Le Grand Jeu

Plan de Terra => Ville-Etat de Nexus => Le palais d'ivoire => Discussion démarrée par: Serenos I Aeslingr le jeudi 01 février 2018, 07:28:38

Titre: L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le jeudi 01 février 2018, 07:28:38
1325 A.P.
Il y a vingt ans

Le port de Nexus était aussi animé que toujours. Serenos avait peine à y croire tant il y avait du monde. Le jeune Roi eut toute la peine du monde à quitter le quai où le navire marchand qui l'avait amené jusque là avait accosté, se faisant bousculer comme une brindille à droite et à gauche par tous les passants et officiers du port qui travaillaient avec acharnement pour faire circuler les marchandises et les passagers qui venaient d'arriver. Les ports de Meisa étaient certes très occupés avec le commerce fleurissant qu'il avait fait instauré en prenant le pouvoir en Meisa, mais au moins, lorsqu'il devait partir ou qu'il rentrait chez lui, le port était libéré juste pour lui. Mais pas ce jour-là. Cette fois-ci, Serenos allait visiter une très bonne amie, une personne qui avait ravi son coeur dans son adolescence, mais qui s'était récemment mariée. Comme il avait raté le mariage à cause de la guerre qui sévissait sur son continent à ce moment, il avait décidé qu'il était temps de présenter ses félicitations à la nouvelle mariée et à l'heureux élu qui avait gagné son coeur.

C'était la toute première fois qu'il visitait Nexus sans une garde rapproché, et pour être tout à fait honnête, il était très excité; pour une fois, il n'était pas en visite diplomatique. En fait, c'était la première fois qu'il visitait quelqu'un sans avoir en tête de nouer une alliance ou de participer à ce jeu ignoble auquel s'adonnait la noblesse. En comparaison, c'était comme aller visiter son voisin... sauf que celui-ci vivait de l'autre côté d'un océan.

C'est donc avec enthousiasme qu'il se présenta au poste d'identifiction... à la toute fin d'une file d'une centaine de personnes. S'il rechignait mentalement à l'idée de devoir faire la queue, il ne se sentait pas impatient. Au contraire; il suivit la file jusqu'à ce que ce soit son tour. Une étrange expérience pour un homme qui n'a jamais eu ce problème auparavant. Lorsque l'officier du port le fit approcher, il l'examina de haut en bas.

-Quel est le but de votre venue à Nexus, jeune demoiselle?
-Je suis un homme, monsieur...

L'officier haussa un sourcil étonné.

-Vous m'avez tout l'air d'une femme, pourtant.
-Je suis... de Meisa.
-Oh! Mes excuses, mon garçon. Moi et les éthnies, parfois.

Pour les Nexusiens, et assurément la plupart des gens du Continent, les jeunes Meisaens ressemblaient à de jeunes femmes, et il y avait une très bonne raison pour cela. Les Meisaens vieillissaient très lentement, ce qui leur accordait une jeunesse et une adolescence plus étirée. Les jeunes hommes comme Serenos n'avaient pas encore atteint l'âge où les caractéristiques masculines commencaient à se manifester; une voix aigüe, une silhouette élancée, des courbes qui ressemblaient à s'y méprendre à celles d'une jeune femme, il était tout à fait compréhensible que l'officier confonde les sexes. Et pourtant, en Meisa, il était également traditionnel que les adolescents mâles et femelles soient traités de la même façon. Les homme portaient donc des robes et étaient formés aux tâches ménagères jusqu'à ce que leur masculinité ne se manifeste. Dans certains, très rares, cas, il arrivait qu'un homme n'atteigne jamais cette maturité sexuelle, et donc conserve son apparence féminine jusqu'à la fin de sa vie. Il était donc traité par sa société comme une dame. Certains s'en accommodaient, d'autres cherchaient à prouver leur virilité par d'autres moyens, que ce soit la guerre ou les travaux physiques.

Sans prendre offense, le jeune Roi en civil se contenta de sourire.

-Je viens visiter une amie. Ce devrait être un séjour relativement court. Elle vient de se marier, voyez-vous?
-Heureuse nouvelle pour cette jeune femme, en ce cas, d'avoir un ami qui fait la traversée de l'océan pour la visiter!

Agréable officier que voilà. C'était plutôt déroutant, mais pas du tout déplaisant. Comme il était coutume de le faire, il examina le bagage de Serenos. Des vêtements de rechange, une bouteille de parfum, des cordes pour les cheveux, des bijoux dans une petite bourse, une lame de rasoir, des friandises... Serenos s'était préparé pour un voyage de courte durée.

-Tout me semble en règle, finit par dire le douanier. Possédez-vous une arme, jeune homme?
-Une seule, monsieur.

