Clara lui expliqua qu’elle avait effectivement des sœurs… Un vrai troupeau ! Elles étaient… Quatre ! Alice se demandait si la petite sœur de Clara était aussi intrépide qu’Ayano… Vu comment elle la décrivait, elle avait l’air d’avoir toutes les caractéristiques de la sœur de sa femme : « râleuse » et « casse-pieds ». Ces deux mots décrivaient plutôt bien Ayano. Clara lui expliqua également qu’elles étaient toutes des sœurs adoptives, leurs parents étant, d’après ce qu’elle comprit, tous morts au même moment.
*Curieux… Ça m’a l’air un peu trop fort pour être une coïncidence…*
De la plus jeune à la plus vieille, on avait donc Minako, Clara, Haruka, et… Asuka. Alice avait intérêt à ne pas les confondre. Asuka était celle qui dirigeait, et elle se représentait cette sœur aînée qui, inconsciemment, ce se prenait pour une mère, protégeant ses cadettes avec rigueur et autorité… Une femme autoritaire, c’était assez difficile à concevoir pour Alice, dans la mesure où, pour elle, elle associait le concept d’« autorité » à son père, qui était aux antipodes de la douceur. Une brute taillée dans le granit, à la voix digne des sons des dragons… Elle pouvait difficilement imaginer une femme qui pouvait avoir l’air aussi redoutable que son Père quand il était énervé…
« Asuka-Neesan à arrêtée très tôt les études, pour pouvoir s'occuper de nous et du temple. Et elle n'a jamais flanchée. Elle est très autoritaire, mais j'ai quand même beaucoup de respect pour elle...
- C’est normal d’avoir du respect pour les individus qu’on admire, surtout quand elles ont ton sang… Les liens du sang sont parmi les plus solides qui soient, surtout là d’où je viens… »
C’est ce qui faisait que Sakura n’était jamais vraiment considérée par son Père comme une vraie Princesse, mais comme la femme d’une Princesse, une Korvander par destination. Plusieurs fois, sa langue fourchait ainsi, en appelant Sakura « Konoe », et non Korvander. Alice avait beau le lui reprocher, il se contentait d’une excuse polie qui sonnait fausse, mais qui avait surtout pour but de rappeler que les liens du cœur n’étaient qu’une chimère par rapport à ceux du sang, surtout au regard immortel des Dragons.
Replongeant dans ses pensées, Alice rouvrit le magazine, et manqua s’arrêter en tombant sur…
« Sakura ! s’exclama-t-elle. C’est elle ! C’est Sakura ! dit-elle en montrant la photo au premier passant qui croisait son chemin, ce dernier la regardant rapidement.
- Non, merci, votre journal ne m’intéresse pas… »
Alice soupira, et regarda à nouveau l’article. S’étalant sur une page, on voyait, en grand, le visage de Sakura, un sourire ravi devant l’objectif. Ses cheveux étaient un peu plus courts que par rapport à maintenant, et elle portait une tenue qui, de ce qu’Alice pouvait en voir, semblait assez semblable à celle que portait Clara. Marchant bien plus lentement, Alice lut l’en-tête de l’article, fronçant les sourcils :
« KONOE-GATE
UN AN ET DEMI APRES, NOUS N’AVONS PAS PERDU ESPOIR ! »
Intriguée, Alice continua à lire en chemin, alors que la rue montait, et que le soleil continuait à se coucher.
« Ça aurait du être une soirée banale. La classique et traditionnelle soirée dans la vie de n’importe quelle lycéenne. Elle sortait d’une soirée entre amies, de ces fêtes qu’on fait pour fêter la réussite à un examen, ou pour célébrer les romances entre deux jeunes. Elle voulait suivre des études universitaires en mythologie, et était, selon ses amies, une grande passionnée. Elle croquait la vie à pleines dents, et elle a disparu. Elle s’appelait Sakura Konoe, et elle était cette inconnue de trop, cette jeune femme au sourire sincère et honnête, qui allait marquer l’opinion publique. Elle était une lycéenne méconnue de Seikusu, et elle allait devenir tristement célèbre.
