait au gré du vent. Il était blanc et représentait un faon empêtré dans les ronces ; sceau de la famille Dolan.

   Inutile de détailler la chevauché jusqu’au palais, car vue de l’intérieur, Sylvandell était une capitale ordinaire, si on peut dire. De toute évidence, son garde avait fait le nécessaire pour qu’il passe sans encombre. Il arriva donc au palais assez facilement même si son escorte avait grandi en chemin. Des enfants curieux, il était passé aux soldats impassibles qui manifestaient leur discipline au noble Nexusien.

   Arrivé devant les portes du palais, William descendit de son hongre avec agilité. Bien entendu, il ne portait pas sa tenue de voyage et s’était changé en approchant de la cité. Il n’avait aucun complexe à afficher les habits d’apparat classique de la noblesse de Nexus. Sa cape verte émeraude flottait derrière lui tandis que ses bottes en daim claquaient avec rythme sur les pavés de la cour. Il portait une lourde chemise beige ornée de l’éternel faon empêtré dans les ronces qui s’étalait sur son torse à grand renfort d’argent et de liseré d’or. Sur sa hanche, une rapière se balançait nonchalamment le long de sa jambe.

   Le regard fixe et indéchiffrable, il suivit son escorte jusqu’à la salle du trône et s’arrêta à quelques mètres de celui-ci. Il eut un temps d’arrêt où il fixa d’un air impassible la personne qui y était assise, puis fléchit finalement le genou, s’inclinant devant le maitre des lieux.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le dimanche 29 avril 2012, 22:09:06
« Je ne pense pas que mon père apprécierait…
 -  Votre père a autant de talents en diplomatie qu’une kikimorrhe, objecta l’homme.
 -  C’est vrai, mais c’est son château, et son royaume ! »

Alice n’en démordait pas, et le jeune Maréchal soupira. Il avait une longue cape rouge impériale, des cheveux blancs courts, et un regard acéré. Son visage beau et arrogant se tourna vers Alice. Il avait beau être plus grand qu’elle, il ne l’impressionnait pas. Le Maréchal Coehoorn (http://img81.xooimage.com/files/c/2/9/coehoorn-34095a8.jpg) était un jeune prodige militaire, qui venait de réussir avec brio une campagne militaire dans le sud de l’Empire, où il avait maté une rébellion dans des îles. Il avait gravi avec succès tous les échelons de la rigoureuse armée ashnardienne, et s’était retrouvé, sans qu’Alice ne sache trop comment, à entretenir des contacts avec les rebelles de Nexus.

« Sylvandell est de loin le meilleur support possible pour cette entrevue… Le Palais impérial est rempli d’espions. L’homme avec qui je dois m’entretenir tient à ce que son identité ne soit pas divulguée. Les autorités de Nexus ont une certaine tendance à raccourcir ceux qui ne leur sont pas très fidèles.
 -  Certes, mais…
 -  Chère Princesse, je sais que vous considérez notre action comme une ingérence dans vos affaires, mais il n’en est rien. Les intérêts de l’Empire et de Sylvandell convergent, n’est-ce pas ?
 -  Nous n’apprécions pas de nous voir imposer des décisions, surtout quand mon Père n’est pas là avec une partie de son armée. »

Tywill Korvander, le Roi de Sylvandell, n’était pas là. Il participait à une campagne militaire consistant à assiéger des forts avec d’épaisses murailles. Plusieurs dragons avaient été requis, ainsi que de nombreux soldats sylvandins, et plusieurs Commandeurs. Comme la loi le prévoyait, en l’absence du Roi, Alice était la princesse régente, et l’Empire avait attendu ce moment pour envoyer, en toute discrétion, une caravane impériale transportant le Maréchal Coehoorn, accompagné de deux « Corbeaux Noirs », les soldats d’élite, et de plusieurs gardes. Il portait avec lui une ordonnance impériale qui indiquait qu’une réunion aurait bientôt lieu à Sylvandell entre, d’une part, le Maréchal Coehoorn, représentant le Conseil Impérial, et un obscur noble de Nexus qui était l’un des meneurs d’un mouvement dissident ayant lieu à Nexus.

Alice en avait entendu parler. Nexus affrontait de graves crises économiques et politiques. L’injustice et la corruption qui gangrénaient les rues amenaient à un développement alarmant du paupérisme dans les basses couches de la population. De plus en plus de pamphlets et de tracts étaient balancés dans les rues de la ville pour dénoncer la politique du gouvernement en place. L’Empire s’intéressait naturellement énormément à ce mouvement, et tout le monde y allait de son argument. Pour les « loyalistes », ce mouvement n’était qu’une façade, et était en réalité dirigée par Ashnard, afin de mener le pays à la guerre civile. Quant aux « révolutionnaires », de ce que les informateurs ashnardiens disaient, le mouvement était très désuni, comprenant à vrai plusieurs vagues très différentes. Certains prônaient l’annexion à l’Empire, d’autres affirmaient qu’il fallait supprimer toute forme de gouvernement au nom d’une égalité et d’une liberté qui seraient absolus, Un autre mouvement, plus modéré, prônait tout simplement des réformes constitutionnelles et économiques importantes.

*Nexus n’a pas grand-chose de différent de l’Empire… Mis à part que, chez eux, on préfère laisser les bourgeois et les marchands diriger, alors que, chez nous, l’Empereur règne d’une main de fer. Il est après tout assez logique que Nexus doive faire face à des crises de ce genre.*

Tout ceci faisait le bon jeu de l’Empire, qui était de toute façon en grande partie responsable de la déchéance de Nexus. Les terrifiantes campagnes militaires que l’Empire menait pour attaquer Nexus conduisaient Nexus à dépenser une part non négligeable de son budget dans la défense de ses frontières, dans la restauration de ses forts, l’armement et l’entraînement de ses troupes. Il y avait bien moins d’argent à rentrer pour s’occuper de la ville-État, et, quand on savait que Nexus était la plus grande ville du monde, on pouvait comprendre que la situation devenait très difficile.

« Nous avons besoin de votre assistance… » lui rappela Coehoorn, ce qu’Alice ne savait que trop bien.

Sylvandell avait des lois à respecter, et, même si, pour l’Empire, les Sylvandins apparaissaient comme des « culs-terreux », Coehoorn s’efforçait de les respecter. Il était à vrai dire un Ashnardien très particulier. Généralement, les Maréchaux étaient de vieux carriéristes rabougris qui ne rêvaient que d’avoir une place au Conseil, mais lui était relativement jeune, et préférait le champ-de-bataille à de longues négociations diplomatiques. Qu’il soit là pour représenter l’Empire témoignait de l’influence qu’il avait. Les corps militaires le respectaient, car ses stratégies étaient efficaces, et, quand on avait le soutien de l’armée, toutes les portes de l’Empire étaient ouvertes. Alice ne savait pas quoi penser de lui. Quand elle lui avait demandé pourquoi il n’avait pas laissé un diplomate professionnel s’occuper de cette histoire, il lui avait répondu, flagorneur : « Je voulais voir par moi-même les légendaires yeux du ‘‘Joyau de Sylvandell’’ ». La Princesse en avait rougi, avant de se sermonner mentalement. De la part d’un Maréchal, elle ne s’était pas attendue à ça, mais, après tout, elle imaginait sans peine que Coehoorn devait avoir bien des fans du beau sexe.

Dans son for intérieur, elle devait admettre que la tactique de Coehoorn était assez bonne. Tywill était, et ce n’était un secret pour personne, un Roi guerrier. Il n’avait rien de diplomate. Alice avait pu voir toute l’étendue de son talent quand des Amazones avaient demandé à traverser le royaume. Il avait bien failli déclencher une guerre. Alice était, de ce point de vue, un meilleur choix. Plus cultivé que son père, elle passait son temps à lire, n’ayant de toute façon reçu aucune autre forme d’entraînement. Son esprit était sa meilleure arme.

« Majesté ! lâcha soudain un garde en se rapprochant d’un pas précipité. Ils sont là !
 -  Combien sont-ils ?
 -  Trois, Princesse.
 -  Trois ? répéta Alice, surprise.
 -  L’un d’eux est assurément un nobliau de Nexus. Il a une longue cape verte comme la vôtre, M’sieur le Maréchal.
 -  Une escorte assez légère… Je suis heureux qu’ils n’aient eu aucun accident fâcheux le long du trajet. Les routes sont de moins en moins sûres, à ce qu’on dit.
 -  Nous allons les recevoir. Escortez-les vers la ‘‘Salle du Trône’’. »

Sylvandell n’avait pas, à proprement parler, de « Salle du Trône ». Étant un royaume guerrier, une telle pièce avait été jugée superflue lors de la confection du Château, et, à défaut, on utilisait la salle du banquet. Comme Tywill l’avait lui-même dit : « La Cour d’un Roi de Sylvandell, c’est au milieu de ses troupes, là où tout le monde bouffe ». Elle était grande, spacieuse, et, partant de là, convenait très bien. Alice alla s’asseoir sur le lourd fauteuil de son père, un fauteuil immense, où elle se sentait toute petite. Coehoorn resta debout à côté d’elle, ses Corbeaux Noirs à côté de lui, le protégeant fidèlement.

L’entrée du Château de Sylvandell, soit après avoir traversé le pont, était une petite cour dissimulée dans les murailles. Une porte à double battant sur un petit perron menait alors dans le château, tandis qu’un chemin conduisait aux écuries du Château. La porte à double battant menait, quant à elle, directement à la salle du banquet. Les Nexusiens tombèrent donc directement sur Alice. Les portes menaient sur une espèce d’estrade inférieure, avec un petit escalier comprenant quelques marches à monter. Le vestibule en somme, qui donnait ensuite sur une autre plate-forme intermédiaire d’où on pouvait voir la massive salle du banquet.

Elle était indiscutablement grande. Haute de plafond, elle comprenait plusieurs portes, une grande table de banquet en U, et de nombreuses cheminées dans les coins. On trouvait toujours des gardes ou des pages en train d’y manger, que ce soit une cuisse de poulet, ou simplement des gâteaux ou des fruits. Le soir, on faisait griller la viande et la volaille directement dans les épaisses cheminées. Toute la salle était faite avec de la pierre massive, froide et sombre. Seul le plancher était en bois.

« Je vous souhaite la bienvenue à Sylvandell,  M. Dolan. Je suis la Princesse Alice Korvander, et, en l’absence de mon père, c’est moi qui représente le royaume. Je vous présente…
 -  … Je suis le Maréchal Coehoorn, lança ce dernier. Je suis l’un des responsables de la campagne militaire de l’Empire sur Nexus, et c’est moi qui ait accepté cette entrevue, et l’ait organisé ici. »

Alice ne dit rien. Coehoorn la coupait, afin de montrer avec qui Dolan allait vraiment négocier. Alice préféra regarder le bourgeois. Il était… Plutôt beau, à vrai dire. Un style bien moins militaire que Coehoorn, qui marchait de manière assez rigide. Si Alice aurait été mesquine, elle aurait pu dire que Coehoorn était ce genre d’hommes à avoir « un balai dans le cul ». Une posture raide, de militaire. William semblait… Un peu moins rigide… A moins que ça ne soit simplement ses yeux d’émeraude qui induisent Alice en erreur. Croisant les jambes, dans sa robe, Alice enchaîna rapidement.

« Vous êtes nos invités ; votre sécurité est donc assurée. Vous logerez à cet effet dans l’aile des invités, et vous pourrez manger dans la salle commune, soit… Ici. »
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le lundi 30 avril 2012, 01:44:21
L’expression de William était tout ce qu’il y a de plus neutre. Seul le mouvement de ses yeux vert pouvait donner un indice de ce qu’il comprenait de la situation. Son regard se fixa d’abord sur la jeune souveraine qui se présentait. Son visage était splendide, mais il n’avait pas la rudesse de regarder si le reste du corps était aussi joli, se contentant de l’observer avec toute la déférence qui lui était due. Ses mires se dirigèrent ensuite brièvement sur le Maréchal lorsque celui-ci lui coupa la parole, et revinrent presque immédiatement sur le visage de la jeune fille pour aviser sa réaction. Son manque de réactivité lui indiqua que cela ne la dérangeait pas plus que ça. Ce qui amenait à se poser des questions sur son autorité. Si la jeune femme ne désirait pas le remettre à sa place, William se faisait donc un devoir d’y remédier.

-Mes salutations maréchal, introduit le jeune noble.

Avec un demi-sourire, il entreprit de faire le salut militaire Nexusien avec une lenteur et une grâce qui, elles, n’avaient absolument rien de militaire justement.

-Vous avez bien œuvré, lui assura William en approuvant d’un léger hochement de tête. J’espère que ma visite ici permettra de trouver un accord avec sa majesté. Merci pour votre travail.

A peine avait-il lâché le « merci » que son attention se reporta sur la souveraine, indiquant de manière implicite que c’était avec elle qu’il allait s’entretenir. Cependant, libre à lui de faire quelques interventions judicieusement choisies qui seront sans doute prises en tant que conseils et non comme des décisions. William espérait sincèrement que le Maréchal avait la subtilité nécessaire pour avoir bien saisi cela : le baron Dolan négociait avec son altesse… Uniquement.

Les deux hommes de Dolan, ayant fini leurs affaires, se positionnèrent à quelques mètres derrière Dolan. Le fait que ce dernier ne se donne pas la peine de les présenter indiquait clairement qu’ils n’étaient pas importants pour la suite des évènements et qu’il convenait donc de les ignorer. Ce qui, semble-t-il, convenait parfaitement aux deux soldats qui se contentaient d’observer les deux « corbeaux noirs » avec un intérêt purement professionnel.

-Je m’appelle William Dolan, votre Altesse, baron et gardien des sceaux de la couronne, glissa-t-il suite à la déclaration de la souveraine. Je vous remercie de votre hospitalité. Si vous le voulez bien et si je n’abuse pas de votre patience, je souhaiterais me retirer. Le voyage jusqu’à votre royaume a été rude. Comme j’ai l’honneur d’être convié à votre table, je propose que nous y discutions plus posément.

Lorsque la princesse lui permis de disposer, il s’inclina une nouvelle fois devant elle.

-Majesté.

Il inclina ensuite légèrement du chef en direction de Coehoorn.

-Maréchal.

Il fit un pas en arrière, puis fit volte-face, un mince sourire amusé enjolivant son visage.

* * *

William immergea sa tête dans l’eau délicieusement chaude de son bain. L’absence de son était apaisante et presque rassurante. On se coupait du monde pendant un court instant, n’ayant pour seul compagnie que soi-même. Cet instant ne durait que le temps incroyablement court où on pouvait retenir sa respiration. On se sentait vulnérable, comme si on prenait conscience qu’on ne pouvait pas se passer de l’air plus de quelques secondes. A cet instant, William se sentait plus humble que jamais. Son arrogance naturelle s’évaporait. Son égo s’inclinait devant quelques litres d’eau innocents, pour qu’il finisse par se redresser et inspirer une grande bouffé d’air frais.

-Vous croyez qu’ils nous espionnent ? demanda le garde à silhouette fine de William.

-C’est possible, fit l’intéressé en passant une main dans ses cheveux trempés. Mais nous n’avons rien à cacher, n’est-ce pas ?

Un petit rictus apparut alors sur le visage de l’homme qui secoua la tête d’un air amusé. William lui jeta alors un regard entendu et se leva pour s’extraire de la baignoire. Il attrapa une serviette qui reposait sur le dossier d’une chaise et l’enroula autour de sa taille.

-La princesse est très belle, fit remarquer le garde. C’est pour cela que vous avez jugé bon de faire valoir son autorité devant le maréchal ?

William lui décocha un sourire et commença à sortir les habits qu’il s’apprêtait à enfiler.

-Pas seulement, s’expliqua-t-il. Je préfère de loin négocier avec une politicienne qu’avec un militaire. Elle a l’air plus posé, même si les apparences peuvent être trompeuses.

-A propos, vous croyez vraiment qu’ils pensent que nous ne sommes que des garde-du-corps ? demanda-t-il en baissant la voix.

-Vous n’avez pas vraiment la carrure d’un militaire, Elias. Cependant, j’espère que comme moi, ils considèrent que les apparences peuvent être trompeuses.

L’homme hocha la tête d’un air grave et observa les murs d’un œil suspicieux, comme s’il s’attendait à apercevoir un espion caché dans les murs. Pendant ce temps-là, William avait fini de s’habiller et passa une main dans ses cheveux pour y mettre un semblant d’ordre.

-Allons, s’encouragea-t-il. Il est impoli de faire attendre une princesse.

Il sortit alors de la chambre tandis que les deux « gardes » restaient dans leurs quartiers. Messire Dolan fut ensuite de nouveau escorté jusqu’à la salle commune où il espérait que le dîner allait permettre d’arriver à un accord. Il alla donc retrouver de nouveau la princesse et lui attrapa délicatement la main sans se départir d’un sourire de circonstance. William effleura alors de ses lèvres la main délicate de la souveraine tout en fixant son regard émeraude dans ses yeux océan.

-Altesse, souffla-t-il doucement en guise de prémisse.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le lundi 30 avril 2012, 08:07:46
Gardien des Sceaux de la Couronne… Alice ignorait à quoi ce titre pouvait faire référence, mais elle supposait qu’il était important. Dolan faisait clairement part de son intention de négocier exclusivement avec la Princesse, ce qui risquait de s’annoncer délicat. Coehoorn n’était pas le genre d’hommes à aimer avoir un second rôle, et Alice se voyait mal engager des négociations. Essayant donc de masquer sa surprise, elle l’écouta, jusqu’à ce qu’il propose de commencer les négociations à sa table.

*Euh… Bon, s’il y tient… Je ne pense pas qu’on pourra dire grand-chose, mais bon…*

Elle hocha lentement la tête, et son visage se fendit d’un léger sourire poli.

« Vous êtes mon invité. Un domestique va vous conduire dans vos appartements. »

Le petit trio se retira donc, et un rire amusé traversa les lèvres du Maréchal, avant qu’il ne se retourne vers Alice. La Princesse ne tarda pas à lui faire part de ses propres préoccupations :

« Pourquoi diable veut-il négocier avec moi ? Ce n’est pas moi qui…
 -  Il suffit de rester cinq secondes avec vous pour constater que vous êtes bien plus malléable que moi. »

Les joues de la Princesse s’empourprèrent, et elle se mordilla les lèvres, mais Coehoorn ne semblait nullement lui en tenir reproche.

« Ou alors, il n’est pas non plus insensible à votre charme… A Nexus, on se plaît à dire que Dolan est l’archétype d’un homme affable, sans passion, sans amis, et qu’il n’a d’intérêt que pour les belles femmes de haute naissance. Il est donc, somme toute, assez logique qu’il désire s’entretenir avec vous.
 -  Ah… Et… Vous croyez qu’on peut lui faire confiance ?
 -  Confiance ?! sembla la railler le militaire. Pour un Nexusien, la confiance est une insulte. Non, on ne peut pas lui faire confiance. Quant à ses deux gardes… »

Coehoorn tourna son regard vers les deux Corbeaux Noirs, impassibles et silencieux, et l’un d’eux finit par s’exprimer :

« Ce sont des chiquenaudes, Maréchal.
 -  Peut-être des ESPers, mais j’en doute… On dit aussi de Dolan qu’il abhorre la magie… Je le vois mal voyager avec des magiciens ou des ESPers pour le protéger. En réalité, je crois que c’est tout Terra que Dolan n’aime pas.
 -  A l’exception des belles femmes, précisa la Princesse. Ce ne sont donc pas des soldats ?
 -  J’en doute, Princesse. Ou pas de simples soldats, en tout cas… Mais je ne pense pas que William cherche à nous doubler, et à s’attaquer à votre augure personne. Il tient bien trop à la vie, à sa propre vie, pour se sacrifier. »

Voilà qui était rassurant ! Menacer de la tuer… Ceci dit, il risquait de faire un joli coup. La royauté avait toujours été la faiblesse de Sylvandell, dans la mesure où le Roi ou la Reine n’avait le droit d’avoir qu’un seul enfant. C’était une loi ancestrale, l’une des premières qu’Erwan avait édicté quand il avait fondé Sylvandell, donnant pleins pouvoirs aux prêtres pour autoriser des avortements afin d’éviter qu’il n’y ait d’autres héritiers. Outre le souci d’éviter une fracture du royaume, il s’agissait aussi de conserver la pureté des Korvander aux yeux des Dragons. Dans la mesure où les Korvander avaient toujours été des forces de la nature, une telle loi n’avait jamais posé la moindre difficulté. Un Korvander avait toujours enfanté avant de mourir, et le Korvander âgé était toujours parti avant le Korvander jeune… Mais Alice, elle, était loin d’être une force de la nature. Il suffisait qu’elle ait une grippe pour que le royaume tremble sur ses fondations.

« Je vous fais confiance, Coehoorn…
 -  N’ayez pas à vous en faire, Princesse. Je ne mettrais jamais en danger les intérêts d’une nation qui soit si précieuse pour les intérêts de l’Empire… »

Ils continuèrent ensuite à parler, mais ce fut plus pour parler de Nexus et de la Rébellion qu’autre chose. L’objectif de Coehoorn était d’éprouver la fiabilité de William Dolan. Les leaders rebelles se cachaient dans l’ombre, et, si des espions avaient bien certifié au Maréchal que William était l’un des leaders, on ne pouvait jamais être sûrs de rien, surtout de la part d’une ville qui était gangrénée par la corruption et par l’argent. Le seul leader connu de la Rébellion, Loki, était injoignable.

« Soit c’est un paranoïaque convaincu, soit, et c’est le plus probable, il mange les pissenlits par la racine. »

Il serait inadmissible que l’Empire finance Nexus en croyant donner de l’or aux rebelles, alors que cet or irait directement renflouer les caisses de Nexus. Le Maréchal donna ainsi à Alice quelques instructions assez élémentaires. Si Dolan souhaitait discuter exclusivement avec elle, le Maréchal s’inclinerait, mais il tenait à assister aux débats, et c’était de toute façon lui qui déciderait de conclure ou pas des accords, et ce pour la simple raison que c’était l’Empire qui avait de l’or à offrir.

« Sylvandell a aussi de l’argent, objecta Alice.
 -  Le Conseil Impérial estime que l’argent de Sylvandell mérite d’être mieux utilisé pour financer des révoltes. Et je crois que votre père sera aussi du même avis, n’est-ce pas ? »

Pas faux… La conversation entre les deux finit par se terminer, et Alice se permit un petit bâillement, avant de quitter le trône de son père. Avant le repas, elle ne fut encore dérangée que par l’un des guides explorant les profondeurs des montagnes, qui lui expliqua qu’il y avait eu une avalanche ayant condamné plusieurs ponts, et qu’il faudrait envoyer plusieurs hommes dans les plus brefs délais pour déblayer les ponts.

*Je n’ai jamais compris l’intérêt de ces fichus ponts, aurait-elle eu envie de lui dire, mais ils sont entretenus depuis l’époque des premiers Rois, alors soit…*

Alice promit d’envoyer dès le lendemain une petite équipe afin de faire le ménage, et n’eut que le temps de faire un câlin à Cathy, une neko que les jumelles Karistal lui avaient offerte pour célébrer son mariage avec Sakura, avant de devoir retourner dans la salle du banquet. La table s’était un peu plus remplie. Avec le départ de Tywill pour la guerre, elle n’était pas aussi pleine qu’en temps normal, mais il y avait toujours du bon monde. Alice s’assit à la place du trône, essayant de ne pas masquer son trouble à l’idée de se retrouver là. Habituellement, elle était à gauche de cet énorme fauteuil en pierre. Ici, par rapport à elle, Coehoorn était à sa droite, et il y avait, juste à côté, le Limier.

Le Limier était un poste qui avait été créé par une Reine suite à une tentative d’assassinat avortée de peu. Il était un Commandeur, mais, contrairement aux autres Commandeurs, il avait la charge de veiller sur la personne sacrée du Roi. Tywill n’ayant pas vraiment besoin de protection, le rôle du Limier se limitait généralement à instruire les recrues, et à protéger de loin Alice.  Les Corbeaux Noirs de Coehoorn étaient dispersés dans la salle, et on faisait griller la volaille sur les cheminées. La Princesse remarqua distraitement que sa belle-sœur, Ayano, était sur un banc, s’entretenant avec des pages qui faisaient cuire un gros poulet.

Un léger silence de plomb s’installa quand William Dolan reparut, avec ses deux « gardes ». Il y eut quelques regards suspicieux, mais c’était, somme toute, assez normale. Sylvandell était un royaume guerrier, et Nexus n’avait pas une très bonne réputation ici. Fort heureusement, le silence ne dura pas longtemps, et Alice trouva à nouveau les yeux verts de Dolan assez fascinants. Il se dégageait vraiment de cet homme une espèce de puissante et vibrante aura. Un charisme certain, qui ne le rendait qu’encore plus dangereux. Quoiqu’il en soit, les théories sur William se révélèrent assez exactes lorsqu’il fit à Alice un élégant baisemain, frôlant ses doigts recouverts d’un délicat tissu blanc. Les joues de la Princesse s’empourprèrent légèrement.