Serenos dénoua donc le cordon qui tenait en place le sac de toile pour dévoiler la garde de son épée, Ehredna.

-C'est une arme bien particulière à posséder, fit l'homme sur un air désapprobateur.
-Et la seule que j'ai emmenée, pour ma sécurité.
-Vous faites bien, concéda l'officier avec un air préoccupé. Les rues sont dangereuses par les temps qui courent. On ne sait jamais quand cela pourrait vous être utile. Très bien, je vous la laisse. Mais veillez à ne vous en servir qu'en cas d'extrème nécessité, jeune homme.
-Bien entendu!

Le jeune Roi s'empressa de cacher son arme et sourit à l'agent lorsqu'il lui remet son laisser-passer. C'était de nouvelles procédures pour les non-résidents dans beaucoup de pays pour éviter les conflits diplomatiques; tous les visiteurs devaient porter une identification sur eux pour qu'en cas de comportement inapproprié ou en cas d'arrestation, les ambassadeurs de leurs pays puissent organiser un procès. Après tout, tous les pays ne partageaient pas les mêmes lois ou les mêmes restrictions, et donc, dans certains cas, une plus grande compréhension et considération était accordée aux visiteurs.

Une fois libéré par l'officier, le visiteur s'empressa de quitter les lieux avec son bagage. Il avait fixé un rendez-vous avec la magicienne de la Cour pour avoir la possibilité d'entrer au palais sans être interrogé par la garde ou être forcé de dévoiler son identité. Jamiël avait fixé le rendez-vous au Square du Soleil, une des grandes agoras de la Cité qui n'était qu'à quelques minutes de marche du Palais d'Ivoire. Serenos refusait d'être en retard, surtout que la magicienne avait l'habitude de lui faire des sermons lorsqu'il séchait ses classes pendant son éducation chez les Mélisi. Et comme toujours, à peine eut-il mit le pied au Square qu'il l'aperçut, près d'une fontaine. Le Roi s'empressa de masquer sa présence par magie et se faufila à travers la foule pour se glisser dans un angle mort de la magicienne... et posa un baiser sur sa joue ainsi involontairement offerte.

-Toujours aussi ponctuelle, Sagiërm Jamiël, dit-il d'un ton ravi. Comme vous êtes changée!

Sagiërm était un titre de politesse qui désignait en Meisaen une femme de grande sagesse, d'une grande patience. Jamiël n'avait peut-être que quelques années de plus depuis la dernière fois qu'ils ne s'étaient vus en personne, mais elle était toujours aussi ravissante, quoi qu'assurément plus féminine que le souvenir de Serenos lui laissait croire. Elle était devenue une jeune femme superbe, alors que lui n'avait, tout au plus, que prit quelques petits centimètres de hauteur.
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 05 février 2018, 00:53:57
Allongée sur le lit, sentant le vent caresser ses cheveux, ses seins légèrement visibles sous la couverture du lit, cheveux défaits, Nöly Ivory (https://orig00.deviantart.net/4eef/f/2013/322/9/e/sufiru_reg_by_liangxinxin-d6usrpb.jpg) observait le corps nu de son amant, fixant l’horizon en ayant les mains posées sur la balustrade. Nu, Liam Ivory (https://orig00.deviantart.net/cc52/f/2014/060/2/3/mercenary_by_gpzang-d78fpsd.jpg) fixait la mer, ne semblant visiblement guère se soucier du fait qu’il était nu comme un ver, ce qui amusait Nöly plus qu’autre chose. Vu la forte chaleur régnant dans cette petite chambre, Liam avait proposé de lui-même d’ouvrir la chambre, et laissa ainsi les rayons du soleil éclairer leurs corps en sueur. Nöly était toujours aussi magnifique, avec ses longs cheveux défaits. Liam tourna son visage carré vers elle, et l’observa brièvement. Un rayon de soleil éclairait son visage, et il en resta coi, muet devant tant de stupeur.

« Tu crois que je vais avoir un enfant ?
 -  Je serais déçu, si ce n’était pas le cas... »

La main de Nöly caressa tendrement son ventre. Un enfant... La femme qu’elle était devait bien admettre qu’elle attendait ce moment avec impatience. Il y avait certes la nécessité royale d’assurer une continuité au trône, mais, au-delà de ses obligations royales, Nöly avait juste envie de sentir la vie grouiller dans son ventre. Liam se rapprocha alors, et bondit sur le lit, venant l’arracher à ses pensées en lui volant un baiser.