Même maintenant, on se souvient des appels à témoins, des enquêtes, des recherches, des infructueuses pistes explorées par la police, des multiples théories. La première théorie, classique, celle d’un amant jaloux, a été rapidement écartée, même si elle avait entraîné quelques mises en examens. La seconde théorie, celle qui est toujours officiellement admise, est celle d’un rôdeur… Cette hypothèse se trouvait confortée par le fait que le parc de cette ville avait toujours été réputé pour être un endroit dangereux passée une certaine heure. Comme l’a confirmé l’un des élus locaux de l’opposition, ‘‘ça fait des années qu’on exige plus de moyens, et le développement d’une véritable surveillance la nuit pour éviter tous ces drames’’.
[…] »
Tournant la page, Alice vit, dans un petit encadré, une photo représentant le visage d’Ayano, qui souriait également. Elle continua sa lecture :
« Il est néanmoins permis de remettre en cause l’explication officielle, qui considère l’affaire comme classée. En effet, parallèlement à l’enquête officielle, qui a suscité moult critiques, une association s’est constituée pour retrouver la lycéenne. Elle a embauché des détectives privés, dont l’identité ne nous a pas été communiquée. Comme l’explique l’un des membres de cette association, ‘‘la police ment délibérément, afin de ne pas inquiéter le voisinage. Une manœuvre politicarde minable…’’ Poursuivant dans sa lancée, cet homme considère que ‘‘le fait d’avoir fini par attribuer l’affaire à un flic spécialisé dans la lutte contre le crime organisé [l’inspecteur Takeshi] indique que la police ne suit nullement la piste d’un pervers isolé, mais bien un véritable réseau international’’. Décidé à ‘‘appeler un chat un chat’’, cet homme considère que Sakura Konoe a été victime d’un véritable réseau d’esclavagisme. Interrogé par nos soins, le commissaire a démenti ces ‘‘élucubrations fantasques et paranoïaques’’, les considérant comme ‘‘sans aucune fondement’’.
Quoiqu’il en soit, la disparition de la petite sœur de Mlle Konoe, Mlle Ayano (cf. encadré 1) invite à repenser toute cette affaire. Cela fait 15 mois, mais, pour certains, cette affaire est aussi vieille que si elle avait eu lieu hier (cf. encadré 2). »
Sans s’en rendre compte, Alice et Clara étaient alors arrivées devant le temple.
« Nous y sommes... Voilà l'entrée du sanctuaire et l'accès au temple... »
Perturbée par cet article, Alice mit un peu de temps à relever la tête, se demandant si elle devrait un jour le montrer ou non à Sakura… Cette dernière avait beau dire que rien de bien ne l’attendait sur Terre, les Terriens s’inquiétaient pour elle… Il y avait même une association ! La Princesse ignorait ce qu’il fallait faire à ce sujet… Elle en était toute secouée, et referma le journal, essayant de penser à autre chose. 15 mois… Presque une éternité…
*Raviver de vieux démons ne pourra pas lui faire du bien… Malgré tout le respect que j’éprouve pour les Terriens, j’aime Sakura… Je m’en voudrais de la faire souffrir en lui rappelant son enlèvement… Sacré dilemme…*
Décidée à retourner dans le monde présent, la Princesse releva la tête, et contempla le temple. Vu d’ici, elle ne pouvait pas voir grand-chose, mais il avait l’air… Plutôt grand.
« Charmant… »
C’était loin de valoir la superficie du Château royal, mais elle se garda bien de faire cette remarque.
« Alors, on entre ? s’exclama-t-elle sur un ton guilleret. J’ai hâte de voir tes fameuses sœurs ! Tu crois qu’elles m’accepteront bien ? Je ne voudrais pas m’interposer entre vous… »