« Baron répondit-elle rapidement. Veuillez prendre à ma gauche. »

C’était normalement là qu’Alice s’installait, quand son Père était là. William devrait bien tôt constater qu’il ne serait pas facile de négocier, avec le brouhaha ambiant. Alice espérait que les hommes se tiendraient bien, même si elle en doutait. Hier, un Corbeau Noir et un Commandeur s’était battus, sans qu’Alice n’ait vraiment compris le pourquoi du comment. Une bataille « amicale » au milieu de la table, et il y avait fort à parier que, quand l’alcool viendrait, d’autres Commandeurs allaient venir voir les « gardes » de Dolan pour les mettre à l’épreuve, pour les défier…

« J’espère que votre bain a été… Relaxant, glissa-t-elle, avant de poursuivre. Sylvandell n’est pas un royaume reposant, je vous l’accorde. »

C’était le moins qu’on puisse dire. Entre les interminables escaliers, les sentiers cahoteux, et les chutes de température quand le soleil n’était plus là, sans parler des tempêtes de neige, le royaume avait parfois la réputation d’être aride. On comprenait mieux l’étonnante constitution des Korvander, ce qui, parallèlement, rendait encore plus inexplicable le fait qu’un colosse comme Tywill ait pondu une demi-portion comme Alice.

« Dans tous les cas, j’espère que votre voyage vers notre royaume s’est bien passé. On dit les routes peu sûres. »
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le lundi 30 avril 2012, 19:10:09
William ne savait pas encore ce qui l’attendait en entrant dans la salle commune. D’ailleurs, le fait qu’elle porte ce nom aurait du lui mettre la puce à l’oreille. Le jeune noble était habitué au raffinement de la cour de Nexus ; ses bals, ses argenteries et ses dames de haut lignage. Pour le coup, la seule chose qui correspondait à peu près à ce dont il était habitué était la princesse elle-même. Le reste des convives n’avait absolument rien à voir. Des braillards, des soiffards ou des bagarreurs lorsque ce n’est pas les trois en même temps. Maintenant, William prenait conscience qu’il n’allait pas vraiment pouvoir aborder le sujet d’une alliance ici, pour la simple et bonne raison qu’il s’attendait à une ambiance plus calme et civilisée. Peu importe, rien ne presse de toute façon.

Si Dolan avait remarqué le silence qui s’était installé lorsqu’il était entré, il n’en laissait rien paraitre, son attention étant entièrement tournée vers la princesse. Il ne fut d’ailleurs pas surpris d’observer que son baisemain n’avait pas été sans effet sur la jeune femme. Lorsqu’on regardait ses sujets, on pouvait facilement deviner qu’elle n’en avait pas reçu beaucoup. Pourtant, William espérait qu’elle ne l’ait pas mal interprété, le baisemain étant d’usage à la cour de Nexus.

Au contraire de William, les deux hommes qui l’accompagnaient n’avaient pas l’air très rassurés même s’ils essayaient de sauver les apparences. Elias, le grand mince, tentait de soutenir les regards qu’on lui lançait, parvenant tant bien que mal à canaliser les siècles de haine qui existe entre Nexus et Ashnard, afin de faire taire sa peur. Thomass quant à lui, bien que nerveux, ne semblait pas craindre l’assemblée qui l’observait, mais plutôt la rencontre imminente et les négociations futurs. Ils s’assirent à des places libres, avec toute la dignité dont ils étaient capables. William les avait déjà oubliés.

Le jeune homme attendit que la princesse ait pris place avant de s’asseoir lui aussi. Elle commença alors par les politesses d’usage. William lui fit un sourire franc. Finalement, il était plutôt content d’être ici plutôt que dans une salle à manger pleine d’aristocrates. Il adorait jouer des circonvolutions du langage, s’amusant à faire passer ce qu’il voulait dire derrière de subtiles sous-entendus et des expressions discrètes - certains ignorants appellent cela : l’hypocrisie -. Cependant, ça ne le dérangeait pas d’être plus naturel. Son égo dur-développé lui permettait de se convaincre qu’il excellait dans tous les domaines de toute manière.

-Oui, confirma-t-il avec douceur. Mais j’ai beaucoup apprécié la splendeur de votre pays.

Il n’osait pas lui dire que ces magnifiques montagnes n’étaient rien par rapport à la jeune femme qu’il avait sous les yeux. Cependant, William avait remarqué qu’elle était sensible et se refusait donc à la mettre mal à l’aise par ses flatteries. Il se contenta donc de la regarder plus longtemps que de mesure, laissant son silence suggérer ce que sa voix ne voulait exprimer. Alors c’est cela, le « Joyau de Sylvandell »…

-Je sais me défendre, assura William avant que la princesse ne le soupçonne d’avoir soudainement perdu la faculté de parler. Notre petit groupe nous à permis d’éviter les bandits et les patrouilles d’Ashnard comme de Nexus. Quant aux monstres des landes dévastées, nous n’avons pas eu beaucoup de mal à nous en débarrasser.

C’était faux. Thomass avait toujours une longue estafilade en travers de l’abdomen. Encore un peu plus et il aurait été éventré par le monstre qui avait surpris leur bivouac. Toutefois, cela ne servait à rien d’inquiéter la princesse plus que de mesure. Il s’investit alors d’un sourire amical et se tourna légèrement vers elle, comme pour bien entendre tout ce qu’elle allait lui dire.

-J’avoue que votre pays me fascine. Surtout vos dragons. J’ai eu la chance de les voir à l’action lorsque j’étais encore adolescent. Ils avaient réduit un bataillon entier en cendre en quelques secondes lors d’un conflit frontalier. Nous avions alors subi une cuisante défaite.

William lâcha un bref rire jovial, ses yeux plissé montrait qu’il n’était en rien forcé ou cynique, comme s’il parlait d’une simple partie de ballon. En effet, comme tous les jeunes nobles, il avait fait son service militaire à la guerre, même s’il n’y était pas resté très longtemps. Même à l’époque ça ne lui avait fait ni chaud, ni froid de voir ses compatriotes mourir et son unité mise en déroute. Dolan reprit tout de même son sérieux et lâcha un regard songeur à la jeune femme.

-Je me demande bien ce que la princesse d’un peuple guerrier pense de la guerre, posa-il avec intérêt.

De toute évidence, William ne semblait pas disposé à partir sur le sujet qui l’amenait ici. En fait, il ne comptait pas l’aborder parmi les convives et préférait attendre un moment plus intime. Le jeune homme ne faisait donc qu’entretenir la conversation tout en dégustant les plats que les pages remmenaient au fur et à mesure. Cependant, il ne touchait pas à l’alcool. Pas que c’était un ascète, mais il présumait qu’il ne valait mieux pas se laisser tenter ici.

Un peu plus loin, Thomass semblait avoir dépassé sa gêne. Il buvait désormais avec un sylvandins à qui il faisait goûter de sa gourde de vin de Nexus. L’homme simple à la voix puissante et charismatique avait tout de suite su s’adapter à l’atmosphère bourrue qui régnait ici, même si tout le monde ne semblait pas l’accepter pour autant. Sans doute la gourde n’était pas assez grande pour contenter tout le monde. Par contre, Elias semblait aller de mal en pis. Il se tenait droit sur sa chaise, prenant bien soin de fixer son assiette sans dire un mot. Visiblement, il attendait impatiemment que le repas finisse.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le mardi 01 mai 2012, 01:36:57
Visiblement, les Nexusiens avaient l’air assez surpris de ce qu’ils voyaient. Alice savait que, généralement, les soirées de réception huppées, que ce soit à Nexus, ou au cœur de l’Empire, étaient bien différentes. Il y avait des bals, des robes, des costumes élégants, de grandes fenêtres, une douce musique, une ambiance calme et arrogante. Pendant un temps, la Princesse avait même pensé qu’elle préférait ça. Les bals avaient l’air si magique dans les contes ! Elle s’était attendue à ce qu’un prince charmant vienne la prendre, et la fasse valser comme on le disait dans les contes, au milieu des convives, et qu’elle se plonge dans les yeux de son beau cavalier… Ce qu’on pouvait être idiot, quand on était jeune. Alice avait vu des bals, au cœur de l’Empire, et, si les robes, le vin, les serveurs, le sol lubrifié, le parquet scintillant, étaient là, la magie, elle, n’y était pas. Les « princes charmants » n’étaient que des flagorneurs, qui ne pensaient pas très bien, et essayaient tout simplement de la courtiser, ou de l’inciter à obtenir l’aide des dragons de Sylvandell. Il manquait un simple petit élément à ces bals : la magie des contes. La féérie dansante n’était pas là. Il n’y avait qu’une vaste hypocrisie, des messes basses, un protocole hyper-rigide. Alice était rentrée à chaque fois déçue, et avait réalisé que, finalement, l’ambiance qui lui convenait était celle de Sylvandell.

On riait, on rotait, on faisait des concours de beuverie d’alcool en se donnant des grandes claques dans le dos, et en poussant de grands éclats. On y allait de ces blagues grivoises, de ces claques dans les fesses des servantes, qui répliquaient, courroucées, en versant aux malotrus du vin caillé. L’odeur de la viande en train de griller, de la volaille, était un délicieux régal, et les cheminées qui brûlaient tout autour donnaient à la scène une allure fantastique.

*J’ai le corps et l’esprit d’une femme des plaines, mais mon âme, elle, a été forgée et bâtie dans les roches des monts de Sylvandell et dans les flammes ardentes des dragons…*

Alice avait conscience du regard insistant de William. Un regard assez habituel, chez les hommes. Elle était le « Joyau », après tout. Alice ignorait à quel point elle avait été populaire, et elle l’avait ignoré jusqu’au jour où elle s’était mariée. Aujourd’hui encore, il lui arrivait de recevoir des cartes de vœux. Bien des nobles ashnardiens n’avaient pas compris pourquoi les Sylvandins avaient décidé de marier leur Princesse à une esclave dont le nom n’avait aucune importance. Les mauvaises langues, celles qui ne comprenaient pas tout le poids de la religion de Sylvandell, ne pouvaient pas comprendre, et y voyaient là la preuve formelle que Sylvandell était un « royaume de culs-terreux ».

William lui raconta une scène qui la fit tourner le regard. Des dragons qui avaient massacré un régiment nexusien… Il en parlait avec un détachement assez perturbant, comme si la mort de ses propres compatriotes ne le choquaient nullement… Il n’avait sûrement pas la fibre patriotique, ce qui, dans le fond, ne faisait que confirmer les informations de Coehoorn. Ce dernier mangeait quelques tranches de pain, tandis que les plats commençaient à venir. De grands plats en argent comprenant les entrées, soit des fruits, des crevettes, et du pâté pour des pins chauds. Ce fut à ce moment que Dolan lui demanda ce qu’elle pensait de la guerre, ce à quoi elle répondit assez rapidement, presque instantanément :

« J’en pense que la guerre est une nécessité sur Sylvandell, et qu’elle continuera à exister tant que l’homme restera l’homme. Pour le reste, si vous désirez parler de l’art de la guerre, je pense que le Maréchal Coehoorn, qui en a fait sa vie et son art, se fera une joie de vous en parler. »

Le ton n’était pas sec, même si la réponse pouvait y ressembler. La guerre n’était pas une chose que la Princesse aimait beaucoup, et ce même si elle savait que Sylvandell était avant tout une économie militaire. Les dépenses allaient surtout dans le secteur militaire, et les gains que les campagnes militaires ramenaient, à savoir les biens pillés, et les esclaves, constituaient le socle de l’économie du royaume. La guerre était donc une nécessité, même si Alice n’avait pas franchement l’âme d’une guerrière. Elle ne pourrait pas y déroger, et ceci avait amplement de quoi l’inquiéter…

Coehoorn, de son côté, restait assez silencieux, s’entretenant parfois avec quelques gardes qui allaient le voir. Coehoorn était visiblement assez réputé chez les Sylvandins. Alice commençait à manger, savourant les bonnes crevettes chaudes. Regardant un peu plus la table, elle vit que l’un des deux hommes de William discutait de vive voix avec des gardes, comparant la qualité du vin de Nexus à celui de Sylvandell. Les hostilités commencèrent toutefois avec l’autre garde, Elias. Restant isolé, il évitait scrupuleusement de fixer quoi que ce soit, et un homme finit par s’approcher de lui, tenant une chope de vin à la main. La Princesse ne dit rien, les observant du coin de l’œil.

« Hey, l’Nexusien ! Ouais ! Ouais, toi, là, qu’est planté sur le banc comme un balai dans le cul. Nôt’ vin, y te plaît pas, p’t’ête ? »

L’homme eut un rire gras, et d’autres l’observaient, dissimulant des sourires. Le garde avança certes en titubant, mais parvint à rejoindre Elias, mais parvint à répandre sur son assiette le contenu de son vin.

« T’as d’la chance, blanc-bec, c’est la maison qui… Qui régale, héhé ! »

Et, sans plus attendre, le garde attrapa la tête d’Elias, et la planta dans son assiette, l’imprégnant du vin, déclenchant l’hilarité générale.

« N’pas en toucher une, pour un invité, ça porte malheur, mon gars ! »

Alice se mit à soupirer. C’était parti…
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le mardi 01 mai 2012, 14:51:56
William cligna rapidement des yeux et eut une mine presque déçue lorsqu’il retourna à son assiette. La réponse de la princesse avait été presque mécanique, comme si elle ne faisait que la réciter de la bouche de son père ou bien d’un quelconque bouquin. Assurément, la jeune fille avait une opinion plus construite de la chose, mais elle ne voulait pas la partager avec un étranger, d’où la légère déception qui disparue bien vite sur le visage de Dolan. C’était compréhensible, aussi, William n’insista pas et préféra reporter son attention sur la salle.

Tandis que Thomass s’était bien adapté à son nouvel environnement, William constata sans surprise qu’Elias ne se fondait pas vraiment dans le décor. Ce garçon à l’allure de dandy fut d’ailleurs l’objet des attentions d’un guerrier aviné. William observa donc dans le calme la réaction du jeune homme, sachant très bien qu’il allait passer un mauvais moment. Dolan n’étant pas cruel, il n’éprouvait pas vraiment de plaisir à le voir se faire rosser, mais autant dire que ça ne lui faisait ni chaud, ni froid.

Elias roula des yeux surpris et essuya sa face maculée de graisse et de vin. Il n’avait pas réagi plus tôt à l’agression, se contentant de baisser les yeux en attendant que ça passe. Grossière erreur. Cependant, un éclair de colère passa dans ses yeux, du même vert que celui de William. Pourtant, il disparut aussitôt lorsqu’il du lever la tête pour croiser le regard du géant qui lui faisait face, s’attendant maintenant à se battre contre lui. Hélas, c’était un espoir inutile.

-Tous les Nexusiens sont des mauviettes ou quoi, beugla le géant. Frappe gamin !

Elias lança des regards apeurés autour de lui, avisant que presque toute la salle le regardait. Il chercha un peu d’aide du côté de Thomass qui observait également la scène d’un œil vitreux, ne se sentant absolument pas concerné par le conflit. C’est donc naturellement qu’Elias se mit à fixer un regard implorant sur William. Celui-ci le lui rendit avec une colère froide, comme pour le dissuader de lui demander de l’aide. *Ose seulement* pensa-t-il très fort.

-C… Cousin… appela-t-il à l’adresse de Dolan, d’un ton pitoyablement implorant.

Cette fois, la colère froide qui animait les yeux émeraude s’enflamma comme de la poix. La couardise d’Elias lui avait fait révéler son identité. Cependant, ce n’était pas aussi grave qu’on pourrait le croire. Ca ne faisait que chambouler l’ordre d’un plan que William avait soigneusement mis en place, sans pour autant le menacer. Et de fait, il n’allait pas à l’encontre des intérêts de ses hôtes.

-Si vous voulez bien m’excuser, majesté, fit-il à l’adresse de la souveraine, d’une voix dont la douceur était parfaitement contrôlée.

C’est avec un soulagement, teinté de honte, qu’Elias observa son cousin faire le tour de la table pour le rejoindre. L’homme qui avait commencé les hostilités se préparait à changer de cible, comprenant bien qu’il devrait en découdre avec William plutôt qu’avec le petit freluquet. Apparemment, ça ne le dérangeait pas plus que ça. William n’était pas forcement plus étoffé que son cousin même si son maintient et son assurance sans faille le faisait paraitre plus dangereux. Et puis, se battre avec l’invité de marque avait de quoi être amusant. Tout en marchant, William enfila un gant noir sur sa main droite et lorsqu’il fut arrivé à la hauteur d’Elias, lui décocha un formidable revers de la main qui envoya le garçon s’affaler sur le sol de pierre.

Puis, calmement, William retira son gant sans même se fendre d’un regard méprisant au membre de sa famille qui s’était avili au point de lui réclamer son aide. Elias était un jeune fils de comte de la très haute société Nexusienne. Trop haute visiblement. Il ne s’était jamais battu de sa vie et ne faisait que compter fleurette aux bourgeoises et vivre au crochet de ses richissimes parents. Il avait bien sûr un lien de parenté avec William comme presque tous les nobles. Après tout, ce dernier avait même un peu de sang de la famille royale Ivory qui coulait dans ses veines. Malheureusement, le lien qu’il entretenait avec Elias était assez proche pour qu’il ait la prétention de l’appeler « cousin ».

Elias, se releva précipitamment, et se mit à courir vers ses appartements comme un gamin qu’on venait de corriger – ce qui était le cas -. Puis, William, sans même lâcher un seul regard au géant qui était toujours bêtement debout, fit volte-face pour retourner à sa place. Cependant, c’était sans compter la frustration du soldat Sylvandois qui avait vu en quelques minutes, son premier adversaire mis au tapis par celui qu’il croyait être son remplaçant. C’est donc très peu prudemment qu’il le héla avec insistance.

-Hé ! Les chocottes, c’est de famille, ou bien les Dolan n’engendrent-ils que des filles ?

William s’arrêta sur le champ et tourna lentement la tête pour glisser un regard venimeux à l’homme qu’il avait ignoré jusque là. Encore une fois, il fit volteface et se dirigea vers le géant. Ce dernier, ravi d’avoir enfin son combat, n’attendit pas qu’il arrive jusqu’à lui et lui fonça dessus, comme pour être bien sûr d’avoir son combat si désiré. Au dernier moment, William esquiva la charge au lieu de lui faire face. Hors de question de se laisser entrainer dans une lutte gréco-romaine avec un colosse. L’homme interrompit sa charge et se retourna, prêt à encaisser une riposte qui ne vint pas. Il s’apprêta donc à insulter encore son adversaire pour l’encourager à se battre mais il ravala ses paroles lorsqu’il vit finalement William lever les poings, montrant ainsi le style de combat qu’il désirait adopter. Cela le fit sourire et il leva également les poings, se sachant tout aussi bon aux poings qu’à la lutte. Cependant, le soldat oubliait qu’il avait derrière lui une dizaine de verres de vin.

Une feinte… un crochet… un coup de coude dans le sternum…

L’homme s’était écrasé contre le mur. Il aurait peut-être pu éviter les coups si ses réflexes n’avaient pas été inhibés par l’alcool. Et même s’il avait l’avantages de moins ressentir la douleur, William ne lui avait pas permis d’en profiter en le propulsant au sol. Toutefois, le combat n’était pas fini et le colosse entreprit de se mettre sur ses jambes lorsque le contact glacé du métal sous sa gorge l’arrêta. William avait dégainé sa rapière et l’observait avec un regard meurtrier. Ce n’était pas un de ses copains de patrouille que le soldat venait d’insulter. C’était un noble avec un sens de l’honneur bien plus chatouilleux qu’un simple bouseux. S’il avait été un peu plus intelligent peut-être ce serait-il rendu compte qu’il était déjà mort.

William arma son bras et au moment où la lame allait passer dans le cou du soldat, il pivota légèrement vers la princesse et tendit sa main vers elle avec un sourire, puis inclina humblement la tête comme lorsque l’on offre un présent. L’épée retourna alors dans son fourreau et William se remit à ignorer le soldat. En gentleman arrogant, William avait galamment offert la vie de ce misérable à la princesse, mais la vraie raison et qu’il pensait l’avoir suffisamment cerné pour savoir qu’elle n’apprécierait pas que le sang coule devant ses yeux. C’était donc le moyen le plus intelligent de sortir de cette impasse, faire comme si la princesse était l’objet de sa clémence pour éviter de laver son honneur dans le sang.

Toutefois, le silence s’était installé dans la salle. Une épée n’avait pas sa place dans une bagarre amicale, malheureusement, William était loin d’être quelqu’un « d’amical ». Il retourna donc auprès de la princesse et lui présenta la situation de la voix douce qu’il lui réservait depuis le début.

-Majesté, je pense qu’il serait bon de se retirer afin que nous discutions des raisons qui m’amènent dans votre pays, ainsi que de la raison de la présence d’un autre membre de la noblesse Nexusienne ici.

William lâcha un fugace regard à Coehoorn, lui faisant ainsi comprendre qu’il était également convié à la discussion. Le jeune homme s’était rendu qu’il ne pourrait malheureusement pas s’entretenir seul avec la princesse.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le mardi 01 mai 2012, 20:06:16
Amicale, la situation ne tarda pas à s’envenimer. Le pauvre noble nexusien semblait complètement paniqué. Alice comprit alors que les trois Nexusiens n’avaient pas du se renseigner énormément sur les traditions sylvandines. Une erreur que ce pauvre soldat allait payer par une séance d’humiliation. Il appela William à l’aide en l’appelant… « Cousin ». Cousin ? Alice jeta un regard en biais à Coehoorn, qui restait indéchiffrable. La nouvelle ne semblait pas l’avoir surpris, mais la Princesse, elle, ne s’y attendait pas. En tout cas, le « cousin » n’avait de guerrier que le nom. La seule perspective de croiser le regard du soldat sylvandin suffisait à l’effrayer. Ce fut donc William qui dut intervenir, avançant sur un pas raide, pour gifler son cousin.3

« V’là qu’y se battent entre eux ! glissa un spectateur, déclenchant des éclats de rire.
 -  Le foutu vin leur monte à la tête ! »

La Princesse se mordilla les lèvres, nerveuse. Heureusement, le soldat n’était pas un Commandeur. Même imbibé d’alcool, un Commandeur n’aurait fait de William qu’une bouchée. C’était un simple soldat, plus à l’aise en tenant ses haches, qu’au corps-à-corps. William se mit à l’affronter, et l’envoya rejoindre le mur, confirmant qu’il n’était pas qu’un simple noble, mais savait aussi visiblement se battre. La scène aurait pu s’arrêter là, mais il dégaina alors sa lame, une rapière. Une lame fine et élégante, mais qui égorgerait le malheureux.

*Quand le sang commence à couler, il faut s’attendre à voir une cascade débarquer…*

Alice se remémorait ce proverbe. Elle commença à ouvrir la bouche pour ordonner à William d’arrêter, mais ce dernier suspendit lui-même son geste en la regardant. Elle soupira, interprétant cela comme une simple manœuvre de séduction. Surpris, le colosse restait sur le sol, et, lentement, la tension se redescendit. Les hommes remirent leurs épées dans les profondeurs de leurs fourreaux. Coehoorn n’avait pas changé. Il se contentait de manger un poulet, et William revint vers sa place.

« V’là ce qu’y s’appelle s’en recevoir une ! » ne tarda pas à lâcher un soldat.

Les rires fusèrent à nouveau, et le soldat vaincu entreprit de se relever, et retourna s’asseoir. William demanda alors le souhait de sortir de table pour mener les négociations, mais Alice, avec un délicat sourire poli, dut refuser sa requête.

« Je suis la Princesse de Sylvandell, M. Dolan. Je dois rester jusqu’à la fin du repas. Si je me lève de table avec vous, cela voudrait dire que je préfère être avec un Nexusien, plutôt que de souper avec mon armée. »

Ceci n’était naturellement pas très courtois, et elle ajouta, avec un sourire qui était désormais amusé, et une lueur espiègle dans le regard :

« Sylvandell a aussi une certaine forme de protocole… Mais vous avez bien fait de suspendre votre geste. Je ne doute pas de vos compétences d’escrime. Chez nous, nous avons un proverbe, M. Dolan. ‘‘Quand le sang commence à couler, il faut s’attendre à voir une cascade.’’ Je conçois tout à fait que votre fierté puisse avoir été ébranlée, mais ces hommes sont avant tout des guerriers. Le respect, ils ne sont capables de le ressentir que devant les Korvander. »

Coehoorn parla alors à son tour, sortant de son mutisme, avec un léger sourire :

« Ne soyez pas si pressés d’entamer ces négociations, William. Je vous l’ai dit ; vous êtes ici en tant qu’hôte. »

Alice regarda William.