« Liam... Ce n’est pas raisonnable !
 -  Ah oui... ? Mais je croyais que c’est ça que les Mélisaines aimaient...
 -  Liam ! Tu sais que je suis... Hmmmm... »

Nöly griffa les épaules de l’homme, en cherchant, quoique très faiblement, à le repousser, avant de gémir encore. Liam Ivory n’était pas encore réputé comme étant le « Lion de Nexus », mais, aux yeux de Nöly, il avait déjà l’étoffe d’un redoutable lion...



Le Square du Soleil était un agréable parc s’organisant autour d’un kiosque ressemblant à une forme de soleil, d’où le nom du square. Un endroit agréable situé dans les beaux quartiers de Nexus. Des gens de haute stature y déambulaient, généralement des courtisans, des bourgeois, des individus attendant patiemment ici de pouvoir se rendre à des rendez-vous au Palais d’Ivoire. Depuis les bancs du square, on pouvait d’ailleurs voir les hautes tours immaculées du Palais, qui se dressaient fièrement dans le ciel.

En ce matin, un agréable vent marin ensoleillait la journée, revivifiant les muscles et les cœurs. La mage Jamiël (https://img00.deviantart.net/a3f9/i/2012/086/e/5/aminael_by_omupied-d4u3mjz.jpg) était particulièrement heureuse. Le mariage entre Nöly et Liam était un succès, et la guerre contre l’Empire d’Ashnard approchait de la fin. Les accords de paix organisés au sein des baronnies du royaume central de Gilead devaient permettre de mettre un terme à plusieurs décennies de conflits. Ce n’était maintenant plus qu’une question de jours avant que les colombes blanches n’apportent dans le pigeonnier les rapports faisant état de la signature du traité de paix. Jamiël était donc particulièrement heureuse, et ce d’autant qu’elle allait voir un vieil ami. Nexus comptait bien profiter de la signature du traité pour relancer de nombreux accords, et ainsi parvenir à rétablir l’ordre dans les contrées centrales de Terra, et aider Gilead à reconstruire les multiples terres dévastées par les conflits ashnardiens.

Jamiël sourit en le voyant approcher. D’une allure très féminisée, Serenos avait aussi bien changé, et elle l’embrassa aussi.

« Serenos ! C’est un plaisir de vous revoir ! J’espère que vous n’êtes pas perdu dans Nexus, cette ville est immense ! Même moi, qui y suis depuis plusieurs années, il m’arrive encore de m’y perdre ! »

Elle lui sourit tendrement, révélant ses multiples dents blanches, et enchaîna :

« Comment vous portez-vous ? Le voyage s’est bien passé ? »
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 05 février 2018, 07:35:59
Serenos avait toujours trouvé que Jamiel était une belle femme, mais surtout il admirait son intelligence. Elle était si vive d'esprit que pendant qu'il était sous la tutelle de la famille de Nöly, Serenos dépendait énormément d'elle pour comprendre à la fois la langue et les notions qu'on tentait de lui inculquer. Après tout, la Langue Commune, ou Comrëntangle, n'avait été enseignée en Meisa que quelques années avant que Serenos ne monte au pouvoir, et donc était une langue que peu connaissaient, lui y comprit. Il s'était bâti chez lui une profonde admiration pour la magicienne, ainsi qu'une affection sincère. Elle était sa tuteure, et lui son pupille, tout au long de sa formation, avant qu'il ne soit arraché à ce bref bonheur pour être expédier dans le monde sordide de la politique Arane.

-Serenos ! C’est un plaisir de vous revoir ! J’espère que vous n’êtes pas perdu dans Nexus, cette ville est immense ! Même moi, qui y suis depuis plusieurs années, il m’arrive encore de m’y perdre !
-Oh, vous savez, j'ai le flair pour trouver les endroits!

C'était un odieux mensonge, mais entre magiciens, il était évident que Serenos s'était contenté de capter l'énergie de Jamiël pour la retrouver. Après tout, Nexus était énorme et tellement bourrée de détours, d'allées et d'avenues que pour un homme normal, mémoriser par coeur les directions pour se rendre aux différents endroits était simplement impossible. D'ailleurs, beaucoup de rumeurs disaient qu'en réalité, les certains habitants de Nexus ne connaissaient même pas la ville en entier; ils connaissaient leur quartier, ou district, et évitaient de s'aventurer dans les autres, parfois pour des raisons de caste, d'autres fois simplement par commodité.

La main de Serenos se glissa dans celle de Jamiel et il prit immédiatement la direction du palais, mais l'examinait de ses yeux curieux.

-Comment vous portez-vous ? Le voyage s’est bien passé ? demanda-t-elle soudainement.
-Euh...

