Alice alla de surprise en surprise. Après l’intervention énervante d’Ayano, voilà maintenant que Nathaniel, posément, lui demanda… Ce qu’était qu’un « mec » ! Sur le coup, Alice en fut bouche bée, et ne sut même plus quoi dire, en perdant tout son latin. Elle ne se moquait pas d’elle… En tout cas, elle n’avait aucune raison de le faire, et Nathaniel semblait totalement perdue devant ce mot. La Princesse se rappela alors qu’il existait, sur Terra, des espèces de monastères clos dans des lieux isolés, des temples de savoir et d’érudition. Peut-être que Nathaniel venait de l’un de ces temples ? L’un de ces monastères isolés, où on ne recevait personne, et où on ne vivait que dans des livres ? Alice avait entendu parler de ces endroits, sans toutefois y avoir jamais été. Les visites n’étaient pas tolérées, et, tout ce qui filtrait de ces lieux, c’était, soit les récits des marchands amenant de la nourriture, soit les livres qui en sortaient, soit, pour certains monastères, les érudits qui en sortaient pour explorer le monde. Oui, Alice ne voyait aucune autre explication…
« Et bien… Euh… C’est un terme pour désigner un garçon, mais… Disons que ce n’est pas vraiment le mot le plus respectueux qui soit… Il fait partie du jargon populaire, et l’employer pour désigner Erwan est très mal placé ! » fit-elle avec un regard de reproche vers Ayano.
Insouciante, cette dernière se contenta d’hausser les épaules. Nathaniel, quant à elle, semblait du reste littéralement captivée par cette conversation, et la perspective d’en savoir plus sur Sylvandell l’enchantait. Un tel engouement ne pouvait que faire immensément plaisir à Alice, puisqu’elle était après tout la Princesse héritière de ce royaume. Nathaniel ne tarda donc pas à donner son accord pour aller voir cette aile, tout en complimentant de manière assez romantique la beauté d’Alice. Cette dernière en rougit poliment, ses joues se teintant d’une couleur écarlate. Elle baissa les yeux, louchant tout de même, quoique brièvement, sur le décolleté de Nathaniel, cette dernière en profitant pour le remettre en place. Cette simple remarque avait au moins le mérite d’illustrer les orientations sexuelles de Nathaniel.
Se reprenant vite, Alice finit par dire :
« Et bien… Je dirais qu’il est aussi très agréable de partager ses connaissances envers une femme qui est passionnée. Bien des gens ont trop tendance à négliger le savoir, fit-elle, sans aucun regard vers Ayano, même si elle pensait fortement à elle. Je pars du principe qu’il ne faut pas que cultiver le corps, mais aussi entraîner l’esprit. La beauté n’est pas que physique, elle est aussi spirituelle, et, quand les deux se mélangent, le résultat est fascinant » enchaîna Alice en regardant Nathaniel, avec un léger sourire.
Son numéro de charme ne lui semblait pas très au point, mais ce n’était, dans le fond, pas spécialement important. Disant cela, la Princesse se mit à marcher, se dirigeant vers l’aile historique consacrée à Sylvandell. Cette aile historique était découpée en plusieurs parties, se présentant comme une espèce de circuit avec des vitrines proposant, outre des textes à lire, différentes maquettes et autres tableaux. Ayano les suivit tacitement, étant, malgré elle, plus intéressée que ce qu’elle voulait bien laisser croire.
On entrait dans cette section par un couloir où une espèce de gravure dans un coin évoquait l’objectif de cette section. On pouvait lire, taillées dans le marbre, les inscriptions suivantes :
« Le royaume de Sylvandell est un royaume qui a à jamais changé nos vies. Tout le monde ici le connaît, mais qui connaît vraiment son histoire ? Qui connaît la fondation de la Commanderie Noire ? L’Histoire n’est pourtant pas à négliger ; le futur s’écrit à travers les traces du passé.
Simple exposition historique spéciale, le succès que cette partie a rencontré a fini par conduire les conservateurs du musée à faire de l’Histoire de Sylvandell une aile à part entière du musée. Nous avons choisi de répartir cette aile en un circuit historique, et en un circuit thématique. D’ordre chronologique, le premier trace l’Histoire de Sylvandell, de la légende d’Erwan « le Maudit » jusqu’au au dernier Roi en date, Tywill. D’ordre thématique, le second circuit présente des salles proposant des descriptions sur tout ce qui concerne les éléments spécifiques de Sylvandell : le Château royal, la Commanderie Noire, ou encore les dragons.
Nous recommandons aux néophytes de commencer par le circuit historique avant de s’intéresser au circuit thématique. Vous trouverez, outre des gravures, des textes ancestraux, des maquettes, parfois des expositions virtuelles et des reconstitutions historiques… L’authenticité de nos recherches est assurée par le fait que ce sont les plus grands historiens de Sylvandell et de l’Empire qui ont guidé nos chercheurs. Les manuscrits proposés ne sont toutefois pas les papiers authentiques, mais de simples reproductions. Les originaux sont conservés sous scellés dans les archives royales de Sylvandell, interdites au public. Nous avons eu l’autorisation exceptionnelle de les recopier.
Nous souhaitons que cette exposition sera très enrichissante, et vous permettra d’améliorer vos connaissances sur le royaume de Sylvandell. »
Alice lut silencieusement le contenu de cette gravure, puis se retourna vers le Nathaniel.
« Ça vous tente ? »
La première salle du circuit historique était une grande salle circulaire, avec une gravure supplémentaire à l’entrée :
« I. LA LÉGENDE D’ERWAN
A l’origine de Sylvandell, on trouve la volonté d’un seul homme. Erwan Korvander, qu’on surnomme « le Maudit ».
Qui était Erwan ? Pourquoi le surnommait-on ainsi ? Comment a-t-il fait pour réussir à conclure un pacte avec les Dragons ?
Dans cette grande salle, nous nous attacherons également à tout le mythe tournant autour de cet homme. Il fut très difficile de démêler le vrai du faux lors de nos recherches, mais nous sommes parvenus à établir une biographie plus ou moins complète de son existence. »
Il y avait, au centre de la pièce, une immense maquette où on pouvait voir le royaume de Sylvandell… Ou, plutôt, ce que le royaume avait été il y a des années, soit une série de grandes montagnes vierges. On ne pouvait voir, dans les hauteurs des montagnes, qu’une espèce de temple antique, le lieu où Erwan avait pactisé avec les dragons. La Princesse connaissait naturellement toute cette histoire. Ayano, elle, avait été voir une espèce de grosse armure noire hérissée de pointes dans une vitrine. Une reconstitution de l’armure d’Erwan Korvander.
« Prête à commencer la visite ? » lâcha Alice à l’attention de Nathaniel.