« Nous parlerons après le repas, ne vous en faites pas. »

Le protocole était le protocole, et la coutume la coutume. Il était de coutume qu’on ne commence à manger que quand le Roi était à table, et qu’il soit le dernier à partir. En l’absence de Tywill, c’est à Alice qu’il revenait de représenter la coutume.

Les plats continuèrent à défiler, mais l’ambiance était assez agitée. Alice n’avait pas l’autorité naturelle de son père, et certains gardes assez éméchés n’hésitèrent pas à lui faire des propositions grossières, donnant lieu à la réaction du Limier. Ce dernier avait bu, mais n’en restait pas moins particulièrement rapide.

« Toi, mon gars, tu as besoin d’un petit somme. »

La main du Limier envoya la tête du garde contre la table. Il y eut un petit bruit sourd, et l’homme s’écroula ensuite mollement sur le sol, K.-O. pour le compte. Outre ces quelques incidents, le repas se passa plutôt bien. Lorsqu’il se termina, le tiers des convives restants étaient en train de dormir sur la table, le tiers restant sortit difficilement de table, et les autres somnolaient à moitié. Alice avait beaucoup mangé, et sentit qu’elle allait passer une bonne nuit.

« Bien… Suivez-moi, William. »

Alice le conduisit, avec Coehoorn, dans un petit salon un peu plus discret. Pour lutter contre le froid, un feu brûlait dans l’âtre, et Alice s’assit sur un fauteuil.

« Alors, je vous écoute… Pourquoi avoir emmené avec vous un noble ?
 -  Et pourquoi l’avoir déguisé en garde ? Je ne suis même pas sûr qu’il sait par quel bout tenir une épée…
 -  Il était légitime que mes gardes provoquent vos propres gardes. Ils auraient fait preuve d’un peu plus de retenue si ce dernier avait clairement indiqué qu’il était un noble… »

Est-ce que William le savait ? Peut-être avait-il cherché à donner à son cousin une forme de correction ? Alice en doutait, toutefois. William ne se serait sans doute pas autant énervé, sinon…

*Je ne dois pas me laisser abuser par ces beaux yeux… Il a l’air aussi manipulateur et retors que ce qu’on dit de la noblesse de Nexus…*

Tout d’un coup, Alice comprenait mieux pourquoi son père n’aimait pas la diplomatie.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le mardi 01 mai 2012, 23:25:47
William n’aimait pas cet endroit. Ou du moins, ses « protocoles ». La princesse ne s’en rendait peut-être pas compte mais ses hommes l’obligeaient à faire des choses qu’il n’aimait pas. Le jeune homme n’avait pas voulu se lever pour gifler son pauvre cousin. C’est simplement qu’il ne pouvait pas laisser bafouer son nom devant des Ashnardois, et ce, même s’il méprisait sa famille, car malgré lui, l’honneur de celle-ci était aussi la sienne. Il n’avait pas eu non plus envie de se battre pour une insulte qu’il n’aurait même pas relevée sur terre, mais il ne pouvait pas se laisser humilier devant tout le monde sans rien faire. Tuer était une chose qu’il ne désirait pas non plus, mais la faute du soldat était passible de mort et seul sa petite pirouette avait réussi à le tirer de cette obligation, prétextant qu’une femme ne devait pas voir le sang couler. C’était le choc des cultures. Les choses intolérables à Nexus, l’étaient à Sylvandell et il ne pouvait rien y faire. Ici, William n’avait pas le contrôle, et s’il y a bien quelque chose qu’il déteste par-dessus tout, c’est bien de ne pas pouvoir être maitre de ses actes. Fichu pays ! Fichu monde pourri !

William n’était pas vraiment dérangé par le refus de sa requête. A vrai dire, il voulait simplement faire cesser ce cirque avant qu’il soit de nouveau obligé de faire des pitreries au nom d’une notion aussi ridicule que « l’honneur ». Il ne s’attendait pas à ce que les choses se calment aussi vite, et pensait que le soldat allait insister une nouvelle fois. William ne voulait pas sortir encore une fois son épée, car il ne pourrait la rengainé qu’imprégnée de sang. D’ailleurs, il avait bien saisi l’avertissement de la princesse. S’il tuait quelqu’un dans ces murs, il n’en ressortirait pas vivant. Cela arracha aussi un mince sourire au jeune noble. Enfin des menaces sortaient de la bouche délicate de la souveraine. Ou bien peut-être que ce n’en était pas ? Quoiqu’il en soit, comme c’était plaisant !

-Lorsqu’il n’est pas inné, le respect s’inculque, ma dame, déclara William en lâchant un regard froid à son adversaire qui s’était rassis à sa place.

Cependant, Dolan regagna également son siège et se remit à manger dans le calme. Encore une fois, il fut très choqué d’entendre un garde manquer ouvertement de respect à la princesse. Le jeune homme ouvrit alors des yeux ronds et observa le Limier intervenir sans que cela ne le rassure. Une nouvelle fois, cette offense, formulée à Nexus, aurait encore couté la vie au malotru et ne pouvait en aucun cas être lavée par un simple coup. Décidément, c’est à se demander quelle nation est la plus sanguinaire entre Nexus et Ashnard pour ainsi disposer de sanctions aussi sévères, bien que de telles choses ne se voyaient jamais à la cour de la reine Ivory.

Finalement le repas prit fin et William fut conduit dans un salon. Il laissa Thomass qui essayait de cuver son mélange de vin Nexusien et Sylvandois à grand renfort de ronflement. Le jeune homme dut ensuite essuyer une batterie de questions et les mémorisa pour y répondre en une fois.

-Mon cousin Elias est là pour les négociations, si vous aviez d’ailleurs l’amabilité de le convoquer ici, vous verrez de vous-même pourquoi nous avons besoin de lui, expliqua William. En attendant qu’il arrive, je pense que nous pouvons commencer sans lui.

William décocha alors à la princesse un regard appuyé pour qu’elle ait l’amabilité de dépêcher un garde dans ce but, puis poursuivit méthodiquement.

-Ensuite, je ne l’ai pas « déguisé », il s’agit simplement de sa tenue de voyage et je ne voulais pas qu’il se montre en vêtement d’apparat.  J’ai pensé, à tord, que ça lui aurait été préjudiciable. Veuillez comprendre que les coutumes de votre pays nous sont étrangères, et que de ce fait, certaines de nos attitudes peuvent vous paraitre étranges comme les vôtres le sont pour nous.

William se mit alors à fixer la princesse et abandonna la douceur à laquelle elle était habituée pour adopter un ton des plus sérieux, sans pour autant être agressif.

-Votre homme serait mort et moi ensuite si je ne l’avais pas épargné pour « vos beaux yeux ». Ma requête de tout à l’heure avait pour but de ne pas prendre plus de risques et j’espère qu’elle ne vous a pas offensé.

Le jeune homme fit une pause et inspira pleinement pour signifier qu’il changeait maintenant de sujet.

-Bien ! Maintenant que ces points sont éclaircis, ou seront éclaircis lorsque mon cher cousin arrivera, je pense que nous pouvons commencer. Notre but ici est d’affaiblir Nexus afin de la rendre vulnérable à une attaque de l’empire – William leva légèrement les sourcils pour réclamer l’approbation de Coehoorn -. En effet, malgré la révolution dont elle est secouée, Nexus s’unira sous la menace d’une invasion. En quelques jours, les petites disputes entre nobles et les exigences du peuple ne seront plus que de petits problèmes sans importance face à la promesse des pillages, des meurtres et des viols que feront subir Ashnard. Je ne dis pas que ce sera forcement le cas, mais tous les Nexusiens sont élevés avec la conviction que vous êtes des barbares sanguinaires qui éventrent les femmes enceintes et embrochent les enfants sur des pics. Vous comprendrez donc que face à cette menace, la révolte s’éteindra comme une torche jetée à la mer, et lorsque l’armée de l’empire arrivera, Nexus sera aussi forte qu’elle l’a toujours été. Peut-être gagneriez-vous cette guerre en vous ruinant mais vous n’aurez que des coffres vides en récompense car les richesses de Nexus auront été dilapidées par la guerre. Personne ne sera gagnant.

William passa alors une main dans ses cheveux noir d’encre et poussa un soupir comme s’il prenait conscience de la tâche presque impossible qui les attendait, rien qu’en formulant la problématique.

-Il faut donc une guerre civile et un nouveau souverain qui ne sera finalement que le pantin d’Ashnard afin qu’il vous ouvre grand les portes à votre arrivée. La plèbe est facile à convaincre et au pire vous n’aurez que quelques paysans à piétiner et vous trouverez la capitale intacte. Je me proposerais bien dans le rôle du pantin, sachant que j’ai mes prétentions au trône, mais je me doute que vous n’avez aucune confiance en moi et que vous avez certainement mieux. Je suis intimement persuadé que depuis toutes ces années vous avez certains nobles Nexusiens à votre solde et qu’ils se battront pour assumer ce rôle. Bref, pour ce plan, la rébellion aurait besoin de 50 millions de raqs d’or, et en diamant s'il vous plait, pour faciliter le transport. Une somme astronomique que vous n’êtes sans doute pas prêt à débourser dans une aventure aussi hasardeuse et je compte bien vous aider à la réunir malgré tout. C’est là qu’entre en jeu mon très cher cousin.

William décocha un sourire enthousiaste à la princesse et se tut enfin pour s’enquérir de son avis.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le mercredi 02 mai 2012, 11:08:40
L’ambiance était bien plus calme dans le salon. Croisant les jambes, Alice s’était assise sur un fauteuil. Le Maréchal, lui, était resté debout. N’étant probablement pas habitué aux chutes de température des montagnes du royaume, il réchauffait ses mains près du feu. William leur expliqua que Sire Elias s’était volontairement fait passer pour un garde. Ils avaient péché par ignorance, le pire des vices, selon un poète, mais Alice ne pouvait pas le leur reprocher. On ne trouvait pas les coutumes de Sylvandell dans n’importe quel livre. Du royaume, on disait qu’il vénérait les dragons, qu’il était juché dans les montagnes, et qu’il était un royaume guerrier, mais, pour ce qui est du protocole sylvandois, là, il fallait le vivre par soi-même. L’honneur avait l’air d’être une chose à laquelle William tenait.

*Il n’y aurait donc pas que les belles femmes… Voilà qui est plutôt intéressant…*

Alice répondit à sa requête, et claqua des doigts. Un petit son qu’une neko ne tarda pas à entendre. Cathy (http://gelbooru.com//images/551/4f2e3f1dddac621d42e519979a0d8453e8665d88.jpg?680739) ne tarda pas à arriver derrière Alice, timide et nerveuse, jetant des coups d’œil inquiets vers les deux hommes. Alice lui caressa la tête. Généralement, après chaque repas, Alice prenait un peu de temps avec ses nekos. Deux nekos que des amies d’enfance lui avaient offerte pour célébrer son mariage.

« Sois un ange, Cathy, et va chercher Sire Elias. Je crois qu’il doit se trouver dans sa chambre.
 -  O-Oui, Maî… Maîtresse… »

Des étrangers, surtout quand ils avaient l’air aussi impressionnants que Coehoorn, effrayaient toujours Cathy, qui s’éloigna rapidement. La Princesse avait préféré envoyer une neko plutôt qu’un garde, vu le récent succès de Sire Elias avec les gardes. Après cette intermède, William en vint à l’exposé de sa demande. Il commença par énumérer une vérité qui aurait sans doute besoin d’être nuancée : l’union totale de Nexus autour d’un ennemi commun. Une affirmation à nuancer, même si elle était exacte, car la propagande officielle de Nexus n’était pas totalement fausse. Certains dissidents étaient bel et bien des agents ashnardiens, ou alors, des sympathisants. Ces derniers arguaient que, quoi qu’il arrive, l’Empire avait une marche inébranlable, et finirait bien, un jour, pour écraser Nexus. Mieux valait se rendre, selon ces gens, plutôt que continuer une lutte qui était perdue.

Néanmoins, ces penseurs étaient assez minoritaires, et William n’avait pas tort. Une guerre ruinerait totalement Nexus, surtout si elle se prolongeait dans des combats de rue au sein de la ville. Des pillages, des viols, des exécutions punitives, il y en aurait indiscutablement, car ils étaient les symptômes communs aux guerres. Tout cela était entièrement exact, et Coehoorn le savait. La discipline militaire était paradoxalement parfois assez relâchée. William finit par dire qu’il se verrait bien Roi de Nexus, ce qui arracha un léger sourire d’amusement à Coehoorn, avant de demander… 50 millions de raqs d’or ! Alice en eut les yeux écarquillés devant une telle somme ! Voilà qui ferait un sacré trou dans les finances impériales… Avec une belle hausse des impôts en perspective pour récupérer tout cet or.

« 50 millions pour une rébellion… lâcha le Maréchal assez rapidement, Alice ne sachant pas quoi dire. Vous faites valoir cher vos services, M. Dolan. Mais ne vous en faites pas ; je n’ai aucune confiance envers la noblesse nexusienne, qu’il s’agisse de vous, ou d’un autre… Sans vous offenser, toutefois. »

Coehoorn le regardait en ayant tourné la tête de côté, avant de finalement se retourner. Le feu continuait à émettre des craquements et de belles flammes hypnotiques.

« 50 millions nota alors Alice, c’est… C’est une somme…
 -  Un bon investissement, si ça marche. Le peuple n’est pas un élément à négliger. Il peut défaire et faire une monarchie. Dans le fond, que le peuple soit dirigé par Nexus ou par Ashnard, je crois que ça ne les préoccupe pas. Ils seront fidèles à ceux qui leur offriront à manger et sauront assurer leur sécurité…  Mais, comme le dit fort justement notre chère Princesse, 50 millions, c’est une somme… Et, s’il est vrai que nous avons bien des espions à notre solde sur Nexus, l’inverse est tout aussi vrai. On ne peut cacher un tel trou dans le trésor impérial, et, si jamais les espions de Nexus réalisent que cet argent a été viré pour vous, Nexus vous fera fouetter en place publique, et je… »

Coehoorn fut interrompu dans sa longue tirade par quelqu’un qui frappa avec grande délicatesse sur la porte. La porte s’ouvrit ensuite, et la tête de Cathy se glissa dans l’embrasure de la porte. Alice lui fit un bref signe de la main, et la porte s’ouvrit pour de bon, révélant passage à Sire Elias. La Princesse s’adressa alors à lui.

« Je vous demande d’accepter mes excuses, Sire Elias, pour l’incident qui est arrivé à table. Comme je l’ai expliqué à votre cousin, mes hommes n’avaient pas d’autres intentions que de titiller des soldats. S’ils avaient su votre rang, vous n’auriez pas été importunés.
 -  Vous n’êtes en tout cas pas là pour protéger votre cousin, Elias lâcha Coehoorn en croisant les bras. Pourquoi se faire passer pour ce que vous n’êtes pas ? Et quel est votre rôle dans tout ceci ? »

Des deux, Coehoorn apparaissait comme le plus direct, le plus à même d’émettre des remarques sarcastiques. Il ne fallait pas s’y tromper ; les 50 millions, Sylvandell ne les avait pas. En revanche, l’Empire, lui, les avait. Le trésor de guerre de l’Empire était phénoménal, mais, pour autant, la Princesse doutait que même quelqu’un comme le Maréchal puisse avoir une telle somme… Tout comme elle pensait que la vraie demande de William n’était pas cette somme astronomique. Sans doute essayait-il de jauger ses interlocuteurs pour savoir ce qu’ils pensaient, trouver leurs failles, et les exploiter.

Pour le coup, Alice devait admettre que Coehoorn était un militaire plutôt astucieux. Si Tywill avait été à la place d’Alice, il aurait probablement, avec son tact légendaire, encouragé Elias à retourner dans les jupons de sa mère. Le Maréchal faisait également preuve d’un sang-froid impressionnant. Il s’était contenté d’un simple hochement de sourcils à la mention des 50 millions, et à un sourire à la mention du désir de William, celui de devenir Roi. Ivory n’était qu’une simple adolescente, après tout. Elle espérait juste que les Dolan avaient un peu de sang royal dans les veines pour pouvoir prétendre au titre de Roi, mais, si Alice l’ignorait, elle supposait que ce n’était pas le cas de Coehoorn.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le mercredi 02 mai 2012, 13:11:27
William jeta un bref coup d’œil à la Neko pendant qu’il énonçait son plan. Il n’appréciait pas beaucoup ces créatures et se demandait bien comment on pouvait les trouver attirantes. Mais c’était tant mieux puisque le jeune homme n’hésitait pas à en faire commerce sur terre. Et si certaines de ces créatures partaient dans des laboratoires de recherche, les autres servaient d’esclaves sexuels à des millionnaires excentriques. Bref, la Neko ne monopolisa pas son attention plus de quelques secondes.

William fut satisfait du retour de ses interlocuteurs. Ils ne pinaillaient pas sur les détails et s’interrogeaient sur les vrais problèmes. D’ailleurs, ils soulevaient certains points que le Nexusien n’avait pas explorés mais qui ne sauraient être laissés sans solution. Il acquiesça donc d’un air grave et sourit à l’évocation du problème principal : l’argent. En aucun cas, William n’avait cru arriver ici et obtenir ses 50 millions avec facilité. C’était un réel problème et même s’il était fin négociateur, ce n’était pas dans son intérêt de ruiner l’empire. Il avait forcement une solution plus intelligente, mais tellement plus immorale…

Coehoorn fut interrompu lorsque le délicat tambour de la porte se fit entendre. La « bestiole » réapparut et annonça Elias qui entra dans la salle, les joues encore un peu rougis par la honte de se présenter devant la princesse après son humiliation de tout à l’heure. Il y a bien pire que de refuser un combat, se comporter en lâche et recevoir une correction de son cousin… C’est le fait qu’une jolie princesse soit témoin de tout cela, puis d’être convoqué devant elle.

-Je… Je suis désolé milady, bredouilla-t-il sans oser soutenir son regard bleu. Je pensais qu’ainsi vêtu, personne ne me remarquerait. C'est-à-dire que nos deux nations sont vraiment très différentes l’une de l’autre. Je ne m’attendais vraiment pas à ça.

En effet, ce qu’Elias oubliait de dire, c’est qu’à Nexus, les gardes étaient considérés comme du mobilier et qu’absolument personne ne faisait attention à eux. Il se contentait de rester au garde-à-vous près des portes du palais et ne se déplaçaient que pour patrouiller ou escorter des prisonniers. Autant dire qu’ils étaient totalement ignorés. Elias, tout comme William d’ailleurs, avait du penser que c’était la même chose à Sylvandell et que personne n’importunerait le fragile courtisan.

Suite à ces excuses, Elias rehaussa légèrement le menton avec assurance, car la question que lui posait le maréchal était plus dans ses cordes. Il avait attendu et préparé ce moment depuis qu’il avait quitté la cité-état. C’était à lui de jouer et il se devait de maitriser son sujet car son cousin attendait probablement beaucoup de lui.

-Messire Maréchal et Altesse Korvander, je voudrais tout d’abord vous remercier de nous avoir accueillis en terre Sylvandoise, s’exclama le jeune homme avec une assurance qui prouvait qu’il connaissait son texte par cœur. Je vous remercie également d’adhérer à notre cause, car même si l’empire et Nexus ont eu des différents par le passé, le fait que nous soyons là, montre bien que l’espoir demeure. J’ai conscience des risques que vous prenez et ils ne seront pas vains car…

-Elias, interrompit William qui avait désormais le sourire jusqu’aux oreilles. Je pense que tu devrais énoncer la situation avant de poursuivre. Cela permettrait de tous nous mettre sur la même longueur d’onde.

-La… la situation ? bredouilla-t-il.

-Oui, explique donc ce que nous faisons ici. Un bref rappel même si, évidemment, sa majesté et le maréchal le savent déjà.

-Oh, oui bien sûr, fit le jeune homme en secouant la tête. Nous sommes venus à Sylvandell, mon cousin et moi, afin de négocier une alliance secrète entre sa majesté Ivory et Sylvandell. L’influence de la Princesse et du Maréchal ne seront pas de trop pour retarder l’attaque de l’empire et ainsi donner le temps à Nexus de se remettre de cette révolution. D’ailleurs, je suis sûr que dans quelques mois, la révolte sera écrasée et que…

-Merci, Elias, ce sera tout, sonna la voix de William tel un glas sombre et maléfique.

Dolan se mit alors à fixer la princesse avec son sourire cynique. Il exsudait la malveillance par tous les pores de la peau et ses yeux émeraude n’exprimaient plus que les ténèbres qui les habitaient. La princesse et le maréchal avaient-ils compris ? C’était peu probable. Aussi, William eut la générosité de lever leur incompréhension.

-Hum, comme je vous le disais, majesté, reprit William comme si son cousin n’était jamais intervenu. La somme d’argent que je demande sera difficile à réunir et c’est là que mon cousin intervient. Ce jeune imbécile vient d’une très riche famille qui sera prête à payer une forte rançon pour revoir leur fils chéri. Je compte bien faire payer à Nexus une partie de la somme nécessaire pour précipiter sa propre chute. Cela vous délivrera d’une partie du financement de mon projet.

William sourit une nouvelle fois. Il avait amené son cousin en lui faisant croire qu’en tant que fils du trésorier de la couronne, il devrait négocier avec des traîtres de l’empire, le prix nécessaire afin de retarder l’assaut sur Nexus. Malheureusement pour lui, il avait été berné et maintenant qu’il était en territoire ennemi, il serait utilisé comme monnaie d’échange et contribuera à la chute de sa très chère Nexus.

-Je… Je ne comprends pas, fit le jeune homme en regardant la princesse avec des yeux implorants. Qu’est-ce que ça veut dire ?

William fit soudain claquer sa langue d’un air exaspéré et se mit à fixer son cousin avec un air méprisant. Quel imbécile ! « J’ai eu de la chance de ne pas hériter de sa sottise », grommela-t-il pour lui-même. De toute évidence, William n’avait pas eu beaucoup de mal à lui faire gober que les deux Ashnardois étaient des traitres à l’empire et que lui-même était un fidèle sujet de sa majesté.

-Pour l’amour de dieu, qu’on lui fasse un dessin et qu’on lui mette les fers, par pitié, s’exclama finalement Dolan d’un ton blasé.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le mercredi 02 mai 2012, 19:19:47
Elias avait vraiment l’air d’un trouillard né... Difficile de croire qu’il était bel et bien un noble, et Alice se mordilla les lèvres, remerciant encore une fois la Providence que Tywill ne soit pas à sa place. Le pauvre Elias se serait sûrement reçu une gifle, ou des coups de fouet. Il ne tarda pas à s’expliquer, commençant par une longue tirade digne des nobles. William encouragea Elias à aller droit au but, avec un sourire assez charmeur sur ses lèvres, mais qui, sans qu’Alice ne puisse se l’expliquer, sonnait un peu faux sur quelqu’un d’aussi froid. Néanmoins, Elias n’en fut pas gêné, et poursuivit ses explications. Il se présenta comme un émissaire venu proposer à Sylvandell de trahir l’Empire pour rejoindre la cause de Nexus, et la Princesse tiqua.

*Hein ?*

Est-ce qu’elle avait bien compris ? Elle regarda Elias en fronçant les sourcils, se demandant si ce dernier ne s’était pas fourvoyé. William consentit alors à donner des explications supplémentaires, et la Princesse passa une main devant ses lèvres, en fronçant ses jolis sourcils. Il y eut un sourire amusé de la part de Coehoorn, qui avait compris assez rapidement, et croisait les bras. Alice finit également par comprendre que William leur avait, en quelque sorte, envoyé un cadeau. Un otage à faire valoir auprès de Nexus. La Princesse ne savait qu’en penser. Le coup était ingénieux, mais... Relativement immoral aussi. C’était quand même son cousin. Comment faire confiance à quelqu’un qui n’hésitait pas à trahir son propre sang ? Pour une Sylvandine, c’était inconcevable. Rien n’était plus précieux que le lien du sang pour les Korvander, car c’était de ce sang que découlait le pacte sacré avec le Patriarche.

*Si Père était là, il n’aurait pas goûté à cette mascarade... Mais il faut que j’arrête de toujours me référencer par rapport à lui !*

Alice regarda Elias, qui ne comprenait rien, et elle se décida à lui expliquer :

« Sire Elias, vous avez péché par ignorance et par excès de confiance. Sylvandell est géographiquement rattaché à l’Empire. Si nous venions à trahir l’Empire pour soutenir Nexus, nous nous ferions rapidement massacrer. Nos dragons dorés sont puissants, nos forts solides, mais nous dépendons, économiquement parlant, des guerres impériales. L’Empire n’aurait aucune difficulté à nous isoler, à brûler nos champs, et à nous laisser pourrir dans nos châteaux. »

Elias commençait à comprendre, et Alice acheva :

« Des gardes vont aller vous amener dans une chambre du Château. Vous êtes un prisonnier de marque, après tout ; vous méritez tous nos égards.
 -  Je me chargerais ensuite de conduire notre ami à la Capitale impériale... Il vaut mieux que ce soit l’Empire en personne qui s’occupe de traiter cette affaire.
 -  Soit... De toute façon, Maréchal, c’est à vous qu’il revient de fournir ou non l’or que Sire Dolan réclame, pas à moi. En attendant, M. Elias sera enfermé dans le château, dépossédé de ses armes, et, tant qu’il ne fait pas d’idioties, il ne sera pas porté atteinte à sa personne. Nous ne somme spas des sauvages, après tout » fit-elle avec un léger sourire.