Serenos lui raconta donc son départ, les disputes qu'il avait eu avec ses conseillers et généraux qui ne croyaient pas qu'il était bon pour leur contrée que le Roi s'en éloigne, surtout comme il était présentement sans héritier. Il évita évidemment de mentionner son mariage sans amour, la pression énorme que son épouse lui imposait, ou même ses peines à rejoindre le lit matrimonial. Après tout, Laryë ne l'aimait pas. Ils ne se sont mariés que parce qu'elle croyait que Serenos était une meilleure option pour Narthi que n'importe quel autre de ses prétendants. Entre eux, il y avait néanmoins un respect et un devoir; il était maintenant le Roi de trois grands Royaumes, mais ignorait tout du règne, alors qu'elle avait été formée, éduquée et entrainée pour être une Reine. Seulement, même si elle était ravissante, Serenos peinait à consommer leur union, d'une part parce que son coeur appartenait à quelqu'un d'autre, et aussi parce que... très honnêtement, la perspective d'être père à son âge, alors qu'il n'était même pas encore un adulte au sein de sa propre société, l'horrifiait.

Il lui parla également du périple; trois jours dans la pluie et les vents puissants au coeur de la Mer du Couchant, plus qu'il devait partager son aire de repos avec trois autres voyageurs. Il lui raconta cependant avec beaucoup d'excitation qu'il avait vu des Wyvernes des Mers, d'énormes lézards aquatiques qui vivaient dans la Mer. Bien que cette vue ne soit pas très spéciale en soi, puisque les Wyvernes des Mers étaient souvent aperçues par les marins, Serenos ne pouvait s'empêcher de détailler ce qu'il avait ressenti et à quel point il trouvait ces bêtes majestueuses. Ses premiers voyages avaient été... peu confortables et ne lui laissaient pas vraiment l'opportunité de voir de telles choses, c'était donc sa première traversée en tant qu'homme libre.

-Et vous, Jamiel? Maintenant que Nöly est mariée, ne sentez-vous pas le désir de fonder votre propre famille? J'ai souvenir que vous aviez un grand nombre de soupirants Mélisains!

Pendant qu'il parlait, le Roi s'était à peine rendu compte qu'ils étaient déjà rendu au palais. Les gardes reconnaissaient évidemment Jamiel, mais pas "sa jeune accompagnatrice", et leur regard s'attarda un moment sur Serenos et son épée. Les gardes s'interposèrent.

-Veuillez nous pardonnez, dame Jamiël, mais nous ne pouvons pas autoriser votre amie à entrer avec son arme. Mademoiselle, veuillez me remettre votre épée.

À cette simple demande, Serenos se montra instinctivement réfractaire, mais tourna la tête vers Jamiël; devait-il vraiment se départir de son arme? Pas qu'il se sente en danger, mais Ehredna n'était pas une épée ordinaire, et se séparer d'elle avait un grand prix que Serenos ne voulait payer qu'en cas d'extrème nécessité.
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 12 février 2018, 00:53:16
« Il n’y a aucune honte à l’admettre, Nexus n’est pas la plus grande ville du monde pour rien... »

Jamiël était sincère. Même aujourd’hui, elle se perdait encore ! Les Îles Mélisi étaient minuscules en comparaison. Jamiël avait entendu parler de l’immensité de Nexus, par le biais des marins qui l’évoquaient, tout comme Nöly. Mais, pour autant, quand les deux femmes étaient arrivées à Nexus, elles n’en avaient tout simplement pas cru leurs yeux. Nexus était... Gigantesque, tout simplement. C’était une ville dans laquelle on ne s’ennuyait pas, mais où on se fondait dans la masse. Il n’y avait guère que le Palais d’Ivoire qui dominait l’immensité de la ville, donnant très aisément la folie des grandeurs.

Jamiël marcha donc le long du parc, souriant quand Serenos lui prit la main... Et le laissa faire. Serenos lui raconta alors son long voyage pour rejoindre Nexus. Meisa était plutôt éloignée de Nexus, de sorte que le voyage était plutôt long, mais aussi l’occasion de voir bien des choses fascinantes. Terra recelait après tout de merveilles en tout genre.

« Des Wyverns des mers... J’en ai déjà vu une fois, ce sont des créatures très impressionnantes. Et vous n’avez pas croisé de sirènes ? Ce sera peut-être pour une prochaine fois... »

Les Nexusiens étaient proches de la mer, mais les Mélisains vivaient dans la mer, près d’un vaste océan. Ils étaient proches du royaume océanique d’Arcnos, peuplé de sirènes. C’était plus ou moins le dernier royaume connu avant le Grand Océan, où tous les dangers étaient possibles. Là aussi, Jamiël en savait quelque chose. Serenos avait en tout cas fait bon voyage.

Jamiël sourit intérieurement. Tandis que le duo s’approchait de la sortie du parc, il lui demanda si elle comptait se marier, elle aussi.