Décomposé, Elias n’opposa aucune résistance quand Alice appela deux gardes pour enfermer Elias dans une chambre. Avec le départ d’Elias, ils n’étaient à nouveau plus que trois, et ce fut Coehoorn qui parla en premier, visiblement moins choqué qu’Alice par le geste de William.

« Votre coup est astucieux, Dolan,  j’en conviens, mais non moins risqué. Lorsque l’Empire remettra aux autorités nexusiennes, votre cousin s‘empressera de leur dire que vous êtes un traître... Ce qui risque de singulièrement compliquer vos projets de devenir Roi, non ? De ce que j’en sais sur les méthodes de succession nexusiennes, vous ne pouvez prétendre à la royauté sans avoir le soutien des plus puissants nobles, et je doute que ces derniers accepteront d’aider un homme qui a trahi son peuple... »

Coehoorn ajouta alors :

« ... A moins que vous n’ayez un moyen de s’assurer qu’il ne puisse jamais parler ? »

Alice en eut un léger frisson, comprenant l’allusion. Le tuer. En se débrouillant pour maquiller ça en accident. Certes, il n’était qu’un cousin, mais c’était tout de même un membre de la famille de William. Rien que pour ça, elle trouvait cette idée affreusement sordide et cynique.

*Peut-être que je suis tout simplement trop sensible pour ce genre de choses...*

La Princesse ne disait rien, mais on pouvait aisément voir, à ses joues rouges, qu’elle était perturbée.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le jeudi 03 mai 2012, 18:37:50
-TRAITRE !! TRAITRE A TON SANG !!

C’est ce qu’on pouvait entendre du bout du couloir, où le jeune Elias était trainé jusqu’à ses quartiers. Heureusement, qu’il n’avait finalement réalisé les choses que hors de la pièce et assez loin des oreilles de nos trois conspirateurs.  D’ailleurs, William l’ignora superbement et se replongea plutôt dans la discussion. En effet, il n’avait pas vraiment réfléchi à ce qu’il allait devenir si son cousin révélait sa trahison, pour la simple raison qu’il ne se souciait pas vraiment de sa vie ici. Terra n’étant pas sa terre, il ne prêta pas attention à sa réputation, mais tout de même, c’était effectivement une grosse épine dans le pied.

-Je ne compte pas devenir roi, maréchal, et après ce que je viens de vous montrez, vous seriez inconscient de m’y aider et de m’accorder votre confiance, n’est-ce pas ? Si je suis capable de trahir mon cousin alors pourquoi pas vous ?

William soutint le regard de Coehoorn. La seule raison pour laquelle il n’était pas son ennemi, c’est qu’ils partageaient le même objectif. Il suffisait simplement qu’il diffère d’un iota pour que le maréchal soit bien avisé de ne plus le compter parmi ses alliés. D’ailleurs, le seul qu’ils partageaient était qu’ils voulaient tous les deux voir le drapeau d’Ashnard flotter sur le palais royale de Nexus. Pour le reste, c’est à celui qui a placé ses pions en premier.

Un petit sourire fleurit délicatement sur la commissure de ses lèvres avant qu’il ne détache finalement son regard du militaire. Son expression se fit alors songeuse et il acquiesça solennellement en repensant aux propos de Coehoorn.

-C’est vrai que ce serait du gâchis que je sois grillé à Nexus, convint le jeune homme. Après, si faire disparaitre mon cousin est facile, alors je ne crache pas sur une solution toute trouvée mais j’en doute. Vous avez du voir plus d’échange d’otage que moi, maréchal, mais je suppose que Nexus aurait de quoi s’assurer de récupérer son otage vivant. Par contre, on peut très bien l’empêcher de parler. Dommage, que cet idiot sache écrire sinon je vous aurais conseillé de lui couper la langue.

Sa voix mourut tandis qu’il réfléchissait, puis il se caressa machinalement le menton, tout en fixant un point d’un air songeur. Au bout de quelques secondes, il se redressa, puis reprit la parole, ayant visiblement trouvé une solution.

-Je crois savoir que vous avez de bons tortionnaires à Ashnard, déclara William, d’un ton neutre, comme s’il parlait de fonctionnaire au métier tout à fait respectable. Vous l’avez vu comme moi. C’est une mauviette.  Une séance ou deux et ils n’auront aucun mal à en faire un légume dénué de toute conscience. Lorsqu’il sera de retour à Nexus, je le ferais tuer pour être serein. Cela vous convient-il ?

William avait bien vu que la princesse ne se sentait pas à son aise. Et pour cause, les propos des deux hommes étaient tout simplement insupportables pour une princesse. Le jeune homme s’en voulait même d’avoir du lui faire subir cela. Il se tourna donc vers elle et lui offrit un regard compatissant. Un sentiment dont il n’était pas dénué, même si ses actes maléfiques pourraient faire en douter. Il lui parla donc de la voix douce et tiède qu’il lui réservait à chaque fois.

-Majesté, la journée a été longue pour vous. J’ai conscience que me recevoir dans votre palais ne doit pas être de tout repos. – Il lui fit alors un authentique sourire plein d’humour pour illustrer sa dernière phrase -. Je pense que personne ne vous en voudra si vous alliez vous reposer. Et ce avec tout le respect que je vous dois.

William avait finalement compris le rôle de la princesse. Elle était la maitresse des lieux et accueillait les négociateurs, mais elle n’avait aucun pouvoir de décision. Il avait cru à tord devoir négocier la somme avec la jeune femme, mais l’attitude du maréchal montrait bien que c’était lui qui allait fournir l’argent, enlevant ainsi tout « autorité » à la princesse à la table des négociations. Sa seule légitimité est que tout cela se passait sur ses terres et se devait donc d’assister aux discussions. Cependant, William s’en voulait de lui infliger cela et il espérait qu’elle allait accéder à sa proposition afin que Coehoorn et lui-même continuent sur les sujets qui la troublaient tant.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le jeudi 03 mai 2012, 19:29:44
William parlait de torturer son cousin. Ça lui en retournait l’estomac ! Alice se mit à serrer les dents. En faire un légume, le battre jusqu’à ce qu’il ne soit plus incapable de dire le moindre mot. Comment pouvait-on proférer de telles choses ?

*Et on ose dire que les Ashnardiens sont impitoyables... !*

Coehoorn s’humecta les lèvres. Un calme olympien. Aussi inébranlable qu’un roc, il répondit rapidement aux idées de Dolan :

« Nous pourrions en faire un légume, oui, nous pourrions utiliser des sorts spéciaux qui briseraient sa volonté, détruiraient son esprit, mais c’est un exercice difficile. Et je ne crois pas que nous tirions grand-chose d’un légume. Nexus ne voudra reprendre qu’un otage viable. Qu’est-ce que son père aura à faire d’un légume qui sera incapable de diriger les affaires, et d’assurer une descendance ? Nous pratiquons avec sagacité l’art de la torture, mais il existe des méthodes plus subtiles. »

Le Maréchal n’eut cependant rien le temps d’ajouter, car William s’adressa alors à Alice, en lui conseillant de se retirer... Les poings de la Princesse se serrèrent, et ses joues se mirent à rougir furieusement. Elle fixa alors le Nexusien avec gravité, et lâcha, acerbe :

« Me ‘‘reposer’’ ?! Me prenez-vous donc pour une petite grand-mère cacochyme, M. Dolan ? Je suis Alice Korvander, Princesse héritière du royaume de Sylvandell, élue du dragon d’Or. Le sang des Dragons coule dans mes veines. Même si c’est le Maréchal Coehoorn que vous devrez séduire pour obtenir vos financements, n’oubliez pas que vous êtes sous mon toit ! Si j’avais la trempé de mon père, j’aurais ordonné qu’on vous fouette pour votre arrogance ! »

Coehoorn se racla alors la gorge, pour reprendre :

« Majesté, je sais qu’il est difficile pour vous d’entendre parler de...
 -  Non, Coehoorn, l’interrompit alors Alice, vous ne savez rien. A Sylvandell, il n’est pas de lien plus important que celui du sang. Et, quand bien même c’est vous qui êtes à l’origine de ces négociations, Coehoorn, vous êtes sous mon toit, sous mes règles, et vos conseils, vous pouvez vous les foutre au cul ! »

Le Maréchal se mit alors à rire, comme s’il était amusé.

« Et bien... La fierté et le franc-parler si légendaires de Tywill sont également les vôtres, Princesse, et c’est tout à votre honneur, lâcha-t-il. Je négocie avec tant de flagorneurs, de cireurs de pompes, et d’opportunistes au Palais impérial, qu’il est bon de se voir rappeler qu’il existe des dirigeants qui ne s’encombrent pas de formules creuses.
 -  Que vous utilisiez votre propre sang comme des pions est choquant, Messire Dolan. Gardez bien à l’esprit que, pour que l’éventuel accord entre vous et Coehoorn soit valable, il aura besoin du cachet royal de Sylvandell. Je refuse de vous donner ce prisonnier si c’est pour qu’il soit torturé, ou qu’on le transforme en légume. Les lois sylvandines sont claires sur ce point.
 -  Je connais les lois, Votre Majesté, répliqua Coehoorn rapidement, sans se démonter, même s’il conservait sur ses lèvres la trace d’un sourire. Vos lois. Un otage se doit d’être traité avec respect. C’est un point que les Ashnardiens partagent. Comme j’envisageais de le dire à Sire Dolan, nous avons d’autres méthodes. Le respect que Sire Elias semble vous vouer peut nous amener à légèrement modifier ses souvenirs. Quelques alchimistes savent comment faire ce genre de choses. »

Alice ne dit rien. Elle connaissait la méthode. La noblesse féminine l’employait pour effacer les souvenirs de leurs amants. Des potions rares, qui pouvaient infléchir les souvenirs de ceux qui n’avaient aucune protection mentale particulière. Ainsi, un jeune chanteur croyait avoir couché avec une page, et non avec une noble. Il était impossible pour ce dernier de recouvrer la mémoire, à moins de subir des traitements intensifs pour dissimuler les faux souvenirs des vrais, ce qui était d’autant plus difficile qu’il fallait s’insinuer dans les profondeurs de l’inconscient du sujet. On ne s’y risquait par conséquent que difficilement, dans la mesure où un voyage aussi loin dans l’esprit d’un sujet pouvait entraîner des lésions cérébrales irréversibles.

« Nous lui ferons croire qu’il a été capturé par une patrouille sylvandoise en allant vers Sylvandell. Vous confirmerez cette version quand il sera relâché. Suivant l’histoire que vous lui avez raconté, il suffira de lui dire que cet entretien était un piège tendu par les Sylvandiens. Elias deviendra logiquement la risée de la cour de la Reine Ivory en ayant cru pouvoir négocier avec Sylvandell, mais mieux vaut que vous soyez accusé de trahison. Dans ce scénario, Princesse, nos geôliers n’auront aucune raison de porter atteinte à sa personne.
 -  Voilà qui convient, Maréchal » acquiesça la Princesse.

Cette dernière s’humecta ensuite les lèvres, et regarda les deux personnes.

« Nous reprendrons demain » décréta-t-elle.

Alice s’était un peu calmée. Elle était moins bonne négociatrice que Coehoorn, mais ce dernier n’insista pas. Après tout, ils étaient à Sylvandell, et c’était elle qui supervisait le déroulement des négociations.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le vendredi 04 mai 2012, 00:07:33
Hé bien ! On dirait que le dragon a décidé de cracher son feu mortel. William était bien content que la princesse n’ait pas la « trempe de son père » comme elle le disait elle-même, mais c’était tout de même plaisant de la voir cesser se mordiller la lèvre à chaque fois qu’on heurtait sa sensibilité. C’est à peine si William s’attendait à la voir sombrer dans un profond sommeil que seul un prince charmant au baiser magique pourrait conjurer. Cette soudaine manifestation de caractère le fit revoir son jugement à propos de la jeune fille. Il garda donc le silence pendant tout le temps que dura l’échange, ne se permettant même pas le moindre sourire amusé. William n’était pas assez idiot pour lui manquer ouvertement de respect, mais il n’avait pas la modestie nécessaire pour s’excuser non plus. Il se contentait de la regarder d’un air neutre, en essayant de ne pas grincer des dents sous ses menaces.

Alors comme ça, la trahison du sang la choquait ? Evidemment, ça étonnait même Dolan que ça ne choque pas Coehoorn également. Qui aurait pu penser que ce genre de méthodes était approuvé par un homme tel que le maréchal ? Une surprise, assurément ! Une très agréable surprise même. William, quant à lui, était bien au-dessus de tout cela. Il ne faisait aucun cas de la méthode et ne voyait que le résultat. Peu importe que ce soit son cousin ou le premier péquenaud venu tant que cela pouvait lui rapporter. La fin justifie tellement les moyens…

William se contenta donc de hausser les épaules devant la solution miracle du maréchal pour signifier que cela ne lui importait pas, tant que le résultat était le même, et s’il fallait se plier aux caprices de la princesse, alors ainsi soit-il. Le jeune noble acquiesça alors lorsque la princesse leva la séance et fit mine de sortir de la pièce, ne s’arrêtant qu’un  instant pour lâcher un dernier regard aux Ashnardois.

-Une réunion bien productive, commenta-t-il. Je vous remercie, princesse, d’avoir su nous donner un aperçu de ce qu’est l’éthique. Je vous souhaite une bonne nuit.

C’est sur ces paroles bien humbles que William quitta la pièce, l’ombre dévorant aussitôt ses traits.

* * *

William ouvrit précipitamment les yeux et se redressa, ses phalanges blanchis serrés autour du poignard qu’il cachait habituellement sous son oreiller. Haletant, il resta ainsi, le temps que ses yeux s’habituent à la pénombre de sa chambre et distinguent les formes grisâtre des meubles alentour. Un cauchemar… Quoi de surprenant après avoir trahi son pays, sa famille et toutes les valeurs morales communément admises ?

-C’est bien ! Ca veut dire que tu as encore une conscience.

Bien sûr, personne ne lui répondit ; la nuit lui infligeant son éternel silence macabre. William soupira et se laissa tomber sur ses oreillers tout en reprenant peu à peu son souffle. A ce moment, il enviait presque les pieux qui dormaient du sommeil du juste, car on avait beau se persuader que la morale n’est qu’une notion éthérée, sans réelle substance, lorsque l’on se retrouvait avec soi-même, on ne pouvait plus se pardonner aussi facilement. Son cousin était peut-être un petit imbécile prétentieux, mais il ne méritait pas d’être tombé dans un piège aussi vicieux et inhumain.  Personne ne le mérite d’ailleurs. Il avait simplement eu la malchance de croiser le chemin de Dolan. Une erreur qui ne pardonne pas…

Assit sur le rebord du lit, William renonçait à essayer de se rendormir, sachant très bien que sa conscience n’attendait que cela pour le tourmenter de nouveau. Non. Il préférait rester éveillé et offrir le poids de sa raison pour compenser toutes ces idioties morales. William hésita alors à sortir pour prendre l’air. Peut-être qu’il n’avait pas le droit d’aller où bon lui semblait dans le château Sylvandin. Tsss ! Et puis quoi encore ? Il n’était pas prisonnier, même si parfois, les propos de la princesse lui en donnaient l’impression. Pas le droit de tuer ! Pas le droit de lui proposer d’aller se coucher ! Bientôt, elle le rappellerait à l’ordre la prochaine fois qu’il mettrait ses coudes sur la table. C’est donc avec cette vision plutôt comique, qu’il se leva et enfila une robe de chambre avant de sortir de la chambre.

La nuit était plutôt douce. Il suivit le couloir de l’aile des invités et longea le mur extérieur jusqu’à déboucher sur une arche qui donnait sur l’extérieur. La galerie s’ouvrait alors sur un petit jardin extérieur. Il s’y engagea en faisant attention de marcher sur les dalles blanches afin d’éviter la rosé qui commençait à se former sur les brins d’herbe. Le contact avec la nature le délivrait de sa culpabilité. Cela permettait de prendre un recul indispensable. Ces actes n’avaient plus beaucoup d’importances maintenant. Ce n’était pas lui qui allait empêcher le soleil de se lever demain, alors finalement quelle importance ? Quoiqu’il fasse, cela ne changerait pas grand-chose finalement.

William inclina alors la tête vers la fontaine qui produisait le clapotis lancinant et avisa soudain une silhouette qui se découpait à travers la pénombre de la lune à demi voilée par les nuages. La princesse… Sans doute, ne l’avait-elle pas entendu arriver à cause du bruit de la fontaine. Il entreprit donc de s’annoncer.

-Altesse, souffla-t-il tout doucement. Veuillez m’excuser, je ne voulais pas vous surprendre.

William n’apercevait que sa silhouette et seule son imagination pouvait finaliser sa beauté. C’était peut-être mieux ainsi.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le vendredi 04 mai 2012, 12:06:30
Après le départ de William, Alice s’entretint un peu avec Coehoorn. Le feu continuait délicieusement à crépiter dans l’âtre, et elle n’avait pas énormément sommeil après ce qui s’était passé.

« Il ne m’inspire pas confiance...
 -  Les Nexusiens sont ainsi... Ils ne sont pas si différents que nous, à la différence que leur Reine est encore vierge, et est encore bien trop jeune pour les gouverner. L’Empereur nous dirige et nous unit. S’il n’était pas là, l’Empire connaîtrait les mêmes soubresauts que Nexus.
 -  Si vous le dites... »

Alice en doutait, mais, après tout, Coehoorn passait plus de temps qu’elle à la Cour. Le Maréchal allait se retirer, quand la Princesse lui posa une question :

« Est-ce que... Est-ce que ça ne vous choque pas ? »

Coehoorn s’arrêta sur le palier de la porte. Il tourna la tête, et se mit à parler :

« Il y a cinq mois, j’ai du organiser un siège contre un fort dans les profondeurs de l’Empire. Des rebelles sécessionnistes. Le fort était perché dans les montagnes, et nos renseignements indiquaient clairement que le seigneur local soutenait des milices rebelles, et utilisait ses geôles pour créer des Lycans et des goules afin d’attaquer les villages du coin. Ses propres sujets.
 -  Pourquoi massacrer ses propres sujets ?
 -  Parce qu’il était fou ? Et que, dans sa logique démentielle, il voulait pousser le peuple dans un tel état de terreur que ce dernier se révoltait ? Ou simplement parce qu’il préférait avoir comme sujets des Lycans, plutôt que des fermiers ? Ses mobiles m’intéressaient peu. J’ai vu des femmes éventrées, des bébés dévorés, des villages rasées. J’ai entendu les pleurs d’une mère mourante. J’ai vu un Lycan qui avait encore entre les dents la petite jambe d’un nouveau-né.
 -  Vous avez occis le seigneur ennemi ?
 -  Pour le remplacer par un de ses lieutenants, tout aussi cruel, mais moins pervers. La guerre, Majesté, ça vous apprend à rester de marbre, et à relativiser. Dolan est aussi froid qu’un glaçon, mais il n’est pas fou. Alors, pour répondre à votre question, que ça me choque ou pas n’entre pas en ligne de compte. Dans les négociations, tout ce qui importe, c’est de donner l’apparence que rien ne vous choque. Nous n’obtiendrons pas de Dolan sa confiance, car c’est quelque chose qui ne veut rien dire pour lui.
 -  Oh... Je fais une bien piètre négociatrice, alors... »

Le Maréchal haussa les épaules.

« Si les Rois étaient de fins diplomates, le monde entier vivrait dans la paix éternelle. Il y a pire que vous. Vous êtes juste jeune. »

Le Maréchal se retira ensuite. Pensive, Alice resta dans la pièce plusieurs minutes, avant d’aller dans sa chambre.

*
*  *

Elle fit un rêve. Un rêve qui la réveilla en pleine nuit, un curieux rêve, où elle entendait des hurlements, les dragons rugir, le souffle ardent des flammes. Elle entendait sa femme hurler, elle voyait un gantelet noir, brisé, ensanglanté, tenir la manche en or du Marteau de Sylvandell, et un enfer chaotique de flammes, où une ombre noire avançait à travers les flammes.

Alice se réveilla ensuite, tremblante. Sa chambre était plongée dans la pénombre, à l’exception du feu qui crépitait dans la cheminée, afin de réchauffer la pièce. Elle porta instinctivement sa main à côté d’elle, mais ne sentit personne. Elle ne sentit pas le corps chaud et réconfortant de sa bien-aimée, et finit par sortir de son lit. Dans sa robe de chambre fine et blanche, elle sortit de ses appartements. Le Château était plongé dans la pénombre, mais des gardes continuaient à se promener. Elle atteignit ainsi une petite cour interne, un délicat jardin.

Sortir dehors n’était pas recommandé. Des vents glaciaux s’abattaient sur toute la région, mais, ici, le froid polaire des nuits était sensiblement tempéré par les hauts murs entourant cette petite cour. Traversant les arcades, Alice s’approcha de la fontaine centrale. Au centre de la fontaine, une statue en forme de dragon crachait des jets d’eau. Elle se mit à genoux devant la fontaine, et commença à prier. Son rêve était un signe : l’expédition militaire de son père rencontrait des difficultés.

« Ô dragon d’Or, Patriarche, Dieu de Sylvandell, veille sur Mon Père, sur Notre armée, comme tu veilles sur les tiens... »

Alice murmurait à voix basse, tenant entre ses doigts une petite croix aux formes courbées. Elle était une fervente croyante, comme tous les Korvander. Les gardes, quant à eux, savaient que, généralement, Alice écourtait ses nuits en allant prier, ce qu’elle faisait de plus en plus depuis qu’elle était mariée. Ils avaient donc pris coutume de ne pas la déranger dans l’enceinte du parc, tout en restant proche, pour agir si jamais une menace avait lieu. Elle ne savait donc pas qu’elle était observée.

Quand elle entendit la voix de William, Alice poussa donc un petit cri de surprise et tomba par terre, avant de se retourner précipitamment. Elle sursauta, et se calma en reconnaissant le visage du Nexusien. Respirant longuement, Alice entreprit de se relever, et réalisa que sa croix était tombée près des pieds de William.

« Je... Il n’y a rien de mal, Sire Dolan... Vous... Vous êtes insomniaque ? Est-ce que... Ma croix, s’il-vous-plaît... J’y tiens... »

Un peu surprise, Alice avait du mal à reprendre le courant normal de sa pensée. Quand elle priait, elle entrait parfois dans un état de transe second, où plus rien d’autre ne comptait. Mais, pour l’heure, récupérer sa croix la tentait bien. C’était un outil très précieux, pour elle. Elle priait avec depuis qu’elle avait reçu sa première onction par l’Omniprêtre.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le samedi 05 mai 2012, 19:09:26
William leva doucement les bras pour assurer de ses bonnes intentions. Un sourire contrit naquit alors sur son visage comme la jeune femme le reconnaissait enfin. C’est la malédiction des dirigeants que de toujours craindre que les ombres de la nuit surgissent un poignard à la main pour écourter leur glorieuse vie. Glorieuse… mais tout aussi vulnérable à l’acier que celle du dernier des bouseux. Heureusement, William n’ourdissait pas de tel plan. La vue du sang d’une femme lui était insupportable…

Il avisa alors la petite croix qui avait chu à ses pieds, sa propriétaire la lui réclama du bout des lèvres, et il se pencha donc pour la ramasser. Il jeta un bref coup d’œil au bijou qui reposait dans sa paume puis s’avança vers la princesse, de sa démarche fluide et impérieuse. Sa main se tendit et relâcha la croix dans celle de la jeune femme. Il n’en avait pas profité pour lui effleurer la main, ne se sentant pas d’humeur charmeuse ce soir. William était venu dans ce jardin pour réfléchir, quoiqu’avoir de la compagnie ne le dérangeait pas pour cela. Bien au contraire. Malheureusement, il avait bien conscience de ne pas être de très bonne compagnie pour la jeune dame. Hé bien, il ferait de son mieux…

-Non, je ne suis pas insomniaque, la détrompa-t-il. Je suis juste loin de chez moi… Très loin.

Le « très loin » prenait tout son sens puisque William ne parlait pas de la pathétique Nexus, mais du merveilleux monde qu’était la terre. Il eut alors un petit sourire triste et s’assit sur un des bancs de pierre blanche qui ceignaient la fontaine. Le jeune homme écouta pendant un moment le clapotis de l’eau avant de reprendre la conversation là où elle s’était arrêtée.

-J’espère que vos problèmes seront entendu par votre dieu, déclara-t-il tout simplement.

Lui, n’était pas un bon croyant, contrairement à la princesse, mais il tolérait. Pas au point de le respecter mais disons qu’il essayait de ne pas rentrer dans des débats théologique. Bien sûr, il n’était pas stupide au point de nier leur existence, mais des êtres pourvus d’une conscience, de désirs, et de besoins, ne méritaient en aucun cas d’être vénérés selon  lui.

-Les méthodes pour apaiser ses soucis sont divers et variés, mais je dois reconnaitre que la votre est sans doute la seule qui serve à quelque chose.

Il tourna alors son regard, dont l’éclat d’émeraude était invisible dans la pénombre, vers elle et hocha la tête d’un air apaisant.

-Je suis sûr que votre père se porte bien, lui assura-t-il avec douceur. Et j’espère simplement que je serai parti loin lorsqu’il reviendra armé du fouet dont j’aurais surement gouté s’il avait été avec nous ce soir.

Les yeux de William se plissèrent légèrement et on pu voir son expression rieuse suite à sa petite plaisanterie qui faisait bien sûr référence à l’accès de colère de la princesse. Le jeune homme était comme cela, n’hésitant pas à tourner à la dérision les sujets ou les évènements qu’il valait mieux ne pas rappeler ou aborder. Peu importe, car, on peu plaisanter sur tout lorsque rien n’a d’importance.

-A propos, n’hésitez pas à me renvoyer si ma présence vous empêche de vaquer à vos occupations.

Une façon élégante de lui dire qu’elle n’avait pas à supporter sa compagnie si elle n’en avait pas envie. Ce qu’il comprendrait plutôt bien. Le fait qu’il ait surpris sans le vouloir les quelques bribes de prières que la jeune femme avait prononcé pouvait déjà être un bon motif d’exclusion.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le samedi 05 mai 2012, 21:27:43
Se remettant de ses émotions, Alice récupéra son collier, et le remit autour de son cou, contemplant entre ses doigts la croix avec une forme de dragon.

« Merci... » glissa-t-elle.

Elle releva ensuite la tête. Le Nexusien alla s’asseoir sur un banc, semblant plongé dans ses pensées. Ne sachant pas quoi lui dire, Alice regarda la fontaine. Entendant un rugissement, elle leva la tête, et vit un dragon passer, ses ailes se découpant dans l’obscurité. Il s’éloigna rapidement. Qu’il faisait jour ou nuit, les dragons volaient toujours, se relayant entre eux. Alice entendit alors William lui parla. Vu ce qu’il disait, elle doutait qu’il soit croyant. Elle doutait encore plus qu’il n’avait l’air d’avoir aucun respect pour personne d’autre que lui-même.

*Celui qui ne respecte personne ne peut pas se respecter lui-même songea pensivement Alice en regardant sa croix. Est-ce qu’un homme capable de trahir son propre sang est capable d’éprouver de l’amour ?*

William lui parla alors, lui affirmant qu’il était sûr que son père allait bien. Comment pouvait-il le savoir ? Elle avait envie de lui balancer cette question, mais elle se retint, se disant que ce ne serait guère courtois. Dans le fond, il n’y était pour rien. Il essayait de la rassurer, mais il ne faisait que l’irriter, car elle avait l’impression qu’il lui avait parlé avec le même dédain habituel. Mais c’était sans doute elle qui était fatiguée. Elle hésita effectivement à la laisser en paix, mais se ravisa. Elle avait fini de prier. Et dormir ne la tentait pas plus que ça.

« Si vous aviez eu mon père en face de vous, je ne pense pas que vous lui auriez suggéré de s’éloigner » lâcha-t-elle tout simplement.

Alice connaissait suffisamment les hommes pour savoir qu’ils avaient généralement tendance à sous-estimer les femmes. Sans doute parce qu’elles étaient celles qui portaient l’enfant, et que l’imaginaire collectif les rapprochait plus de la douceur, de la tendresse, d’une espèce de sensiblerie typiquement féminine. Ce n’était pas Alice, avec son petit corps, qui pourrait lutter contre de tels clichés, mais elle était plus ou moins sûre que, si William avait été en face de ce colosse qui était son père, il n’aurait fait aucune remarque désobligeante. Contrairement à sa fille, le Roi de Sylvandell avait cette faculté de se faire respecter au simple regard, ou dès qu’il commençait à parler. Pour Alice, il était indéniablement un grand Roi, au sens sylvandin du terme.

« Et puis rajouta-elle avec un léger sourire, s’il y en a un qui a intérêt à partir rapidement, c’est plutôt le Maréchal Coehoorn. Quand mon père saura que ce dernier a organisé des négociations impliquant le royaume dans son dos, il sera furieux. »

Ce en quoi on ne pouvait pas vraiment lui donner tort. Alice regarda la fontaine, avant de tourner la tête vers lui, parlant désormais sur un ton plus doux.

« Nexus vous manque ? Je ne souhaite pas tout ça, vous savez... Cette guerre... J’espère que ces négociations finiront un jour par aboutir à un état de paix. On dit que Nexus est la plus belle ville de tout Terra. Et, même si la beauté est un concept qui est parfois difficile à saisir dans l’Empire, la destruction absolue n’est pas ce que nous recherchons... »

Elle pouvait tout à fait comprendre les problèmes de William. Nexus était, politiquement parlant, dans un état catastrophique. Et il n’allait pas arranger les choses, en précipitant une guerre civile. Il y aurait des morts, et l’homme en aurait les doigts couverts de sang. Mais c’était sans doute préférable à ce que l’Empire attaque en force. La Princesse connaissait suffisamment les stratégies ashnardiennes pour savoir qu’ils n’hésiteraient pas à incendier toute la ville, afin de neutraliser Nexus. De deux maux, il fallait choisir le moindre.

Néanmoins, Alice savait qu’elle n’était pas inquiète pour cette campagne. Elle savait que son père reviendrait indemne. D’autres soucis la préoccupaient, bien plus importants, mais elle ne comptait pas vraiment se confier à William. Elle regarda la fontaine, et un petit vent frais la fit frissonner, l’amenant à frotter ses bras., afin de se réchauffer un peu. Elle s’agenouilla près de l’eau claire de la fontaine, se rappelant quand elle avait jeté une pièce à l’intérieur pour la toute première fois. Son premier vœu avait été d’obtenir une bonne note de la part de son instructeur à un examen.

« Que pensez-vous de nos croyances, M. Dolan ? lui demanda-t-elle d’un coup en se redressant. Pour beaucoup, les croyances et les rites de Sylvandell sont stupides. Croire en la divinité d’un dragon, c’est, pour bien des gens, absurde, que ce soit des Nexusiens ou des Ashnardiens. Personnellement, je trouve que les dragons sont des êtres bien plus divins que de simples humains. Qu’en pensez-vous ? »

Une question qui pouvait paraître assez surprenante, relativement intime, mais, dans la mesure où William l’avait surprise en train de prier, la question restait bien ancrée dans son contexte... Du moins, Alice le croyait.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le dimanche 06 mai 2012, 18:04:16
Ce que William lui avait dit à la réunion, la princesse l’avait toujours en travers de la gorge. Il n’estimait pas l’avoir sous-estimé ou insulté. C’était de la pitié qu’il avait éprouvé pour la jeune femme qui avait été obligé d’assister à cette débauche de violence et vilénie. D’ailleurs, il se serait senti mal à l’aise de ne pas lui proposer une échappatoire, et puis peu importe qu’elle l’ait mal pris. Si c’était à refaire, il le referait de la même manière.

Le jeune fronça les sourcils tandis qu’elle lui expliquait que son père ne savait rien de la réunion qui l’amenait ici. Dans ce cas, qu’est-ce qu’il faisait ici s’il n’avait pas l’approbation dur roi ? Pourquoi organiser une négociation à Sylvandell si le pays n’avait absolument rien à voir avec les tractations, et du coup, pourquoi la princesse avait-elle dit que les accords devaient être validés par le cachet royal ? Ces informations étaient contradictoires. Il y en avait donc forcement des fausses ou des mal comprises. Dans la pénombre, on voyait difficilement le trouble que la princesse avait jeté sur lui, mais il ne l’exprimait pas pour autant, se contentant de la laisser parler sans l’interrompre.

Il répondit toutefois à sa première question en secouant lentement de la tête. Non, Nexus ne lui manquait pas mais il ne pouvait pas non plus lui dire quel foyer qui lui faisait réellement défaut. Toujours pensif, il réagit toutefois à l’espoir de la jeune femme. C’était touchant de penser comme elle et parfois William aimerait avoir ce même optimisme.

-Il n’y aura pas de paix, déclara William en tournant ses yeux vers elle. Jamais. Il y aura toujours des conflits et la guerre continuera quoique que nous fassions. Si un jour, l’empire parvient à conquérir Nexus, l’écart géographique entre les deux nations est trop important pour apporter la stabilité. Cela pourra prendre un an ou un siècle, mais la révolte renversera le régime et Nexus sera de nouveau libre. Un empire trop vaste ne peut survivre. A chaque fois qu’un conquérant idéaliste tente de faire cesser les guerres en fédérant toutes les nations sous un même drapeau, au mieux, il meurt avant d’avoir vue son œuvre éclater en morceaux. Nous les humains sommes fait pour vivre ensemble, mais pas tous ensemble.

C’est sur cette vision peu optimiste de l’avenir que William se mit à fixer la petite croix que la princesse portait toujours. Elle lui parlait des dragons. Pour William s’était de gros lézards volants qui crachaient du feu. La vision simpliste de l’ignorant. Il ne savait absolument rien de ces créatures, mais une chose était sûr, c’est que la conception de la divinité de la princesse était très éloignée de la sienne. Une fois qu’on le réalisait, il était beaucoup plus simple de comprendre ce que voulait dire la jeune fille. William haussa donc les épaules et inspirant lentement suite à sa question, tout en cherchant les mots qu’il allait employer pour y répondre.

-Qu’est-ce que Dieu, Princesse ? Demanda-t-il. Pour moi, il s’agit de notre créateur, mais pour vous, je pense qu’il s’agit plus d’un protecteur. Du coup, vous comprendrez que je ne puisse pas avoir de réelle opinion sur votre culte puisque nous n’avons pas la même conception de ce qu’est la religion. Je pense que c’est mieux ainsi de toute façon. Si vous êtes heureuse en priant votre dieu, s’il répond à vos prières, alors je ne peux que vous approuver. Du haut de mon ignorance, je n’ai pas de jugement à apporter.

Voila, William était tolérant. C’est tout ce qu’il faut retenir. Malgré qu’il ait le sourire narquois facile, son mépris n’était pas aveugle. Les gens pouvaient croire à ce qu’ils voulaient tant que cela ne les faisait pas agir de façon stupide et incohérente. Cependant, il n’avait pas réellement répondu à la question de la jeune fille. William avait effectivement une opinion sur la question du dieu dragon de Sylvandell mais à aucun moment il n’oubliait qu’il parlait avec la princesse de ce royaume. Ses mots étaient choisis et il n’exprimait ses pensées que lorsque ceux-ci restaient assez vague sur les sujets délicats. Pourtant, si la princesse tenait vraiment à la vérité, William avait peut-être un petit jeu intéressant, qui bien entendu, ne serait pas à sens unique.

-Nous sommes seuls, il fait nuit et nous n’arrivons pas à dormir, constata-t-il avant de lui décocher un regard en biais. Ca vous dirait de faire un petit jeu ?

Cette fois, William tourna totalement la tête vers elle pour ne pas manquer le spectacle qui allait poindre sur son visage. Les phrases ambiguës sont toujours très amusantes et le jeune homme ne s’en lassait jamais. Cependant, il ne valait mieux pas trop jouer avec la Kovander, aussi, il s’expliqua rapidement.

-Vous posez une question et je dis la vérité, puis c’est à mon tour, et ainsi de suite, fit-il. C’est simple et ça fait passer le temps. Cela vous tente ?
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le lundi 07 mai 2012, 20:13:34
William avait en lui la force de déprimer tout un régiment. Il ne croyait visiblement pas à la paix. Alice était personnellement plus réservée, mais elle choisit de conserver pour elle ses propres pensées. Pour elle, la guerre entre Nexus et Ashnard ne pouvait pas connaître de fin, surtout pour l’Empire, dans la mesure où l’économie impériale était essentiellement guerrière. Elle reposait sur la production militaire, et sur l’or que les pillages rapportaient. Partant de là, la fin de la guerre signifierait un changement total dans l’économie. Les esclaves seraient bien plus difficiles à récupérer, et, avec la chute de l’ennemi traditionnel de l’Empire, l’unité politique et militaire de l’Empire s’affaiblirait progressivement. Dans la mesure où cette unité reposait à la fois sur le charisme de l’Empereur et sur la haine commune contre l’ennemi, si on enlevait l’un de ces éléments, l’autre s’effondrerait également. Alice y réfléchissait, et elle savait que Sylvandell aussi. Contrairement aux apparences, Sylvandell rêvait de devenir un jour un royaume réellement indépendant, afin de pouvoir pleinement se concentrer sur sa foi envers les dragons, et non plus se mêler à des guerres qui, dans le fond, ne concernaient que fort peu le royaume. Les guerres impériales n’étaient que l’occasion d’entraîner les dragons et les soldats pour se préparer à la véritable guerre qui, selon la légende, les attendait dans les profondeurs des montagnes.

*Si Nexus disparaît, si l’Empire l’avale, alors les Ashnardiens se tourneront logiquement vers les Tekhans... Mais la supériorité militaire tekhane est incontestable...*

L’Empire était bien trop expansionniste pour ne pas rêver de s’emparer également de Tekhos, et ce même si c’était impossible. L’armée tekhane était technologiquement parlant bien plus évoluée. Mais les Impériaux devaient probablement l’envisager, en faisant des stratégies militaires complexes, qui ne pouvaient qu’impliquer les Formiens. Sylvandell était loin de tout ça. Si l’Empire s’affaiblissait suffisamment, elle savait que les Sylvandins rêvaient d’y voir là l’occasion de pouvoir enfin devenir autonome. L’indépendance de Sylvandell était un mythe très difficile à concevoir en pratique. Beau sur le plan de la théorie, mais, en pratique, Sylvandell dépendait bien trop des importations ashnardiennes pour réussir à s’en sortir. Le statut de royaume suzerain offrait des privilèges non négligeables.

Naturellement, elle n’envisageait nullement d’en parler à William. Il lui expliqua qu’il concevait de manière assez différente qu’elle la religion, en ce sens qu’il voyait les Dieux comme des créateurs, et elle comme des protecteurs. Alice tint cette fois à lui répondre, avec un léger sourire :

« Le dragon d’Or a fondé Sylvandell. Il a offert à Erwan le soutien de sa horde, et ce soutien a permis au Premier Roi d’obtenir l’assistance de l’Empire pour forger le royaume de Sylvandell. Mais en quoi création et protection devraient être séparés ? Une divinité ne devrait-elle pas chercher à protéger ce qu’elle a créé ? Le dragon d’Or veille sur nous, mais il tient à ce que nous soyons aussi aptes à nous débrouiller par nous-mêmes. Ceci ne m’empêche pas de louer sa force. Il est en nous. En moi. Il végète dans mon sang. »

Elle s’arrêta là, conscient que, pour un incroyant, elle pouvait paraître pour une folle. Tout ce qu’on pouvait en dire, c’est qu’Alice prenait la religion très au sérieux. Elle n’était pas de ces pseudo-croyants qui se contentaient de croire pour pouvoir se faire bien voir, et bénéficier d’avantages, ou de privilèges. La foi de la Princesse était honnête, sincère, ce qui en faisait une jeune femme relativement idéaliste. Croire que les Dieux veillaient sur les espèces inférieures, c’était idéaliste. Elle y songeait lorsque William lui proposa « un petit jeu ».

Arquant un sourcil interrogateur, la Princesse ne dit rien, ce qui était en soi une confirmation. Dormir ne la tentait effectivement pas. Elle se réveillerait encore à midi, mais c’était quelque chose d’assez habituel chez elle. Coehoorn le savait. William avait attisé la curiosité de la jeune Princesse, et il ne tarda pas à lui expliquer la teneur de ce jeu. Un jeu qui la fit sourire. La vérité... La vérité dans la bouche d’un Nexusien... Ne disait-on pas qu’un bourgeois ignorait ce qu’était le mensonge et la vérité ? Que la vérité n’existait pas ? Alice s’humecta les lèvres, réfléchissant, et un léger sourire éclaira ses lèvres. Ce jeu lui rappelait celui qu’elle faisait jadis, quand elle était petite, et qu’on la conduisait dans les manoirs des grands barons sylvandins.

« Pourquoi pas... finit-elle par lâcher. Honneur aux femmes, je présume... »

Plusieurs questions vinrent naturellement à l’esprit de la Princesse, qui les tria dans sa tête, les répertoria, et finit par en lâcher une, qui lui semblait être la plus pertinente en guise d’introduction. Elle la prononça en fixant soigneusement l’homme, croisant les bras. Rien n’encourageait ce dernier à lui dire la vérité, mais Alice voulait croire que, dans le manteau de la nuit, il ferait « comme si ».

« Aimez-vous Nexus, Messire Dolan ? »
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le mardi 08 mai 2012, 20:47:21
L’éternelle question. Si Dieu nous a créé, est-ce qu’il nous protège ? Et si oui, qu’est-ce qu’il le fait mal ! Les Sylvandins avaient bien de la chance d’avoir un dieu qui les garde mais pouvait-il les protéger de tout, sachant que lui-même avait été créé par une puissance supérieure à la sienne ? Et en aurait-il seulement l’envie jusqu’à la fin des temps ? Finalement, on ne se pose pas la question du manque d’intérêt qu’un dieu peu développer pour ses créations. Bref, c’était beaucoup de question que William aimerait bien que la princesse se pose, si seulement elle en avait envie. La foi a la fâcheuse tendance de nous persuader intimement que les dieux sont bienveillants, alors que tout ce qui se passe dans le monde tend à prouver le contraire.

Cependant, William n’avait pas très envie de débattre de théologie, car il était évident qu’à la fin des quelques théories lancées à la figure de l’autre et des rhétoriques sèches, aucun des deux n’aurait changé d’opinion. Ce qui est, pour William, le but d’un débat. Il se fichait bien de faire changer l’autre d’avis pour la gloire de son ego, l’essentiel était de faire évoluer sa propre vision de la chose, et William avait le sentiment que la princesse ne pourrait le faire changer sur un aspect de la vie auquel il avait déjà longuement réfléchi.

D’ailleurs, son jeu commençait. La princesse semblait s’y prêter avec un certain enthousiasme, à moins qu’il ne sache pas interpréter son sourire correctement. Toutefois, le jeune homme ne criait pas victoire trop vite, car même si son petit jeu semblait anodin au premier abord, il devenait cataclysmique dans les mains du noble nexusien. Aussi, si la princesse semblait encline à y jouer, encore fallait-il qu’elle le soit après sa première question. Cependant, William était prêt à montrer le bon exemple puisque c’était à elle de commencer. En  effet, contrairement aux apparences, William adorait la vérité. Lorsqu’il ne sert pas des intérêts concrets, comme avec Elias, le mensonge est sale et méprisable. C’est la solution de la facilité et de la faiblesse. William préférait de loin la vérité qui pouvait également être un outil amusant lorsqu’on savait en jouer. Ambivalences, non-dits, allusions et diversions étaient les pièces du jeu de la parole qui pouvaient très bien s’accorder avec la vérité.

Ceci étant dit, la question de la princesse n’était pas encore trop indiscrète pour que William ait besoin de déployer tout son talent d’orateur. En fait, c’était une question plutôt facile lorsqu’on a des facilités à dire ce que l’on pense.

-Un homme qui trahit son pays peut avoir deux raisons de le faire, commença le jeune homme en s’exprimant posément. Soit il fait valoir son profit personnel devant l’amour de son pays, soit il déteste ce dit pays. Dans mon cas, altesse, ce sont les deux à la fois. Non, je n’aime pas Nexus. J’exècre sa noblesse dont le seul mérite est d’être née avec des couverts en argent dans les mains et qui se croit supérieur aux autres, alors que ce ne sont que des consanguins abruti par leurs protocoles.

La voix de William s’était élevée alors qu’il crachait sur ses origines, pour finalement exprimer une pointe de colère qui s’évanouit bien vite, laissant la place au silence d’une courte pause.

-J’abhorre cette soi-disant supériorité morale de Nexus sur Ashnard, qui nous fait presque croire que le bien est incarnée par une cité-état qui ne vit que grâce à ses monopoles commerciaux et le trafic de civilisations dites inférieurs, incapables de se défendre contre une race avide et belliqueuse. Et enfin, je déteste la magie qui rend toute action et tout plan finement calculée, totalement voué à l’échec devant l’imprévisibilité d’un sortilège exécuté à coup de moulinets avec les bras.

William se rembrunit et observa la princesse avec un sourire satisfait. Voila comment on jouait à ce jeu. Ou du moins, comme lui y jouait. Le jeune homme se fichait éperdument que son interlocutrice sache ce qu’il venait de lui dire puisqu’il y avait peu de chance qu’elle puisse s’en servir contre lui.

Dolan réajusta sa position sur le banc et fit mine de réfléchir à la question qu’il allait poser, les yeux en l’air, car c’était bien son tour. Finalement, son regard d’émeraude se fixa sur la princesse, un air totalement neutre étalé sur son visage.

-Dites-moi, comment la princesse de Sylvandell compte-t-elle donner un héritier à son royaume vue qu’elle a épousé une femme ?

En effet, William n’arrivait pas bien à saisir le concept du mariage Sylvandins. Il avait cru comprendre que la lignée royale n’avait qu’un seul enfant pour faire perdurer son nom, et jusqu’à preuve de contraire, les femmes avaient un peu de mal à faire un enfant seules. Mais ce qui l’étonnait le plus, c’est qu’un homme comme Tywill tolère cela. Bref, il avait besoin d’éclaircissements.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le mardi 08 mai 2012, 22:37:04
Comme Alice l’avait présupposé, William n’éprouvait aucun amour pour sa patrie. Pourquoi vouloir en devenir le Roi, alors ? Pour couler encore plus son pays ? Il ferait, de son point de vue, un bien piètre roi, s’il n’aimait pas sa nation... Mais elle devait reconnaître que ses raisons étaient assez valables. Par rapport à l’Empire conquérant, Nexus se présentait comme la cité de la liberté, de la paix et du commerce. Un havre de paix et d’égalité, bien loin du fléau ashnardien, de la dictature et de la tyrannie impériale. Un conte de fées, naturellement. Seuls les niais croyaient encore au mythe de la Nexus heureuse, de la Nexus bienveillante. La réalité, naturellement, était bien plus nuancée, ce qui amenait finalement à considérer que, entre Nexus et Ashnard, il fallait, de deux maux, choisir le moindre. Ashnard était un empire cruel, militaire, brutal, un Empire qui marchait avec une cadence terrifiante. Ceux qui s’opposaient contre l’Empire étaient piétinés et écrasés, et l’Empire accordait bien trop de libertés à ses seigneurs, ce qui engendrait bien des injustices. Mais, d’un autre côté, l’Empire apportait aussi une forme de sécurité et de stabilité. Si Alice avait connu Machiavel et ses théories excessives, elle aurait sans doute trouvé une très bonne application dans la politique ashnardienne. La fin justifiait les moyens, et l’Empire n’avait pas le choix. Terra était un immense univers de souffrance, d’injustice et d’inégalités perpétuelles. L’Empire arrangeait les choses, fédérant et unissant les hommes sous le respect de l’Empereur. Tout le monde était égal devant la supériorité de l’Empereur et de son armée.

C’était en somme deux visions qui s’opposaient. Un Empire autoritaire qui bafouait les libertés au profit d’une espèce d’égalité d’un côté, et un royaume libre, mais constamment déchiré par les rivalités politiques entre les puissantes familles de nobles. Des valeurs qui s’opposaient. Deux idéologies qui se faisaient face. Dans le fond, William n’avait pas fondamentalement tort. Même s’il devait un jour s’avérer que l’Empire contrôle Nexus, il faudrait réussir à obtenir la soumission de chaque noble, et ce serait long. L’Empire enverrait des colons dans chaque ville, afin de progressivement réussir à faire d’une majorité contestataire une minorité qui serait perçue, non plus comme l’expression de la résistance à l’oppression, mais comme des agissements terroristes envers une réalité solide et établie. Mais Alice ne verrait pas ça de son vivant. Il faudrait des siècles pour que tout ça se réalise, et c’était de toute manière hautement improbable.