« Pour l’heure, pas vraiment... Je fonderai une famille quand je trouverai quelqu’un pour en fonder une avec moi. Il ne faut pas brûler les étapes. Et toi, j’ai eu ouï-dire que tu allais bientôt te marier, non ? »

De simples rumeurs qui circulaient dans les coursives du Palais d’Ivoire, mais Jamiël ne savait pas jusqu’à quel point elles étaient fondées. Après tout, Meisa était éloignée, de sorte que les informations obtenues sur ce royaume étaient toujours à prendre avec des pincettes de rigueur. Jamiël n’insista guère. Est-ce que Serenos lui faisait du charme ? L’idée l’amusait, mais elle savait qu’il avait toujours été davantage attiré par Nöly.

« En tout cas, Nöly sera très heureuse de te revoir... Et je crois que tu n’as jamais vu Liam, non ? Il est... Bien différent de ce que Nöly craignait. »

Le mariage entre les deux avait été motivé par des raisons politiques, mais ils s’aimaient vraiment. Liam avait tenu à s’en assurer avant d’accepter la main de Nöly, venant la voir discrètement la nuit, s’entretenant avec elle, mais respectant la tradition, ce qui fait qu’ils avaient fait l’amour pour la première fois après avoir été unis par les liens sacrés du mariage.

Tout en dévissant, le duo rejoignit l’entrée du massif Palais d’Ivoire, immense structure juchée sur une énorme falaise. Les gardes postés à l’entrée refusèrent l’entrée à Serenos, et Jamiël sourit doucement.

« Je me porte garante de Serenos Sombrechant, au demeurant Roi de Meisa, Messieurs. Il est l’invité officiel de Madame la Reine. »

Les gardes se regardèrent entre eux, visiblement circonspects, ne s’attendant pas à ce qu’un Roi se travestisse. Une erreur commune chez bon nombre de gens, les Meisaens ayant tendance à rester très efféminés pendant de nombreuses années. Jamiël parlait en connaissance de cause, car elle aussi s’était déjà fait prendre à ce piège.

« Et son épée dispose d’enchantements magiques qui fait qu’ile st plus sage de la laisser sur lui. Vous ne croyez tout de même pas que le Roi de Meisa pourrait en vouloir à la vie de la Reine ou du Roi ?
 -  Hum...
 -  Très bien, très bien, Dame Jamiël, nous ne pouvions pas savoir. »

Jamiël les remercia, et le duo rentra. Ils rejoignirent ainsi la cour d’entrée du Palais d’Ivoire, un parvis en marbre très blanc, avec plusieurs fontaines, de multiples drapeaux, et une façade colossale.

« Plutôt grand, non ? Je me sentais tellement minuscule la première fois que je suis venue ici... Et je ne te parle pas de Nöly, elle était tellement terrorisée que la première chose qu’elle a demandé à Liam, c’était l’emplacement des toilettes ! » se remémora Jamiël, riant elle-même au souvenir de cette anecdote.

Et, maintenant, c’était au tour de Serenos de contempler le Palais d’Ivoire...
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mardi 13 février 2018, 06:53:25
- Pour l’heure, pas vraiment... Je fonderai une famille quand je trouverai quelqu’un pour en fonder une avec moi. Il ne faut pas brûler les étapes. Et toi, j’ai eu ouï-dire que tu allais bientôt te marier, non ?

Décidément, les nouvelles voyageaient plus vite que les navires et pigeons qui étaient censés les transporter. Serenos regarda ses talons, avec embarras.

-Je suis déjà marié. Mon épouse... n'est pas très friande de ma présence.

Il lui raconta alors comment il était venu à prendre le pouvoir de Narthi; alors que ses armées et ses hommes s'échappaient à travers les galeries creusées sous la Crête Neigeuse, Serenos avait mis définitivement fin aux hostilités entre lui et le Roi Uther en mettant fin à ses jours.

-Ca été... l'une des plus dures décisions de ma vie. Uther voulait garder l'Empire hors de son Royaume, tout comme feu mon père, mais refusait de reconnaître que l'Empire ne serait jamais découragé. Et ces dissentions dans notre armée rendait la situation plus délicate. Uther n'était ni un guerrier, ni un politicien, il ne désirait être Roi que pour avoir une couronne sur la tête et des servantes dans son lit.