En définitive, elle vit à travers cette réponse un homme qui semblait bien moins froid et détaché que ce qu’elle avait pu croire. L’inégalité de Nexus semblait le choquer. Mais qui se souciait d’égalité, de nos jours, si ce n’est ceux qui avaient à cœur le bien-être de la population ? La Princesse ne savait pas quoi en penser. Accessoirement, William lui avoua détester le concept de la magie, ce qui la fit hausser les sourcils. La magie était naturelle sur Terra... Pourquoi y être contre ? Alice n’était pas sans ignorer que la magie n’existait pas sur Terre, ce qu’elle avait toujours trouvé curieux. Si William avouait ne pas aimer la magie, était-ce parce qu’il avait vu un monde où la magie n’existait pas ? Alice n’eut toutefois pas vraiment le temps d’y songer, car William alla finalement lui poser sa question... Une question qui concernait sa mariage, et la succession. Un sujet qui embêtait toujours un peu la Princesse, car, quand elle aurait un enfant, elle ne serait plus une Princesse, mais une Reine. Une Reine ! Tywill ne serait plus là, et elle devrait assurer par elle-même la direction de ce royaume. Une tâche qui lui semblait presque insurmontable.

La Princesse devait toutefois répondre, et elle le fit donc :

« Le mariage est une chose difficilement concevable à Sylvandell, Sire Dolan, commença-t-elle, préférant commencer par des généralités. S’il est admis entre nos vassaux, ou envers de simples paysans, Erwan Korvander, le Premier des Rois, l’a proscrit pour tous ses héritiers. Pour le comprendre, il faut déjà comprendre ce qu’est le mariage. D’un point de vue formel, le mariage est une reconnaissance administrative d’une union entre deux êtres. D’un point de vue religieux, le mariage est un sacrement divin entre deux êtres. Et, d’un point de vue bourgeois, le mariage est une alliance politique entre deux maisons. »

Alice avait brassé à peu près toutes les conceptions du mariage qui existaient, et elle poursuivit sur ses explications :

« Pour nous, aucune de ces trois conceptions n’a de sens. L’amour entre deux êtres est quelque chose de privé, d’intime, qui ne concerne pas le monde des relations publiques. L’amour relève de la sphère de l’intimité, et, partant de là, une reconnaissance administrative, publique, est vide de sens. D’un point de vue religieux, le seul lien sacré qui ait pour nous de l’importance soit celui qui unit les Korvander au Patriarche. Tout autre lien est sacrilège. Et, d’un point de vue bourgeois, nous préférons forger nos alliances dans la bataille, pas dans un lit. Et nous avons déjà le soutien de l’Empire Ashnard. Que demander de plus ? Partant de là, Sire Dolan, vous comprenez sans doute mieux pourquoi le mariage n’est pas une coutume admise dans la famille royale. »

Si Alice devait s’arrêter là, on comprendrait à vrai dire mal pourquoi elle s’était mariée. La Princesse continua donc, bien lancée :

« Mon mariage est une exception, et mon père l’a vu d’un mauvais œil... Comme bien des gens. Paradoxalement, le fait que je me sois mariée avec une ancienne esclave qui n’ait aucun titre de noblesse a probablement fini par le convaincre. Si ma dulcinée aurait été une riche duchesse, le mariage aurait été encore plus difficile. Père y aurait vu une basse manœuvre d’une quelconque famille de nobles de s’emparer de Sylvandell. Et vous avez du remarquer que nous avons notre fierté. Seul un Korvander peut diriger le royaume. »

La Princesse s’arrêta un peu, laissant le temps à William de tout comprendre. Elle était debout, marchant, faisant plus ou moins les cent pas. Parler du mariage revenait naturellement à songer à Sakura, à sa femme, et au fait qu’elle ne soit pas là en ce moment.

« Si ce mariage a pu être toléré, c’est parce que ma femme a été choisie et bénie par le dragon d’Or. Nous avons dès lors perçu cette dernière comme une espèce... D’envoyée. C’est à ce titre qu’elle a été affranchie de son statut d’esclave, qu’elle a acquis la nationalité sylvandienne, et que nous avons pu nous marier. De même que l’Ordre considère le mariage comme le lien entre l’Homme et Dieu, de même nous avons considéré cette union comme le lien entre l’Homme et le Dragon d’Or. »

Après ce long exposé, Alice répondit finalement à la question posée :

« Je crains que vous n’ayez été induit en erreur par ce lien que les gens font entre le mariage et le fait de fonder une famille. Rien ne m’oblige à avoir un enfant de la part de ma femme. Ma mère à moi était une prisonnière de guerre sans envergure. Erwan recommande même d’avoir un enfant avec un individu qui ne soit pas de haute naissance, afin que le sang des Korvander ne soit pas concurrencé par un autre sang puissant. Je n’aurais donc aucun problème à me trouver un amant, mais j’ai envie que mon enfant soit le fruit de l’amour... »

Elle avait dit ça en touchant son ventre. Sa mère, elle n’avait jamais su son nom. Elle était morte en accouchant. Officiellement. En réalité, elle supposait son père de l’avoir fait exécuter, afin qu’elle ne vienne pas leur nuire. Elle tenait à changer les choses. Elle était convaincue que, si le dragon d’Or avait désigné Sakura, c’était pour qu’elle lui fasse un enfant, ce qui l’amena tout naturellement à conclure :

« Et je pense aussi que vous manquez de connaissance sur Terra. Sans vouloir vous offenser, naturellement, mais ça fait maintenant des siècles que les Tekhanes se reproduisent entre elles. Cette magie que vous n’appréciez pas permet de faire bien des choses, tout comme la technologie. Et Sakura est tout à fait capable de m’enfanter. Elle sera sûrement celle qui m’enfantera. »

A cette idée, Alice était autant rêveuse qu’angoissée. Avoir un enfant... On disait que c’était, pour une femme, la plus terrifiante et la plus belle des expériences. Mais, lorsqu’elle aurait un enfant, un pas serait franchi... Elle ne pourrait plus revenir en arrière. Impossible.

« Mais nous avons le temps avant ça... Alors, dites-moi... Quelqu’un qui n’aime pas son pays natal, qui n’aime pas Terra, et qui ne semble pas connaître grand-chose sur Tekhos est quelqu’un qui a forcément du trouver quelque chose d’autre à aimer... Comme il ne s’agit probablement pas de l’Empire, permettez-moi de vous demander si vous connaissez l’existence d’une autre planète, et si, dans le fond, vous n’estimez pas, contrairement à ce que nous estimons habituellement, que c’est cette autre planète, la Terre, qui est la normalité, et Terra l’anormalité ? »

Une question assez longue, mais Alice avait parlé sur le fil de l’inspiration, sans vraiment réfléchir à formuler une phrase construite et réfléchie. Elle l’estimait compréhensible, et c’était tout ce qui comptait.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le dimanche 13 mai 2012, 22:49:57
William écoutait avec intérêt les explications de la princesse. C’était un peu étrange par rapport à sa conception du mariage, mais ce n’était pas dénué de logique non plus. A Nexus, le mariage est la manœuvre politique la plus importante qui soit. Cela servait à unir deux familles, deux royaumes, deux domaines et créer des liens qui rendaient difficile les guerres entre différents membre de la noblesse. En effet, un noble lambda n’aurait jamais trahi son cousin comme William l’avait fait. Ce genre de liens était construit par les mariages arrangés. En effet, il y avait très peu de mariage d’amour étant donné l’importance de ces unions pour la noblesse Nexusien. Le seul moyen qu’un noble se marrie par amour était qu’il ait de la chance et que ses sentiments concordent avec les intérêts de sa famille. On était donc bien loin de Sylvandell.

Quant au couplet sur Tekhos, William haussa un sourcil vexé. Elle ne voulait pas l’offensé mais l’avait tout de même fait. La technologie Tekhos permettait, en effet, de faire se reproduire deux femmes même si ce procédé n’était pas systématique dans cette civilisation. Mais de toute façon, depuis quand Tekhos avait-elle la moindre considération pour ce qui se passe autour d’elle ? Pour des raisons évidentes, la technologie Tekhane ne sortait pas de Tekhos et les rares exceptions étaient pourchassées par le gouvernement. William ne doutait pas des contacts que la princesse avait pu instaurer avec cette civilisation. Ce n’était sans doute pas très difficile d’émouvoir ces amazones en leur infligeant l’histoire tragique de deux femmes voulant enfanter. Pourtant, il y avait quelque chose qui gênait William sans qu’il puisse mettre le doigt dessus. C’était… de la triche.

Cependant,  William oublia bien vite ce petit passage qui lui laissait un curieux sentiment de frustration. Suite à la prochaine question de la princesse, le jeune homme se leva du banc et s’approcha de la princesse pour la dominer de toute sa hauteur. Sa bouche pincée recouvrait sa mâchoire inconsciemment serrée, tandis que ses yeux verts tentaient de percer l’esprit de la petite femme. Il n’était pas surpris de rencontrer quelqu’un d’autre connaissant la terre, mais il était choqué qu’elle ose lui en parler ouvertement et surtout comment elle pouvait savoir qu’il était également au courant. Sa question était une source d’eau claire, limpide et sans la moindre subtilité. Pour William, cela voulait dire clairement qu’elle savait qu’il connaissait l’existence de la terre. C’était fâcheux et très dangereux. Dommage qu’il ne puisse la tuer sur le champ, sans mourir lui aussi. Ce n’est jamais bon de réveiller les secrets de quelqu’un, en particulier ceux de Dolan.

Avec une douceur toute relative, il lui attrapa l’épaule, puis se pencha sur elle, de manière à ce que ses mots trouvent directement le chemin de ses oreilles.

-Je vais répondre à votre question, miss Korvander, puisque je n’aurais pas l’audace de me soustraire à mes propres règles, fit-il d’un ton à demi sec et amusé. Ensuite, nous aurons une petite discussion sur ce sujet. La terre est un monde imaginaire et parfait dont on ne devrait pas parler aussi ouvertement que vous le fait, au risque que la crasse de notre monde ne corrompt celui-ci. La normalité, c’est l’endroit dans lequel on est née et on a grandi, donc pour répondre à votre question, non, la terre est l’anormalité et terra la normalité. Toutefois, vous conviendrez que l’anormalité est souvent mieux que la normalité. J’aime ce monde car il est miraculeusement simple. Là-bas, pas besoin d’être reconnu par un dragon d’or, d’être née noble, avec un don en magie, ou dans une ville de haute-technologie. Ce qu’on est n’a que peu d’importance car seuls nos actes guident notre destinée. L’argent est le seul Dieu qu’il convient d’appeler comme tel et il n’y a que le talent qui permet de nous élever. Ca a un nom vous savez. Les terriens l’ont appelé : le Capitalisme. Et pour de nouveau répondre à votre question : j’aime ça.

William se rendit alors compte que sa position était peut-être un peu trop agressive. Sa main enserrait l’épaule de la jeune femme avec une autorité qu’il ne pouvait peut-être pas se permettre. Sa prise se fit donc un peu moins sévère et devint une simple caresse qui glissa sur elle tandis que ses doigts s’écartaient pour se risquer sur les reliefs de son cou gracile. Dolan n’appréciait pas que terra empiète sur la terre et c’est exactement ce qu’il craignait de la princesse. Comment connaissait-elle ce monde et comment avait-elle su qu’il y avait affaire lui aussi ? Sa question n’était pas un hasard, ou du moins, c’est ce qu’il osait croire, car dans le cas contraire, William l’aurait pris pour une folle à ainsi parler de mondes imaginaires. C’est ce qu’il fallait comprendre maintenant.

-J’aimerais bien savoir ce qu’on vous a dit sur moi, princesse, déclara-t-il. Comment vos sbires vous ont-ils peint mon portait avant que je ne me présente devant vous ? M’ont-ils si bien décris pour que vous me posiez votre question avec tant d’assurance ?

La main de William restait où elle était, et il n’y avait qu’un mouvement à faire pour l’en déloger. Il se rapprochait d’elle ; toujours plus. Pourtant, cette initiative avait toutes les raisons d’être considéré comme dominatrice, ou menaçante alors que le regard vert de William n’exprimait que la douceur qu’il avait jusque là dirigée vers la jeune femme.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le lundi 14 mai 2012, 14:55:22
Avait-elle touché un point sensible ? Alice se le demandait, alors que William se rapprochait d’elle, pour lui répondre. Il posa une main sur son épaule, et ses yeux fixèrent intensivement la Princesse. Si elle put avoir peur pendant une seconde qu’il ne la moleste, cette sensation disparut bien vite. Dolan était un calculateur. Porter atteinte à la Princesse de Sylvandell au cœur de son château, c’était prendre le risque de passer de sales mauvais jours en perspective. Le sujet semblait donc lui tenir à cœur, ce qu’il ne tarda pas à dire en faisant de la Terre une espèce de planète merveilleuse, et de Terra un monde qui l’était un peu moins.

*Une chose est sûre : il a l’air de mieux connaître la Terre que moi...*

La Terre, Alice en avait logiquement entendu parler par son épouse, puisqu’elle émanait après tout de ce monde, et elle l’avait plus ou moins découvert par hasard en tombant dans l’un des multiples portails éparpillant la surface de Terra. Ce qu’elle n’av ait jamais compris, c’était qu’apparemment, tous les portails de Terra renvoyaient à un endroit géographiquement précis de la Terre : Seikusu. De la Terre, ceux qui la connaissaient lui en renvoyaient des images négatives. Un « mouroir puant », comme l’avait tout simplement l’Omniprêtre quand Alice lui en avait parlé. Du peu qu’elle avait eu l’occasion de voir de la Terre, elle était loin de ressembler à un « mouroir ».

Quant au capitalisme... Alice en avait entendu parler, mais sans plus. Elle ignorait donc tout des théories libérales et ultralibérales, et, tout ce qu’elle en savait pour l’heure, c’est qu’il s’agissait d’une doctrine économique reposant sur la propriété privée, l’individualisme, teintée d’une forte hostilité à l’égard des pouvoirs publics, de l’État. Autant dire que, pour une Princesse, et, qui plus est, pour une citoyenne d’un Empire dictatorial, une doctrine prônant la méfiance des pouvoirs publics, et la limitation du rôle de l’État aux fonctions régaliennes, avait toutes les chances d’être déclarée comme une doctrine sécessionniste, rebelle.

Alice n’en savait pas assez sur la lecture des expressions faciles des gens pour déterminer ce qui traversait l’esprit de William, mais elle pouvait au moins se féliciter d’avoir déstabilisé cet homme. Paradoxalement, ceci encourageait la Princesse à faire preuve d’un grand sang-froid, même si son visage s’étirait parfois maladroitement en l’ombre de sourires pour exprimer sa fierté. La manière dont il serrait l’épaule d’Alice traduisait un homme assez musclé, ce dont Alice n’avait toutefois pas douté en le voyant rosser un garde. Il lui faisait presque mal, et William sembla s’en rendre compte. Il s’approcha du cou de la Princesse, qui sentit un léger frisson la parcourir, alors qu’il lui posait sa question. Décrire ses informateurs comme des « sbires » était un choix de mots assez curieux, donnant à Alice l’impression d’être à la tête d’une espèce de complot à son encontre. Se permettant alors un léger sourire, elle écarta du dos de sa main celle de William, qui était, à son goût, un peu trop proche de la sienne. Croisant les bras au-dessus de sa poitrine, elle entreprit ensuite de lui répondre :

« Si cela peut vous rassurer, mes informateurs ne m’ont pas dit que vous connaissiez la Terre. Ceci était une simple supposition de ma part, qui s’est avérée exacte. On vous a décrit comme un homme froid, détaché de tout, qui avait l’air de s’intéresser autant à la politique de Nexus qu’à l’évolution du cours des betteraves sur les marchés agricoles. D’autres rapports ont émis l’hypothèse que vous soyez une espèce de puits magique, quelqu’un annulant les effets de la magie. Le profil-type du bourgeois arrogant, nihiliste, qui ne croit en rien, et même pas en lui, et qui préfère passer son temps à séduire le beau sexe pour se donner l’impression d’exister. Un individu qui ne s’identifie à personne, soit parce qu’il s’estime différent, soit parce qu’il estime supérieur, soit pour ces deux raisons. Ce profil était séduisant, mais plusieurs choses ne collaient pas. »

Alice poursuivit donc, sur sa lancée :

« Pour commencer, si vous n’étiez qu’un simple notable en manque de sensations fortes, Coehoorn ne se serait jamais intéressé à vous. En toute logique, il doit savoir sur votre compte des choses que j’ignore... Ou que j’ignorais, apparemment. Du reste, j’imagine mal en quoi un simple bourgeois nexusien désœuvré viendrait se mêler de la politique étrangère ashnardienne en proposant de devenir un rebelle. Ça ne colle pas avec le profil. En clair, vous êtes une énigme, Monsieur Dolan. »

S’interrompant, elle se mordilla les lèvres, comme si elle réfléchissait sur la manière d’organiser de manière cohérente sa pensée, avant de lui glisser :

« Partant de là, j’ai fini par comprendre que vous aviez des choses qui vous tenaient à cœur. Et, comme la magie semble vous fuir, j’en ai déduit que vous la fuyiez également. Or, la magie est présente partout sur Terra. Que ce soit à Nexus, à Tekhos, ou à Ashnard, on en trouve des émanations partout. Seule la Terre fait exception. J’ignorais totalement que vous connaissiez la Terre, mais, si vous ne la connaissiez pas, je crois que vous m’auriez pris pour une cinglée en train de divaguer. Votre réaction indique que la Terre semble bien plus vous importer que Terra. Et vous avez l’air d’en savoir plus sur ce monde que moi... Tous ceux à qui j’en ai parlé m’ont dit que ce monde était sans intérêt. Officiellement, la Terre n’existe pas, mais la vérité est parfois plus complexe que ce qu’on aimerait en dire... Quoiqu’il en soit, tout ceci m’amène à me demander ce que vous faites là, Monsieur Dolan. Vous vous livrez à un jeu dangereux en essayant de trahir vos proches, et en le faisant auprès d’individus qui n’hésiteraient pas une seconde à vous égorger comme une poule de basse-cour si cela nous permettrait d’affaiblir un peu Nexus. Et, vu que les rapports entre Ashnard et Nexus me semblent assez éloignés des préoccupations terriennes, pourquoi vous trouver ici ? Pourquoi êtes-vous en train de risquer votre vie pour une guerre qui, fondamentalement, ne vous concerne pas ? »

C’était du moins l’impression qu’on avait. Il suffisait de prononcer le mot « Terre » pour que William devienne nerveux. Alice en déduisait donc que la Terre semblait bien plus lui importer que Terra. Dans ce cas, pourquoi se mêler d’une histoire qui ne concernait pas ses intérêts ? Par altruisme ? Par volonté de promouvoir la paix entre Nexus et Ashnard ? Il aurait fallu être le plus grand des niais et des idéalistes pour croire que cette guerre, ancestrale, se terminerait par de simples négociations politiques. De ce qu’Alice en savait, l’Histoire terrienne allait également dans ce sens.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le samedi 19 mai 2012, 14:54:30
Le sourire de la princesse trouva un écho déformé sur les lèvres de William. Elle se croyait toute puissante entre ses murs. Et pour cause, elle l’était. D’un seul mot, elle pouvait lui faire subir tout ce qu’il voulait et si les doigts du jeune homme se resserraient autour du cou de l’impudente, il serait transpercé avant que la vie n’ait eu le temps de s’échapper d’elle. Il n’aimait pas ce sentiment d’impuissance auquel il n’était pas vraiment habitué. Surtout que son égo avait du mal à accepter qu’une petite blondinette ait plus de pouvoir que lui. Tsss ! Vivement qu’il retourne sur terre !

Quant aux informateurs de la princesse, disons qu’ils étaient bien prolixes. William était bien surpris de tout ce que des Ashnardois pouvaient dire de lui. Par contre, son profil lui plaisait plutôt bien. Ce serait tellement plus simple que la princesse le considère comme on le lui avait décrit. Ses mystères n’en seraient que plus difficiles à percer. Le jeune homme se demandait bien d’où ces informateurs avaient-ils bien pu tirer qu’il était une sorte de séducteur frénétique sachant qu’il n’avait jamais pris femme sur Terra, que ce soit par amour ou par désir. Sans doute son profil et son allure le laissait-il penser. Une erreur…

-Une énigme aspire à être résolue, souffla-t-il alors que la mention de ce mot par la jeune femme attira ses mires sur elle.

« … mais ne le sera peut-être jamais ». Ensuite, la princesse expliqua le cheminement de sa pensée. Il y avait beaucoup d’hypothèses et de déductions, mais cela semblait satisfaire le jeune noble qui se détendait légèrement. William était également content d’apprendre que ses connaissances considéraient la terre comme sans intérêt. C’est comme constater avec soulagement que la part de gâteau que vous convoitez n’intéresse personne.

Ensuite, on en venait à se questionner sur les motivations de William Dolan. Cette fois, la princesse n’aurait pas sa réponse. Le jeu était peut-être amusant mais il ne fallait pas oublier le contexte dans lequel il s’inscrivait. Il était en ambassadeur et ne devait pas s’exposer plus que de mesure, surtout lorsque cela concernait des sujets aussi sensibles que ceux qui l’amènent ici. C’est pourquoi la conversation, bien que plaisante, devait se terminer ici.

-Sachez que je ne risque jamais ma vie, altesse. Le risque est un luxe que nous, mortels, ne pouvons nous permettre. Une leçon que certains n’apprennent que trop tard.

Pas vraiment un avertissement, mais juste un conseil. William savait très bien ce qu’il faisait et personne ne l’égorgerait comme une poule de basse-cour. Tout simplement parce que même le dernier des idiots ne tue pas ce qui lui est utile.

-Quant à ce que je fais là ? Demanda William qui avait retrouvé son petit sourire que certains trouvent si irritant. Je suis venu pour sauver une princesse prisonnière du méchant dragon afin de lui avouer mon amour.

Le sourire de William s’élargit devant sa propre bêtise, puis il jeta un léger coup d’œil au ciel. Les étoiles s’éteignaient les unes après les autres et même si la voûte était encore noire, on pouvait apercevoir une lueur rougeâtre se propager dans l’obscurité. Un éclat irradiant de l’est commençait à faire apparaitre quelques silhouettes nocturnes. L’aube arrivait. Un jour de plus arraché à la mort.

-Pardonnez-moi princesse, mais je vais prendre un dernier moment de repos avant que les rayons du soleil n’atteignent ma fenêtre. Vous noterez que je ne vous conseille pas d’aller vous coucher cette fois.

Avec un autre de ses sourires, il s’inclina pour finalement se retirer tout en accordant quelques secondes à la princesse pour répondre à ses facéties.

* * *

William ouvrit un œil, espérant avec ardeur que les coups qu’il venait d’entendre n’étaient qu’une partie plutôt réaliste de son rêve. Pourtant, ils furent réitérés tandis que quelqu’un tambourinait de nouveau à sa porte.

-Seigneur, il vous faut vous préparer, fit la voix fraiche et dispo de Thomass à travers la porte.

Comment faisait-il pour être réveillé à cette heure-là alors qu’il s’était assommé au vin pendant toute la soirée ? William poussa alors un grognement pour exprimer sa jalousie, ce que Thomass interpréta comme un signe qu’il était réveillé. Il n’insista donc pas plus longtemps et partit voir ailleurs.

Le jeune noble finit par se redresser et attrapa la dague dissimulée sous son oreiller et la remit dans le fourreau attaché à sa ceinture. Il s’habilla rapidement et passa à peine dix secondes devant le miroir pour secouer ses cheveux qui prirent très naturellement leur place habituelle. De toute façon, la coquetterie est l’apanage de ceux qui n’ont que cela à faire valoir. William hésita quelques instants avant de sortir de sa chambre, déterminant s’il n’avait rien oublié. Il tourna finalement les talons et sortit de son armoire un petit coffret. Celui-ci contenait un simple anneau. Sa matière était semblable au saphir mais l’absence d’arêtes montrait qu’il n’avait pas été taillé pour obtenir sa forme actuelle. Au lieu de le mettre au doigt, William le glissa dans la poche de sa jacket qu’il referma avec un bouton en argent.

Lorsqu’il sortit de sa chambre, Thomass était dans le couloir et observait avec ennui les diverses décorations qui l’ornaient. Il se retourna donc avec impatience lorsque la porte claqua et s’approcha de William avec un sourire nauséeux. Comme quoi, il avait toujours quelques séquelles de la veille, ce qui fit plaisir au jeune homme.

-Alors ? La soirée d’hier à portée ses fruits ? Demanda Thomass avec curiosité.

-Nous avons avancé, fit un William peu bavard.

-Ahah ! J’aurais bien aimé voir la tête d’Elias !

-Qui te dit que je ne te réserve pas le même sort ? Gronda le noble avec un regard aussi sombre que semblait l’être son humeur.

Thomass se tut et fronça légèrement les sourcils, se rendant visiblement compte que la conversation avec Dolan était des plus déplaisantes.

-Que faisons-nous maintenant ? Demanda-t-il avec plus de retenu.

-Nous attendons que sa majesté daigne nous accorder de l’attention. Comme son père est en compagne, je suppose que la régence doit lui accaparer la plupart de son temps. Des Nexusiens comme nous ne sont sans doute pas en tête de la liste de ses priorités.

-Ah ? Et… Qu’est-ce qu’on  fait en attendant ?

-JE me promène, JE visite, JE fais connaissance avec le beau sexe du château pour entretenir ma toute nouvelle réputation, et TU fais autre chose. Reste tout de même disponible.

Sur ce William, croisa les mains derrières son dos et s’éloigna sans un regard pour le pauvre Thomass qui regardait autour de lui en espérant trouver quelque chose qui soit digne de lui faire passe le temps.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le samedi 19 mai 2012, 20:42:07
Ce n’était pas ce soir qu’Alice aurait sa réponse. William choisit de mettre fin à son propre jeu, et c’est à peu près en même temps que lui que la Princesse remarqua que la nuit était plutôt bien avancée. L’aurore commençait à pointer faiblement dans le ciel, quelques rayons éclairant paresseusement le ciel, comme pour chasser l’obscurité ambiante. William se contenta d’affirmer que risquer sa vie était quelque chose qu’il ne faisait pas. Affirmation assez curieuse, quand on savait qu’il se tenait dans un endroit où il n’était pas forcément le bienvenu. Loin de là, même. Les Ashnardiens n’hésiteraient pas une seule seconde à l’enfermer dans leurs geôles sinistres si jamais il devait s’avérer que William tentait de les doubler. Alice ne pensait toutefois pas que l’homme était suffisamment téméraire pour risquer de se mettre à dos, non seulement Nexus, mais aussi l’Empire d’Ashnard. Elle se contenta d’hausser les épaules quand il lui lança qu’il était là pour la sauver d’un méchant dragon, ce qui amena toutefois Alice à rapidement répliquer, avec un léger sourire :

« En réalité, William, je crois que c’est plutôt moi qui vous sauverai des méchants dragons. »

Une manière de lui rappeler que c’était elle qui détenait le pouvoir ici. Elle connaissait suffisamment les hommes et leurs instincts pour savoir qu’ils n’aimaient pas se voir rappeler leur position d’infériorité. Elle ignorait si c’était le cas pour William, mais il était de toute manière toujours bon de rappeler à un invité qui avait le pouvoir ici... De surcroît quand l’invité en question n’hésitait pas à trahir sa propre famille.

Pour Alice, la fin de nuit fut assez tranquille. Elle retourna dans sa chambre, et le sommeil finit par la trouver Il fut désormais sans rêve, et elle fut, comme en chaque fin de matinée, réveillée par ses servantes.

« Hnnnn... protesta la Princesse. Je veux dormir…
 -  La Princesse devrait savoir qu’on ne peut pas dormir en se promenant dehors la nuit répliqua Loãra, sa fidèle femme de ménage et nourrice depuis d’innombrables années, en faisant les draps.
 -  J’ai été priée pour que mon père revienne sain et sauf, prétexta Alice.
 -  En plein milieu de la nuit ? Les dragons aussi ont besoin de dormir.
 -  Mouais... Ça ne les empêche pas de gueuler toute la nuit, pourtant. »

N’ajoutant rien, Loãra regarda Alice. Chaque jour apportait à une Princesse son lot d’occupations. Elle sortit du lit, et, quand elle fut prête, elle alla sur une terrasse, observant un peu la région, en compagnie de plusieurs gardes. Coehoorn s’était levé aux aurores, et se trouvait dans la partie haute de la ville, s’entraînant avec les soldats, ou essayant d’en savoir plus sur Sylvandell et ses coutumes. Alice n’était pas dupe. Ses négociations avaient aussi pour objet d’éprouver la loyauté des Sylvandins à l’égard de l’Empire, ainsi que la capacité militaire du royaume, si jamais ce dernier devait se retourner contre l’Empire. Un scénario hautement improbable, naturellement, mais pas impossible. Rien ne l’était, et, dans une telle situation, mieux valait avoir quelques informations importantes sur les capacités militaires du royaume.

« Aujourd’hui est un grand jour, Votre Altesse, lâcha un homme à côté d’Alice.
 -  Hum ?
 -  Auriez-vous oublié ?! Il y a une intronisation ! »

Alice rougit légèrement, et regarda un autre des soldats, qui confirma. Une cérémonie d’intronisation était toujours un grand évènement, mais Alice l’avait, en effet, totalement oublié ! Entre son père qui était parti, et les négociations, elle avait oublié. Elle se reprit rapidement. Ce n’était pas trop grave.

« Il faut donc se rendre à la Cathédrale. »

Une cérémonie d’intronisation désignait tout simplement le moment où un apprenti dragonnier avait fini son entraînement, et pouvait rejoindre le plus haut rang militaire de Sylvandell : l’ordre des dragonniers. Rejoindre cet ordre était extrêmement difficile, car il fallait un entraînement rigoureux sur tous les aspects : physique, magique, et mental. C’était donc un entraînement long et complexe, où le dragonnier devait également se faire accepter par l’un des nombreux dragons de Sylvandell. Chacun y trouvait son compte. Les Sylvandins disposaient d’un dragon supplémentaire, tandis que les dragons pouvaient former l’un des jeunes dragons. L’intronisation d’un dragonnier dans l’ordre était toujours un grand évènement, à laquelle le peuple était convié, et qui était autant une cérémonie religieuse que militaire.

En l’occurrence, le dragonnier en question s’appelait Rohn, et, en l’absence du père d’Alice, c’était elle qui présiderait la cérémonie. Cette dernière commençait dans la cathédrale, et se terminerait ensuite par une démonstration de vols. La plupart des dragonniers n’étaient pas là, de même que les soldats, mais il en restait malgré tout suffisamment pour pouvoir organiser la cérémonie.

*Je suis sure que le Maréchal le savait, et qu’il a organisé ces pourparlers avec les Nexusiens pour avoir l’occasion d’assister à ça…*

Rares étaient en effet sur Terra les ordres de dragonniers aussi nombreux L’ordre de Sylvandell comprenait bien quelques centaines de dragonniers, ce qui était très impressionnant. L’armée en elle-même comprenait des milliers de troupes, ce qui ne rendait l’ordre qu’encore plus prestigieux. Les secrets de cet ordre se perdaient dans les prescriptions et les manuels qu’Erwan Korvander, le Premier Roi, avait jadis écrits, et qui n’étaient accessibles qu’à une petite partie des habitants du royaume.

« Quand la cérémonie aura-t-elle lieu ?
 -  Nous ne sommes pas en retard... Mais pas non plus en avance.
 -  Alors, il faut s’y rendre sans plus tarder, trancha Alice.
 -  Et... Au sujet des Nexusiens, que fait-on ?
 -  Ils sont libres de vaquer à leurs occupations. Je ne vais pas les forcer à assister à une cérémonie s’ils n’en ont pas envie. Assurez-vous juste qu’ils ne mettent pas leurs nez dans des zones privées. Je peux vous faire confiance pour vous occuper de ça ?
 -  Majesté » confirma poliment le garde en s’inclinant.

Une colonne de feu vert s’échappait de la cathédrale, et de plus en plus de gens venaient. Il n’y avait pas que des dragonniers, mais aussi des dragons qui volaient dans le ciel, des dragons libres. Pour eux comme pour les Sylvandins, une cérémonie signifiait beaucoup. Quand un dragonnier rencontrait un dragon, les deux se formaient. Le soldat, et le jeune dragon. La cérémonie récompensait donc autant les petits humains que les massifs dragons, et voir des dizaines de dragons voler dans le ciel en rugissant et en crachant des jets de feu, c’était un spectacle que la populace, et à raison, appréciait.

Deux individus assisteraient Alice : l’Omniprêtre, qui dirigeait le clergé de Sylvandell, et Loden, le Grand Maître des Dragonniers. Ils étaient bien à Sylvandell. L’Omniprêtre ne se déplaçait que rarement, tout comme le Grand Maître. Ils ne participaient qu’aux campagnes militaires de grande envergure. Voilà au moins qui donnerait à Alice l’occasion de changer un peu de registre. Quant aux Nexusiens... Et bien, William était libre de faire ce qu’il voulait, après tout. Après leur conversation nocturne, Alice ne savait toujours pas trop quoi penser de cet homme. Elle restait convaincue qu’il lui cachait quelque chose, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

*Tant pis... Je verrais ça plus tard...*
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le dimanche 03 juin 2012, 22:20:42
William observa attentivement la jolie brune qui se tenait bien droite face à lui. Son visage neutre et solennel contrastait avec sa bouille douce et juvénile. Elle était vêtue d'une jolie robe de soie bleu ciel, ceinturée par un ruban crémeux. Sa coiffure rabattue en un chignon sophistiqué laissait s'échapper quelques mèches noisettes qui cascadaient sur ses épaules nues. La jeune femme s'inclina délicatement devant le Nexusien, puis se releva avec la même lenteur. Son air sérieux s'évapora alors bien vite et céda la place à un magnifique sourire.

-Et voici, la révérence de Sylvandell, déclara la jeune femme avec entrain.

William lui rendit son sourire. Comme prévu, il s'était promené dans le château, suivi de loin par quelques gardes qui s'assuraient sans doute qu'il ne fourre pas son nez dans les zones sensibles. Il avait visité les lieux, et enfin, avait fait connaissance avec le beau sexe. William s'était demandé si les femmes nobles de ce pays n'étaient toutes des garçons manqués semblables à des ours des montagnes. Ce qui expliquerait peut-être les banquets remplis de braillards mal élevés, ainsi que le fait que la princesse était le seul et unique joyaux de Sylvandell, les autres femmes ne pouvant guère rivaliser. De toute évidence, il semblerait que non. Il y avait des femmes, elles portaient des robes et pouvaient même être très ravissantes. Quelle surprise!

La petite brune qui accompagnait William était apparemment la fille d'un comte. Elle lui avait bien dit son nom de famille mais le jeune homme ne voyait pas bien à quoi il correspondait. Quoiqu'il en soit, cette dernière était jeune et éprouvait plus de curiosité à l'égard du Nexusien, que de méfiance. Dolan, quant à lui, profitait de cette opportunité pour s'imprégner des protocoles et des coutumes du pays afin que l'incident d'hier ne se reproduise pas, et, il semblerait que ça ne dérangeait pas du tout la damoiselle qui répondait à toutes ses questions.

-Dites-moi, Éléonore, commença William en jetant un regard distrait au ciel visible à travers les fenêtres du corridor. Ça ne vous gêne pas de ne pas avoir de prince et de savoir que le trône sera régit par un couple de femmes lorsque votre roi rendra l'âme?

Éléonore fronça les sourcils et jeta au jeune homme un regard interloqué. Le Nexusien avait pourtant été très agréable jusqu'à maintenant.

-Non, je ne vois pas en quoi cela change quoique ce soit, fit-elle avec force persuasion. Je vous trouve très peu... ouvert d'esprit sur ce point, sire Dolan.

William acquiesça et lui offrit un sourire félin.

-Merci.

La jeune noble ouvrit la bouche pour poursuivre le débat, mais une ombre qui passait par la fenêtre, sauva le Nexusien de justesse. Elle s'approcha aussitôt de la vitre et y colla presque son nez pour chercher la source de cette ombre fugace, et elle la trouva. Dans le ciel, un dragon opérait des manœuvres complexes tout en crachant son feu, laissant des boules de fumée opaque, vite dispersées par les tourbillons d'air que formaient ses puissantes ailes.

-Oh! J'avais complètement oublié l'intronisation! S'exclama Éléonore.

William haussa un sourcil interrogatif, mais la jeune femme renonça à lui expliquer, glissant plutôt son bras sous le sien pour l'entrainer derrière elle, aussi rapidement que ses petits pas le lui permettaient.

-Il faut absolument que vous voyez cela, sire Dolan, asséna-t-elle pour palier à toute éventuelle protestation.

N'ayant de toute façon pas le choix, William se laissa emmener à cette intronisation, espérant seulement qu'il ne s'agisse pas d'un équivalent de la fête de l'huitre, célèbre dans tous les trous paumés du globe. Mais de toute évidence, William était bien loin du compte. La colonne de feu vert qui s'échappait de la cathédrale vers laquelle Éléonore s'échinait à trainer William, semblait peu rassurante, mais très distrayante.

Tandis qu'elle l'emmenait vers une place d'où on pouvait bien voir la cérémonie, Eléonore lui expliqua ce en quoi l'intronisation consistait. Autant dire que la symbolique et l'aspect sacré d'un jeune soldat se liant avec un lézard volant cracheur de feu, passaient bien au-dessus de la tête du Nexusien, qui assimilait les informations sans les commenter. William aperçut alors la princesse et se mit à la fixer avec attention. Il avait éprouvé sa harangue en privé. Il était maintenant curieux de voir ce qu'il en était devant un publique... Son peuple.

-Merci de m'avoir emmené ici, Éléonore, fit-il à la jeune femme qui l'accompagnait. Je sens que ça va être instructif.

La petite brune ouvrit la bouche pour répondre, mais se contenta finalement d'un ravissant sourire à l'adresse du jeune homme. Il ne le vit pas ; son regard émeraude fixé sur le joyaux de Sylvandell.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le lundi 04 juin 2012, 18:22:33
La cathédrale de Sylvandell bouillonnait de vie. C’était toujours impressionnant de voir tant de monde. Alice ne se faisait pas d’illusions ; la plupart des Sylvandins ne connaissaient pas Rohn, mais venaient surtout pour avoir l’occasion de voir des dragons. Ces bestioles constituaient après tout l’attractivité touristique majeure de Sylvandell, bien devant les paysages montagneux ou l’observation du décolleté de la Princesse. S’il y avait une foule impressionnante à l’intérieur, c’était encore plus vaste dehors. Les premiers bancs étaient tous occupés par des militaires, Commandeurs comme dragonniers, ou encore certains barons qui s’étaient donnés la peine de venir. Alice se tenait sur le grand autel de la cathédrale, debout dans une belle robe blanche. Elle avait une chevelure complexe, et portait une couronne sur sa tête.

*Voir tant de monde, ça m’échauffe toujours un peu...*

Alice tourna la tête vers Loden. Le Grand Maître était dans son armure de dragonnier. Il avait une barbe grise et de longs cheveux. Il était assez âgé, parcouru de rides, mais ses yeux étaient encore vifs.

« Rohn ne tardera pas à sortir, Votre Altesse. »

Rohn était dans la Cathédrale depuis hier soir. Pour lui, l’intronisation avait déjà commencé par une nuit entière à méditer et à prier dans les salles de prières silencieuses et isolées de la Cathédrale. Une nuit entière à récapituler l’état de sa vie, les étendues de ses serments envers Sylvandell et la patrie des dragons. Il ne tarderait pas à sortir d’une grande porte à double battant dans un coin, qui se situait derrière le Grand Feu, cette espèce d’immense brasier dans le chœur. En sortant, Rohn devra contourner le Grand Feu, longeant ainsi les immenses statues en marbre représentant les plus grandes personnalités de Sylvandell : Erwan Korvander, le Fondateur de Sylvandell, Premier Roi, et Premier Grand Maître, Noruah Säarthrell, l’Omniprêtre qui avait permis il y a plusieurs siècles d’empêcher une guerre civile entre Sylvandell et l’Empire d’Ashnard, Karin Korvander, la « Reine Rebelle », dont le visage était coupé en deux par une cicatrice, et qui s’était fait connaître en rejoignant la rébellion contre l’Empereur Fou... Il y en avait tant. Ils étaient le poids de l’Histoire, et Alic,e comme tant d’autres, étaient leur héritage. Dans le ciel, ils les observaient, et Alice sentait leur regard peser sur elles.

Les portes finirent par s’ouvrir, et, dans les recoins de la nef, des tambours se mirent lentement en marche. Il y avait deux rangées de soldats, et on intima un silence absolu, les mères faisant signe aux enfants de se taire. Lentement, les portes immenses s’ouvrirent, et un petit homme en sortit. Petit, par rapport aux massives statues. Rohn ressemblait à une espèce de nain, qui s’avança tout droit. Une courte chevelure noire. Des yeux bleus reflétant une assurance inébranlable, mais aussi une vive émotion. Il avança au milieu des statues, dans l’ombre verdoyante des flammes, et contourna le Feu pour atteindre l’estrade. Sentait-il derrière lui le poids de Sylvandell ? Tout le royaume le regardait, et son regard restait surtout concentré sur celui du Grand Maître, qui affichait un très léger sourire. On disait de Rohn qu’il était du genre assez effacé, plutôt timide. En le voyant se rapprocher, Alice vit que ses yeux étaient légèrement rougis, signe qu’il avait du verser quelques larmes d’émotions.

Il se rapprocha de l’estrade, et le Grand Maître, comme la coutume l’exigeait, prit la parole :

« Chevalier Rohn, en ma qualité de Grand Maître de l’Ordre des Dragonniers de Sylvandell, j’ai l’immense honneur de vous décerner la Croix de Feu. »

Rohn inclina poliment la tête, alors que le Grand Maître, dans un silence religieux, recevait de la part de l’Omniprêtre un coffre ne bois, comprenant la Croix de Feu. Il s’agissait d’une médaille, une distinction qu’on ne distribuait qu’aux dragonniers. Alice restait en retrait, les observant silencieusement. Elle parlerait plus tard, mais, pour l’heure, elle ne faisait qu’observer. Loden avait une longue cape écarlate, et descendit vers Rohn, lui mettant la Croix de Feu sur le torse, à l’emplacement de son cœur.

« Relevez-vous, lança Loden d’une voix forte. Relevez-vous, Dragonnier Rohn ! »

Rohn obtempéra, et ce fut l’heure des vivats, des sifflements, et des applaudissements. Se retournant, ému, avec un sourire aux lèvres, Rohn ne tarda pas à être serré dans les bras de sa mère, qui en avait les larmes aux yeux. Son père avait un fier sourire sur les lèvres, et le petit-frère de Rohn le regardait avec des yeux admiratifs. La famille pouvait se permettre d’être heureuse ; les dragonniers étaient l’élite du royaume. Loden et Rohn remontèrent alors le long de la Cathédrale, traversant la nef et les bancs, sous les applaudissements. Rohn serra quelques mains, reconnaissant des camarades. Derrière eux, Alice remontait, l’Omniprêtre suivant de loin. C’était lui qui détenait les Croix de Feu, et son rôle était donc officiellement terminé. Il suivit toutefois la procession. Deux gardes entouraient Alice, qui vit, dans un coin, le Maréchal Coehoorn, observant silencieusement la scène, bras croisés.

La Princesse sortit de la cathédrale, tandis que le public se relevait et sortait également. Elle avança sur un perron, et vit une impressionnante foule. Une estrade avait été dressée pour l’occasion au centre de la cour, et les dragons volaient dans le ciel. Plusieurs s’étaient posés sur les tours et les colonnes de la cathédrale, crachant du feu. Alice alla sur l’estrade, émue. Se mordillant les lèvres, elle attendit que les vivats s’affaiblissent un peu. La foule hurlait, scandant le nom de l’homme :

« ROHN ! ROHN ! ROHN ! ROHN ! ROHN ! »

Alice souriait. Rohn la rejoignit, les joues rouges, et elle alla l’embrasser sur la joue.

« Princesse... soupira ce dernier.
 -  C’est le moins que vous méritiez, Dragonnier. »

Retournant la tête, la Princesse dévisagea le peuple, et s’éclaircit la gorge, avant de parler d’une voix forte, amplifiée par la magie :

« Sylvandins, Sylvandines, c’est avec une grande joie que je vous annonce que l’Ordre des Dragonniers de Sylvandell vient de se doter d’un nouveau membre, en l’illustre personne de Rohn !
 -  ROOOOOHHHNNNN !!! »

Alice ménagea volontairement une petite pause, avant de reprendre :

« Le dragonnier Rohn est né sur nos terres. Il y a grandi, et suit depuis l’âge de ses treize ans une formation militaire couronnée de succès. C’est pour moi, en l’absence de notre Roi, un immense honneur, une grande fierté, que d’annoncer officiellement son intronisation au sein de l’Ordre ! »

Il y eut de nouveaux applaudissements, amplement mérités, et Alice s’effaça ensuite, afin de laisser parler Rohn. Ému, ce dernier remercia beaucoup de gens : sa famille, sa formatrice, le Grand Maître, ses amis... Rohn balbutiait, ne sachant pas trop quoi dire, et les applaudissements finirent par le faire taire, ainsi que les rugissements des dragons.

« RRRROOOOAAAAAAARRRRRRRRR !!! »

On n’entendit dès lors plus que les rugissements tonitruants des dragons. Certains enfants gémirent en portant leurs mains sur leurs oreilles, mais les dragons étaient extrêmement bruyants. Tous hurlaient et volaient, crachant des jets de feu, volant parfois près de la foule, renversant parfois quelques humains. Ils n’étaient pourtant pas agressifs, et, au bout de plusieurs minutes, Alice vit la raison de toute cette agitation. Un dragon s’approchait. Il avait de belles écailles rouges sombres, et Rohn le reconnut. On comprit alors la raison de son approche, et les gardes se mirent à hurler :

« Écartez-vous ! Vite, écartez-vous ! »

Le dragon rouge approchait en rase-mottes, et les Sylvandins se bousculèrent en s’éloignant, afin de lui laisser un passage. Plusieurs tombèrent par terre dans la précipitation, mais il n’y eut aucun blessé. Tous les dragons se turent alors, et le dragon rouge s’écrasa dans un nuage de poussières devant l’estrade, sa tête atterrissant devant Rohn. Avec un large sourire, ce dernier tendit ses mains, et caressa son museau avec ses mains gantées. Le dragon le fixait avec ses yeux de reptile, et Rohn descendit alors. Les ailes du dragon étaient recourbées, et Rohn grimpa sur son dos. Le dragon n’avait pas sa selle. Jambes écartées, Rohn se mit au milieu de son dos, et le dragon s’élança alors. Les dragonniers devaient tous maîtriser cet art magique si particulier qui leur permettait de communiquer avec les dragons. Le dragon rouge s’envola comme une flèche, et les autres le suivirent. S’envolant presque à la verticale, le dragon de Rohn décrivit ensuite une boucle enflammée dans le ciel, avant de descendre en piqué, plongeant vers la masse de dragons. Tous s’écartèrent alors, formant une espèce de long et impressionnant tube d’ailes et de queues tournoyantes entre elles, des colonnes de feu jaillissant de ce tube tournoyant, jusqu’à ce que le dragon de Rohn en ressorte, pour s’envoler au-dessus de la Cathédrale.

Se remettant de sa surprise, la foule ne tarda pas à hurler plusieurs noms, les dragons assurant un show aérien et enflammé.

« ROHN ! ROHN ! ROHN ! SYLVANDELL ! SYLVANDELL ! ROHN ! »

D’autres dragonniers apparurent alors. Ceux qui n’étaient pas partis en campagne. Une formation de cinq dragons, avec, au centre, le Grand Maître. Ce dernier s’était en effet éclipsé, et les cinq dragons rejoignirent Rohn, avant de se séparer en deux formations de trois dragons chacun, l’ensemble formant un fascinant ballet, une danse de feu et de pirouettes.

« Impressionnant, non ? »

Tournant la tête, Alice vit l’Omniprêtre. Mains derrière le dos, le vieil elfe observait la scène.

« Très » dut admettre Alice.

L’Omniprêtre parla alors d’un tout autre sujet :

« Méfiez-vous.
 -  Que voulez-vous dire ? »

Le vieil elfe fit une moue sur les lèvres, avant de lâcher, sur un ton sibyllin, trois mots qui restèrent dans l’esprit de la Princesse :

« Ashnard nous craint. »
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le samedi 16 juin 2012, 12:40:29
-Les lézards ont l’air content, fit remarqué William.

En effet, les dragons rugissaient tout leur saoul en crachant de puissants jets de flamme. Ils n’avaient pas une grande considération pour le publique qui était bousculé par les bourrasques produites par leurs immenses ailes membraneuses. Cela accompagné de grands claquements sonores. Toutefois, ça n’avait pas empêché Eléonore d’entendre la remarque peu respectueuse du nexusien.

-Ce sont des dragons, clama-t-elle d’un air outré. Pas de vulgaires animaux !

Elle jeta alors un regard furibond au jeune homme pour le défier de la contredire ou pour le menacer d’ajouter tout propos irrespectueux. Ce dont ce garda bien William, qui se contentait d’avoir une nouvelle fois fait sortir la jeune femme de ses gonds. C’était tellement amusant ! Et puis, ça lui donnait un peu d’occupation dans cette cérémonie auquel il ne comprenait pas grand-chose.

-Les « dragons » ont l’air content, se corrigea William.

La jeune fille lui lança alors un regard soupçonneux, comme pour tenter de deviner s’il se moquait de nouveau d’elle, puis redirigea son attention sur la cérémonie avant de s’exprimer d’une voix fière et solennel.

-C’est un grand moment pour eux comme pour nous, expliqua la jeune femme. C’est aussi leur intronisation.