C'est avec un air blessé qu'il parla alors de Laryë, la seule et unique princesse de Narthi. Celui qui viendrait à l'épouser serait Roi de Narthi, chef de ses armées, maître de ses terres et Souverain du Nord en entier. Pour gagner sa campagne, il lui fallait cette armée, puisque Talion XVI lui-même était trop lâche pour se dresser contre l'armée Arane. Il avait donc admit son acte à la princesse. Il lui avait parlé de la mort de son père, et sa main dans l'histoire. À sa grande surprise, elle s'était révélée très compréhensive de ses intentions. En tant que princesse d'un royaume, elle avait compris que son père était trop faible pour diriger le royaume et le protéger. Néanmoins, son amour pour son père, lui, n'avait rien d'un devoir; elle l'aimait sincèrement, et pour cela, aucun pardon n'était possibe. Ils ont été mariés rapidement, mais Serenos n'avait toujours pas partagé sa couche. Avec l'aide de l'Armée de Narthi, les Aranes fut anéanti après trois ans de guerre, et Serenos fut également sacré Empereur d'Aranie, dont les terres fusionnèrent avec celles de Narthi. C'était au fond ce que désirait le précédent Empereur, mais plutôt qu'une guerre d'invasion, c'était une guerre défensive qui tourna à l'avantage des envahis.

Serenos chassa ensuite doucement la conversation de sa main.

-Ne parlons plus de mon mariage, je vous prie. Ma Reine n'est on ne peut plus heureuse que je sois loin d'elle. Pour elle comme pour moi, en dehors de nos devoirs, nous préférons ne pas nous voir...

C'était aussi un mensonge. Dans le ton du Roi, il était clair qu'il se souciait de sa nouvelle Reine et que les conséquences de ses choix lui causaient énormément de tort. Il se racla la gorge dans une tentative assez inutile de chasser son malaise, puis repris un sourire lorsque la dame changea de sujet, parlant plutôt de Nöly et de Liam.

-Elle m'en avait un peu parlé dans ses lettres. Je suis heureux d'apprendre qu'ils s'entendent mieux que ce qu'elle semblait craindre. Liam est un homme chanceux d'avoir Nöly dans sa vie, et j'espère qu'il soit un homme digne d'elle.

Il y avait une petite pointe d'envie dans les mots qu'il prononcait, évidemment, car l'affection romantique qu'il éprouvait pour Nöly dans sa jeunesse n'était rien de nouveau pour Jamiël, mais Serenos n'avait plus cet amour brûlant qui lui prenait le coeur dès que l'on mentionnait le nom de la Reine de Nexus. Au contraire, il semblait que malgré son apparence, il ait beaucoup mûri, à défaut d'avoir crût, et il semblait démontrer un détachement nouveau, plus respectueux, alors qu'il n'y avait pas quelques années.

Pour en reprendre là où nous en étions plus tôt, les gardes tentaient d'empêcher le Roi d'entrer en raison de son arme, le méprenant tout d'abord pour une femme, puis le traitant comme un citoyen normal. La première partie, il était habituée, mais la seconde lui avait secrètement fait plaisir. Il n'avait jamais été traité ainsi auparavant. Ce n'était pas la première fois qu'on bloquait son chemin, et assurément pas la dernière, mais le jeune Roi appréciait le changement de régime. Être traité de façon normale lui plaisait beaucoup.

Une fois les gardes derrière eux, le Roi se hissa sur la pointe des pieds et murmura.

-Vous savez, Jamiel, nous devrions peut-être éviter de mentionner ma royauté à d'autres personnes. Le Conseil n'est pas au courant de ma visite... et j'aimerais rester discret. Et puis... j'aimerais éviter que moi ou Nöly ne devions parler politique, aujourd'hui.

Car chaque visite officielle ne tournait autour d'un seul sujet; la guerre, le commerce et la diplomatie, et pour une fois qu'il était hors de Meisa, loin de Laryë et loin de ses soucis, le Roi comptait bien passer ses vacances à l'étranger avec des gens désintéressées de son pouvoir, et rattrapper le temps perdu avec une personne qui lui avait horriblement manqué, puisque la guerre ne laissait pas grand place aux relations personnelles.

Après quelques secondes, le voilà dans la cour d'entrée. Serenos vit l'imposant palais d'Ivoire dans toute sa splendeur. Moins large que le Palais Impérial, certes, mais tellement... imposant et grand qu'il se sentait, comme le disait si bien Jamiël, tout petit devant un tel chef-d'oeuvre d'architecture. En voyant la plus haute tour, le Roi ne put s'empêcher de se demander s'il pourrait voir l'entièreté de la Ville-État de là-haut. Il se sentit même un peu faible des genoux devant une telle beauté.

-C'est... c'est magnifique. On m'en a déjà fait un portrait oral, mais ce n'est rien comparé à le voir en personne... Ma foi, je n'aurais pas assez de fonds dans ma trésorerie pour engager le personnel requis pour garder tout dans un tel état!

Comme un enfant devant une nouvelle attraction, Serenos semblait peiner à contrôler son envie de partir découvrir le Palais d'Ivoire, une structure que, dans quelques années, il connaîtrait aussi bien que sa propre demeure. C'était après tout un énorme bâtiment, avec des siècles d’histoire, et le Roi voulait l’explorer de fond en comble. Mais il y avait un temps pour tout, et aujourd’hui, il voulait surtout passer du temps avec ses vieux camarades d’études.

Il passa donc un bras autour de celui de Jamiël et lui adressa son plus beau sourire. Comme les gardes, il était parfois difficile de ne pas voir Serenos comme une jeune femme plutôt qu’un homme, et parfois même le roi se permettait de se laisser prendre au jeu.

-Nous pourrions aller faire une blague à Nöly! Est-ce que vous auriez des robes et du maquillage?

Serenos avait un énorme sourire sur les lèvres. Décidément, il voulait que ses retrouvailles soient mémorables, et cocasses. Noly ne l’avait pas vu depuis des années, et il voulait surtout troubler le jeune Liam, qui devait sûrement déjà s’attendre à un Roi, et même si les meisaens ressemblaient souvent à des demoiselles, mais pour ce qui est de s’affubler de vêtements féminins… moins fréquent, pour ainsi dire.
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 19 février 2018, 01:01:45
Nöly avait pris l’habitude de se maquiller et de s’habiller elle-même, rompant avec une habitude ancestrale chez les Ivory, et surprenant l’Intendant Général. Elle n’avait pour autant pas congédié le personnel, mais leur avait attribué de nouvelles fonctions. Les Mélisaines, affirmaient-elles avec son franc-parler usuel, n’avaient pas l’habitude qu’on leur torche les fesses quand eux-mêmes savaient à quoi servait un papier toilette.

« Mais ce Serenos... Il n’est pas amouireux de toi ?
 -  Mon Roi serait-il jaloux ?
 -  Soucieux, tout simplement. Et curieux d’en savoir plus sur ma femme. Honnêtement, à part que tu aimes les gâteaux au chocolat et que je te prenne en levrette, je ne sais pas grand-chose d’autre sur toi. »

Nöly sourit légèrement.

« Il est vrai que nous nous sommes mariés assez vite...
 -  L’inconvénient de porter un nom qu’on reconnaît plus vite que votre prénom. Mais, finalement, je ne regrette pas mon choix... Si ce n’est que porter ces habits est affreusement gênant, ça me colle...
 -  Je te préfère sans, pour être honnête, ils ne mettent pas en valeur tes muscles. »

Ce fut au tour de Liam de sourire. Ils s’habillaient ensemble, tâche pour l’heure assez ardue, vu que les deux amants étaient endiablés, pris dans le feu dévorant et bouillonnant de la passion.

« Enfin, oui, j’ai eu une aventure avec Serenos... Aventure qui fut sans grande conséquence pour la suite. C’est... Je ne sais pas si tu as déjà vu des Meisaens, ils vivent assez loin de nos côtes...
 -  Je sais que leur île abrite beaucoup de cristaux magiques, et que nous faisons du négoce avec eux.
 -  C’est une nation très féminine, en fait. La première fois que je l’ai vu, c’était à une soirée arrosée où j’avais bu plus que de raison...
 -  Toi, ivre ? Je ne saurais croire à cette calomnie !
 -  C’était exceptionnel ! Mais... Toujours est-il que je l’ai pris pour une femme, et, tu sais, il y a ces jeux idiots du gui chez nous... Je pensais que c’était une fille, et à Mélisi, quand on est sous le gui...
 -  On embrasse la plus proche personne du même sexe que soi, compléta Liam. Je connais cette formule. Tu te souviens, non ? Lors de la fête de notre mariage à Mélisi, le prélat, sous le gui... »

Nöly gloussa à ce souvenir. Les prélats de l’Ordre Immaculé étaient connus pour détester Mélisi, dont les mœurs légères étaient toujours, pour eux, condamnables.

« Enfin... Quoi qu’il en soit, je dansais donc, et je me suis retrouvée sous le gui, et... »

Nöly se pinça doucement les lèvres, visiblement nerveuse, un tic nerveux que son mari commençait à lui connaître.

« Ne me dis pas que... »

Plutôt que de lui répondre directement, Nöly opina de la tête.

« Par l’Eld en personne ! Mais... Comment étaient ses lèvres ?
 -  Oh... Euh... Tu sais, j’étais ivre, alors j’en conserve un sourire flou...
 -  Hmmm... Je connais pourtant bien des anecdotes où tu conserves un souvenir très net des choses. »

Les lèvres de Nöly se fendirent d’un sourire énigmatique, et elle se redressa encore.