William ne fit aucun commentaire et se contenta d’écouter le discours de la princesse. Dieu merci, il n’avait rien de pompeux ou d’exagéré. Et puis, à entendre les gens qui scandaient le nom du dragonnier, elle avait un bon retour de son publique. A croire qu’il s’agissait d’un royaume stable et prospère. On en oubliait presque que ce peuple était pauvre et que sa seule chance de survivre était d’aller parasiter les autres nations pour leur soutirer leur richesse. Une richesse qu’ils étaient incapable de produire eux-mêmes. A vrai dire, William n’osait pas pronostiquer de l’avenir d’un tel fonctionnement, puisque dans ce monde, les parasites se nommaient « les forts » et les autres s’appelaient « les faibles ». De toute évidence, les forts sont toujours les derniers à mourir… à moins de se faire dévorer par plus gros qu’eux.

-Pourquoi Ashnard ne fait-elle pas exécuter la famille royale de Sylvandell et ne met pas l’un de ses fidèles sur son trône, demanda William bien qu’il connaissait déjà la réponse.

En fait, il voulait juste s’assurer que la noblesse avait conscience de la raison pour laquelle elle était toujours en vie et que leur tête n’ornait pas les portes de la cité. La question parut choquée une nouvelle fois la jeune noble qui regardait le nexusien avec des yeux ronds. En gentleman, William lui donna tout le temps de répondre, attendant avec patience.

-Par…Parce que… les dragons ne s’allieraient qu’à un Korvander… balbutia-t-elle très justement.

William acquiesça silencieusement, puis s’excusa auprès de la jeune fille avant de prendre congé.

-Mais la cérémonie n’est pas terminée, protesta-t-elle faiblement.

Le jeune homme invoqua une affaire pressante pour ne pas lui avouer qu’il en avait assez vu, ainsi que pour se débarrasser élégamment de la collante jeune femme.

* * *

William tambourina à la porte de la chambre de son homme de main et attendit en tapant du pied. C’était la fin de journée et il espérait avoir une entrevue avec la princesse avant d’avoir à subir un nouveau diner avec toute la clique de pue-la-sueur qui compose son armée. En fait, il avait hâte de terminer les négociations et pensait le faire dés aujourd’hui. L’hospitalité des Korvanders était irréprochable mais Terra commençait à lui peser. Il était donc grand temps d’accélérer les choses.

-J’arrive, j’arrive, grogna une voix avinée. Cessez de taper comme cela.

William eut alors une expression courroucée et frappa de plus belle sur le bois, et ne s’arrêta que lorsque son ivrogne de serviteur lui ouvrit la porte en se tenant la tête.

-Vous vous êtes saoulé tout seul ? Et en plein milieu de l’après-midi ? Demanda William.

L’intéressé acquiesça et haussement les épaules en grognant un « j’m’ennuyais » à peine audible. William le « pria » instamment de se préparer et accompagna sa demande de divers menaces destinées à le motiver. Cela semblait fonctionner puisqu’il sauta dans un pantalon et se mit à suivre William tel un zombie. Le noble Nexusien se présenta à une garde royale et énonça sa requête.

-Nous aimerions savoir si la princesse est prête à nous recevoir afin que nous puissions reprendre les négociations.

« Et les terminer » ajouta-t-il pour lui-même.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le samedi 16 juin 2012, 19:00:36
« J’ignorais que vous montiez si bien à cheval, Maréchal !
 -  Je suis un Maréchal, répliqua celui-ci en haussant les épaules. Permettez-moi de vous retourner le compliment. On dit au Palais impérial que vous êtes bonne cavalière, et je vois qu’on ne s’est pas trompés... »

Un grand éclat de rire accueillit cette phrase. Alice tourna la tête vers le Maréchal, tenant par la bride Éclipse, son cheval. Un ancien cheval de guerre, qui était utilisé par les courtiers militaires pour rapidement transmettre des messages d’un camp à un autre. Par quelle obscure magie Éclipse s’était-il retrouvé à Sylvandell, c’était là l’un des mystères de la guerre et du partage du butin.

« Vous en doutiez, Maréchal ? »

Ce dernier haussa les épaules, la suivant. Coehoorn était sur un destrier noir, alors qu’Alice chevauchait un pur-sang. Tempête était le nom du destrier du Maréchal, et il devait probablement s’agir de l’un des meilleurs chevaux de l’Empire.

« Quand j’étais petite, mon père a tenté de voir dans quelle domaine militaire je pouvais présenter un tant soit peu de talents. Les Korvander sont une famille de guerriers. Autant vous dire que je n’ai excellé dans aucune des disciplines militaires, que ce soit l’art de manier le sabre, ou celui de tirer des flèches. En définitive, la seule chose qui m’a plu a été de monter à cheval. »

Le Maréchal hocha lentement la tête. Les deux cavaliers se trouvaient le long d’un magistral précipice, d’où on pouvait voir, au loin, une série de montagnes. Entre ces montagnes et la piste où ils se tenaient, le lac de Sylvandell s’étalait. Une grande étendue d’eau glaciale. Alice considéra silencieusement ce lac désert, ou presque. Il y avait quelques individus, qui formaient de petites tâches noires, et qui avançaient le long du lac. Ce dernier n’étant pas dans le Territoire des Dragons, on pouvait y aller sans problème. Il y avait toujours des gens qui essayaient de se baigner dedans. Il fallait aimer les bains d’eau froide...

Depuis l’intronisation, Alice, quand elle avait réalisé qu’il n’y aurait pas de doléances cet après-midi, avait bondi sur l’occasion pour faire du cheval. L’équitation était son petit plaisir secret. Elle adorait se rendre dans les plaines, et galoper à vive allure, sentir le vent fouetter ses cheveux, l’amenant à courber son dos, sentir les soubresauts du corps endurant d’Éclipse... Elle n’avait pas tenu compte de l’avertissement de l’Omniprêtre. Il était vieux et grincheux, ce qui en faisait justement un bon Omniprêtre, et, quand Coehoorn était venu lui proposer de galoper avec elle, elle n’avait pas refusé. Néanmoins, Coehoorn n’avait pas tenu à se rendre dans les plaines, mais à galoper le long de sentiers filant à travers la montagne, et qui contournaient le Sanctuaire des Dragons.

« Je vois ça... »

Ils traversèrent ce sentier escarpé longeant un ravin, et qui les conduisit à l’orée d’une solitaire forêt. Dans les cieux, on pouvait parfois voir des dragons voler. Profitant des rares parcelles d’herbe se trouvant dans le coin, Éclipse se mit à brouter, et Alice tourna une nouvelle fois sa tête vers Coehoorn.

« Alors, dites-moi... Qu’est-ce que vous recherchez réellement à Sylvandell ?
 -  Que voulez-vous dire ? »

Elle eut un léger sourire. Coehoorn feignait la surprise, mais il n’était pas un très bon menteur. Il était bien moins doué que son frère sur ce point. C’était d’ailleurs lui qui aurait du se trouver là, pas le Maréchal.

« Ce Dolan... Vous ne pouvez pas croire sérieusement qu’il agira en notre faveur, non ? C’est un menteur et un fourbe. Et la somme qu’il réclame... Elle est ridicule.
 -  C’est un fait, répondit prudemment Coehoorn. Ces négociations sont ridicules... Croyez-le ou non, mais je ne suis pas fait pour ça. Je préfère être sur un champ de bataille. Là, l’ennemi est identifié, il n’y a pas de... De manœuvres.
 -  Alors, pourquoi être ici ?
 -  Vous le savez très bien. J’obéis aux ordres, comme tout bon militaire. Mais c’est un fait : les ambitions personnelles de ce Nexusien ne sont pas ce qui intéresse l’Empire ici. »

Alice laissa planer un léger silence, regardant les arbres.

« L’Empire rêve toujours de s’approprier nos formules... » commenta-t-elle.

Coehoorn ne répondit pas immédiatement. Son destrier s’avança, et il se rapprocha de la Princesse. Les « formules de Sylvandell » désignaient un ensemble de potions et de rites magiques qui permettaient à des hommes de s’unir avec des dragons, et ainsi de constituer des dragonniers. Ces rites étaient secrets, et les dragonniers eux-mêmes ne savaient que peu de choses à ce sujet. L’Empire avait, à bien des reprises, tenté de s’approprier ces rites, donnant parfois lieu à de sévères incidents diplomatiques. Le dernier en date avait d’ailleurs convaincu le royaume de se mêler à une guerre civile pour destituer un Empereur fou, il y a de cela plusieurs décennies. Néanmoins, la guerre interne était encore fraîche dans les mémoires.

« Évidemment, mais ce n’est pas pour ça non plus que je suis là... »

Pour le coup, Alice fut surprise. Coehoorn avait minutieusement choisi ses mots. Elle le regarda donc, sans pouvoir dissimuler sa surprise. Le Maréchal en eut un léger sourire, et poursuivit :

« Vous n’êtes pas sans ignorer que ma famille a... Beaucoup souffert de vos dragons. Je mentirais en disant que nous ne vous en portons toujours pas rancœur, mais ceci ne concerne que les membres les plus âgés de notre famille, ceux qui sont incapables de se tourner vers l’avenir, et préfèrent s’enfermer dans les placards du passé. Pour moi, quand vos ancêtres ont décidé d’envoyer leurs dragons brûler nos terres et aider le siège de Kalthaïs, ils ont bien agi. »

Une époque qu’Alice connaissait bien, pour avoir lu beaucoup de livres à ce sujet. Coehoorn poursuivit :

« Nous nous sommes renseignés sur vous. Sur votre peuple, sur ces montagnes, sur vos dragons. Sur vos légendes. Sur la fondation de Sylvandell. Sur le pacte passé entre Erwan Korvander et les dragons. »

Alice retenait son souffle. Elle savait où Coehoorn voulait en venir, et finit par sourire. C’était désormais à son tour de feindre l’ignorance :

« Les légendes sont ce qu’elles sont. Un militaire ne devrait s’intéresser qu’aux faits.
 -  Un militaire sait aussi qu’une légende a toujours pour base des faits. Et, croyez-moi, le Conseil prend très au sérieux les menaces internes.
 -  Sylvandell n’est pas une menace ! Nous, pas plus que les dragons !
 -  Vous, c’est un fait établi. Vos dragons, c’est discutable. Et les autres habitants de cette chaîne de montagnes ?
 -  Des clans de barbares et de sauvages répondit Alice en haussant les épaules.
 -  Vos légendes font mention d’un fort abandonné. Un fort perdu au milieu des volcans et de la lave, dans les profondeurs les plus noires de la région, dont les murs ne craindraient pas le feu volcanique.
 -  Comme vous le dites si bien, ce sont précisément des légendes. Les services de renseignements impériaux doivent vraiment devenir médiocres, pour que vous couriez après des fantômes. »

Le ton d’Alice était assez sec. Elle ne tenait pas à en parler plus, et fit marche arrière, rebroussant chemin.

« La nuit tombe vite par ici. J’ai été ravie de cette promenade en votre compagnie, Maréchal. »

Coehoorn ne répondit pas, et resta sur place pendant un certain temps, tandis qu’Éclipse reprenait le sentier ramenant vers le Château. Un léger soupir finit par s’échapper des lèvres du Maréchal, qui rebroussa à son tour chemin.

Lorsque les deux cavaliers revinrent au Château royal, le soleil commençait effectivement à se coucher. Un vent frais se levait, et c’est devant le pont menant au château qu’Alice arrêta son cheval. Elle tapota sa tête avec ses gants noirs, arquant un léger sourire.

« Prêt à pulvériser ton record, Éclipse ? »

Au même moment ou presque, William parlait à un garde, demandant s’il était possible de s’entretenir avec la Princesse. Le garde moustachu répondit en haussant les épaules.

« La Princesse n’est pas là, se contenta-t-il de dire. Si j’étais vous, j’irais dans la cour, elle ne devrait plus...
 -  OUVREZ LES PORTES ! OUVREZ LES PORTES ! » rugit une voix venant du dehors.

Le garde, William, et le serviteur de William, étaient dans un couloir jouxtant une porte entrouverte donnant sur une chambre avec une terrasse. C’est depuis cette terrasse que les cris des gardes venaient. Le long du grand pont menant au Château, un cheval cavalait en effet à toute allure, forçant quelques badauds à s’écarter précipitamment. On pouvait voir une longue chevelure blonde voler, tandis que le cheval, au triple galop, remontait le long du pont. Il passa dans le corps de garde, et Alice tira alors sur la bride, comme pour lui faire signe de s’arrêter. Le cheval se redressa alors en s’appuyant sur ses pattes arrières, faisant voler de la poussière. Alice poussa un grand éclat de rire, se retrouvant à la verticale, et lâcha les rênes.

« Hiiiiii ! »

Tombant à la renverse, Alice tomba sur les fesses, roula en arrière, et se retrouva couchée sur le ventre, tandis qu’Éclipse soufflait lentement, remuant sa crinière. Un garde aida Alice à se relever. Cette dernière avait un grand sourire sur les lèvres, et s’épousseta. Elle portait une tenue de cavalière, soit un pantalon en cuir, des gants noirs, et une chemise blanche. Elle retira son casque, et tourna sa tête vers un homme :

« Alors ? Éclipse a-t-il battu son record de vitesse ?
 -  Une belle pointe, Votre Majesté, mais il a déjà galopé plus vite.
 -  Hum... Ce sera pour une prochaine fois, alors. Éclipse est paresseux... »

Des palefreniers s’occupaient de ramener Éclipse aux écuries, tandis qu’Alice rentra dans l’enceinte du château. Coehoorn arriva peu de temps après. La Princesse se rendit dans un confortable salon, et demanda à une servante un chocolat chaud. S’installant près du feu de cheminée, dans un confortable fauteuil, elle s’empara d’un livre dont elle avait commencé la lecture tantôt. « Un Chant d’Été » était un roman d’aventure nexusien sorti il y a plusieurs mois. Écrit par un duc nexusien, il évoquait intrigues et complots au cœur de la Cour tout en dressant un portrait de la société nexusienne, des bas-fonds gangrénés par la révolte aux palais où régnait l’hypocrisie et la sédition. Alice s’était changée, portant une habituelle robe blanche assez fine. Elle lisait tranquillement, lorsqu’on vitn lui déposer, sur une table basse, une tasse comprenant la chaude boisson. Elle remercia la servante d’un sourire, et un garde lui annonça alors que Sire William Dolan désirait s’entretenir avec elle. Refermant son livre, Alice le déposa, et hocha la tête.

« Faites-le entrer. »
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: William Dolan le mercredi 04 juillet 2012, 22:39:44
Le cocon se craquela tandis que la créature se hissa hors de sa prison de soie. Elle tira sur ses pattes tremblantes pour grimper sur la brindille à laquelle elle était suspendue et fit quelques pas hésitants avant de s'immobiliser. Ses antennes s'agitèrent tandis que ses ailes fripées pendaient misérablement le long de son thorax. Avec peu de conviction, la créature les fit bouger pour forcer ces appendices à gouter à la vie. A force de patience, les deux membres commencèrent à se dresser, révélant leur couleur d'un bleu criard. Ils brassèrent méthodiquement l'air dans le vide, puis lorsque la créature s'estima prête, elle lâcha prise. Le papillon se mit alors à virevolter tandis qu'il essayait maladroitement de se stabiliser. Visiblement, c'était peine perdu et il continua donc sa trajectoire saccadée. Sans vraiment le vouloir, il s'approcha d'un humain, passa juste devant son regard vert, puis se cogna inexorablement sur son épaule. Le petit insecte tomba de quelques centimètres mais tenta de se rétablir lorsqu'un éclair vint le cueillir en plein vol. Il s'était frayé un chemin hors de la poche de la jacket de l'homme et avait foudroyé la créature, la tuant sur le coup. Il tomba alors comme une feuille morte et s'accrocha dans les fibres du vêtement.

Avec une petite grimace, William balaya sa veste d'un revers de la main pour chasser l'insecte mort. Il enfonça ensuite un peu plus son anneau bleu au fond de sa poche pour que ce genre d'incident ne se reproduise plus. Il serait bien dommage que la prochaine victime soit autre chose qu'un papillon. Le jeune homme fixa ensuite son attention sur le garde qui revenait après avoir transmis sa requête. L'homme l'invita à le suivre et il le conduisit à ce qui ressemblait à un petit salon. Comme à leur habitude, les yeux vert scrutaient tout ce qui les entourait s'arrêtant sur chaque détail, même insignifiant si bien que leurs mouvements étaient comme saccadés, mais parfaitement méthodique. Finalement, le regard du jeune homme finit par se poser sur le livre que la princesse tenait à la main.

-Majesté...

Il s'inclina, fidèle au protocole, mais semblait ne pas y mettre toute sa concentration, qu'il préférait attribuer à la couverture du livre. N'importe quel idiot aurait su prédire en quoi allait consister le sujet des prochains mots que William allait prononcer.

-De la littérature Nexusienne, constata-t-il avec un sourire. J'espère que ce livre vous rassure quant à la santé de notre monde. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser, après l'avoir terminé, qu'on était toujours mieux loti que son voisin. Toutefois, ce livre transmet une lueur d'espoir malgré lui. Le fait qu'il soit passé entre vos mains et les miennes montre bien qu'il existe encore un semblant de liberté d'expression à Nexus. On reconnaît la liberté au fait que le peuple puisse librement clamer à quel point il est mécontent et malheureux!

William eut un autre de ses sourires et s'approcha de la jeune souveraine. Son serviteur, Thomass, resta en retrait, s'alignant avec le garde qui l'avait amené ici afin de ne pas attirer l'attention sur son état de sobriété plus que douteux. Ce bon à rien faisait honte à Dolan, mais tant qu'il se taisait, il n'aurait pas à subir le désagrément de le congédier.

-Je me demandais si vous aviez eu le temps de réfléchir à mon offre, commença William pour passer au sujet qui les intéressait. Si Ashnard était prête à financer un coup d'état avec l'aide de la rançon destinée à mon cousin, il ne ferait aucun doute qu'un noble fidèle à Ashnard s'assoit sur le trône et lui ouvre grand les portes.

Se mit à marcher lentement devant la princesse tandis qu'il parlait, ses pas lents et mesurés suintant l'assurance teintée de l'arrogance qui le caractérisait. Bien entendu, il ne se permettait pas de prendre un siège tant que la princesse ne l'y avait pas invité.
Titre: Re : Rencontre officielle
Posté par: Princesse Alice Korvander le jeudi 05 juillet 2012, 03:24:26
Sire Dolan entra, et, fidèle à lui-même, commença par inspecter les lieux. Cherchait-il des pièges quelconques ? Un trou discret dans le mur par lequel on pourrait lui injecter une fléchette empoisonnée ? Alice le laissa faire, comprenant amplement sa méfiance. Elle aurait agi de même, si elle s’était trouvée à Nexus. Son regard vert était hypnotique, mais elle ne comptait pas se laisser abuser. A dire vrai, elle trouvait déjà avoir été trop familière avec cet homme, notamment au regard de leur nocturne conversation. Elle ne devait pas se laisser tromper. Cet homme était un froid calculateur, aussi cynique qu’imbu de sa propre personne. Elle ignorait quelles pouvaient être ses réelles motivations, mais le bien-être de l’Empire d’Ashnard n’en faisait pas partie. Et elle ne le croyait pas suffisamment altruiste pour chercher la résolution de ce confit en favorisant la victoire d’un des deux camps. La paix entre Nexus et Ashnard avait déjà été envisagée, même par les Ashnardiens, mais n’avait jamais été retenue. Beaucoup de gens prétendaient que l’argent était le nerf de la guerre.

Pour Alice, et pour Ashnard, c’était plutôt le contraire. La guerre était le nerf de l’argent. C’était une tragédie sur le plan humain, mais, sur le plan socioéconomique, une guerre était ce qu’il y avait de mieux. Lors d’une guerre, les gouvernants pouvaient librement écarter les libertés publiques, développer la propagande, et chaque concitoyen d’un État se sentait naturellement plus solidaire de son pays. Si l’Empire d’Ashnard était perpétuellement en guerre, que ce soit contre Nexus, ou contre d’autres ennemis, ses habitants se sentaient toujours plus proches des dirigeants, car ces derniers les protégeaient. Chaque citoyen était appelé à être volontairement plus productif, conscient que le laxisme pouvait être une forme de trahison, et provoquait la mort de soldats. Le jour où la Princesse lirait l’un des livres qu’on lui avait rapporté de la Terre, elle verrait probablement de grands rapprochements entre la guerre entre Nexus et Ashnard, et celle entre l’Océania, l’Eurasia, et l’Estasia dans 1984. La guerre, c’est la paix. Pour les penseurs ashnardiens, c’était exactement cette idée.

Elle sortit de sa solitaire réflexion quand William évoqua son livre. Elle jeta un bref regard vers ce dernier. Visiblement, il avait apprécié cette lecture. Alice aussi aimait bien le livre. Encore une fois, elle garda pour elle ses réflexions. De manière cynique, William interprétait le concept de « liberté » à sa façon. Un proverbe ashnardien résumait plutôt bien ce qu’on pensait de la liberté, en érigeant une contrepensée : « La loi est ce que nous faisons ». Alice, elle, considérait avec dédain les libertés publiques, politiques. Le droit de se rassembler, d’émettre des contestations sociales pouvant dégénérer en émeutes... Tout cela l’effrayait un peu. Elle préférait protéger les libertés individuelles, comme le droit de propriété, et restreindre les autres.

Finalement, William en vint assez rapidement à son sujet. Son offre. Sa fameuse offre que l’Empire soutienne financièrement un coup d’État que lui mènerait, en laissant, bien naturellement, un noble fidèle aux idées ashnardiennes prendre le pouvoir.

*Après avoir affronté le Maréchal, voilà que je me tape maintenant le noble nexusien... Mais où est donc ma femme ?!*

La Princesse peinait à croire que les Nexusiens laisseraient un pro-Ashnardien prendre le pouvoir sans sourciller. L’Empire n’était pas très populaire, par chez eux. Elle fit donc la moue. Si ça se passait comme ça, l’Empire enverrait sûrement ses troupes, et brandirait le drapeau ashnardien au cœur de la capitale, sur la célèbre place publique centrale de Nexus, où se tenait le plus grand marché de tout Terra.

« Et bien... Commencez par vous asseoir, mon cher. On discute mieux en étant assis, de mon point de vue. »

Elle baissa ensuite la tête, se mordillant les lèvres, avant de poursuivre, décidant de ne pas répondre directement à sa question :

« Je pense que je peux vous dire comment ça va se passer, maintenant... A la fin de cet entretien, le Maréchal Coehoorn et moi enverrons chacun deux lettres. Ces lettres contiendront nos impressions et nos remarques à ce projet, à votre... Offre. Ces lettres arriveront entre la main d’un Conseiller impérial, le frère du Maréchal, Emhyr Van Emreis, qui utilisera nos deux avis pour savoir s’il peut financer votre projet. »

Le Maréchal n’étant pas là pour le moment, la Princesse pouvait s’exprimer un peu plus librement, et c’est ce qu’elle fit, décidée à suivre son idée :

« Et, plus je vous observe, plus je suis... Non pas sceptique, mais... Troublée. Je me demande ce qui peut vous motiver à agir ainsi. Bien que je puisse me tromper, vous n’avez pas l’air de porter un grand intérêt envers le peuple. Je vous vois donc mal devenir Roi de Nexus. Pour être honnête, j’ignore si je peux vous faire confiance. »

Une petite pause, le temps que William comprenne ce qu’elle disait, et, surtout, ce que ça impliquait. Il avait trahi un membre de sa famille, après tout. Et, à Sylvandell, la famille avait quelque chose de sacrée.

« Vous devez bien comprendre que les Emreis ressortent d’une forte déchéance depuis leur allégeance, il y a plusieurs siècles, à un Empereur dément. Emhyr caresse secrètement le rêve de devenir Empereur, et réussir à mettre fin à la guerre contre Nexus, et à s’emparer de Nexus, ne serait pas pour lui déplaire dans ses motivations. Quant à moi et à mon royaume, la fin de cette guerre nous permettrait de panser nos plaies, et de ne plus perdre de dragons ou de soldats pour une guerre dont ne nous sommes concernés que par allégeance. En revanche, si Emhyr se trompe sur votre compte, et si l’argent que nous sommes susceptibles de vous fournir sert à alimenter la machine de guerre nexusienne, il pourrait perdre son poste de Conseiller, et Coehoorn devenir un simple lieutenant sans aucun espoir de promotion militaire. »

Ce serait un coup terrible pour la fierté des Emreis et leurs espoirs d’une vie meilleure. William devait comprendre qu’il n’était pas le seul à jouer gros. Sylvandell était plus ou moins la seule partie dans ce jeu qui ne risquait pas de perdre grand-chose. Quoiqu’il arrive, l’Empire aurait toujours de ses dragons dorés pour soutenir leurs assauts. Alice n’ajouta rien. Elle exposait les enjeux progressivement, au fur et à mesure qu’elle-même comprenait ce qui se passait. Elle aussi ne savait pas tout. Emhyr était par nature un manipulateur, et savoir que cet homme s’intéressait à vous était autant un compliment qu’un problème... Surtout quand on avait en tête le passé tumultueux qui avait opposé les Emreis et les Korvander lors de la guerre civile.