« Bon ! Arrête de dire n’importe quoi, et aide-moi à enfiler ma robe !
 -  Bien, Madame... »



Pendant ce temps, dans les coursives du palais, Jamiël suivait Serenos. Du fait de l’éloignement géographique de Meisa, elle avait toujours eu un peu de mal à savoir ce qui se passait là-bas. Mais, visiblement, son mariage n’avait pas été aussi heureux que celui avec Nöly. C’était dommage... Mais, effectivement, à l’idée de se marier avec l’héritier de Nexus, Nöly avait été très nerveuse, redoutant de faire des bêtises, ou de ne pas tomber amoureuse, ou de tomber sur un gros mufle. Rien de tout ça avec Liam, et il n’était pas exagéré de dire que le courant était instantanément passé entre eux deux.

Tandis que les deux s’avançaient dans les impressionnantes galeries du Palais d’Ivoire, Serenos se tourna vers Nöly, et lui demanda s’ils ne pouvaient pas faire une halte ailleurs, afin de faire « une blague » à Nöly. Jamiël sourit légèrement, et rajouta ensuite :

« Avec du gui, peut-être ? » glissa-t-elle malicieusement.

L’histoire du baiser entre Serenos et Nöly était plutôt connue, et, quand Jamiël avait révélé à Nöly qu’elle avait embrassé un garçon, son amie, alors une jeune adolescente, avait furieusement rougi. Elle se déplaça néanmoins, et rejoignit un couloir sur la droite, croisant plusieurs servantes qu’elle salua poliment, tout en rejoignant ensuite une salle d’habillage.

« Les pages se changent et se maquillent ici, expliqua-t-elle. On devrait y trouver tout ce qu’il faut pour que tu aies une apparence d’enfer ! »

Après, elle le laissait choisir...
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 19 février 2018, 04:52:39
Liam avait raison sur bien des points par rapport à Meisa, mais contrairement à ses suppositions, l’île dont il avait entendu parlé n’était qu’une fausse information, issue d’une propagande servant à décourager les possibles envahisseurs et ennemis, une ruse qui avait manifestement marché jusqu’à maintenant. Les premiers explorateurs du continent, des Mélisi, avaient été le premier contact entre Meisa et le reste du monde, car jusque-là, traverser la Mer du Couchant était une idée folle, et dangereuse, et avaient été l’occasion parfaite pour Talion d’exiler son fils bâtard loin de ses ennemis et surtout de sa famille. Son épouse était si jalouse, si envieuse de Serenos parce qu’il était le fils qu’elle n’a jamais pu donner à son mari qu’elle aurait peut-être même été tentée de le tuer par vengeance envers le destin. C’est grâce à ces agents que, pendant des années, le continent d’Ayshanra s’était évité des attaques d’Ashnard, et réciproquement, les Aranes ne s’étaient pas tournés vers le Continent pour trouver de nouvelles terres.

Ce n’est que récemment qu’Ayshanra fut révélé au grand public, mais considérant la fin de la guerre contre Ashnard et les grands événements à travers le monde, la nouvelle d’un nouveau continent découvert était passé dans les informations de seconde zone.

-Avec du gui, peut-être ?

La mention de l’épisode du gui ne manqua pas de faire rougir le Roi. C’était son tout premier Bal aux Iles Mélisi, et pas nécessairement un épisode dont il était très fier, car encore ignare de la culture locale, il ne s’était jamais douté que les choses se passeraient ainsi. Avec un sourire très amusé, le Roi fit quelques gestes dans l’air et matérialisa une branche de gui et la tendit à Jamiël.

-Très bonne idée, ma chère! Lança-t-il avec bonne humeur.

N’empêche que c’était quand même le moment où la jeune femme avait captivé son cœur. Ou du moins le début. Serenos n’avait jamais vraiment connu autre chose que les quatre murs de sa geôle, à l’époque. Mais peut-être était-ce justement parce que Nöly le voyait plus comme une autre fillette de son âge qu’ils s’étaient autant rapprochés à l’époque. C’était chez les Mélisi qu’il avait appris les arts, la poésie, les lettres et l’étiquette, mais tout comme son amie, ses enseignants se plaisaient à lui enseigner également les manières des dames, ce qui, en certaines situations, s’était en fait révélé être d’excellents outils.

Une fois que les quartiers avaient été évacués par les demoiselles qui se précipitaient pour remplir leurs obligations, Serenos trouva prestement un miroir et fit voler à lui quelques différentes tenues. Au final, il étira un sourire malicieux alors qu’il trouvait exactement ce qu’il recherchait. Une jolie robe (https://i62.servimg.com/u/f62/13/46/97/89/_tchib10.jpg) bien innocente, propre. Ce qui avait notamment attiré son regard, c’était qu’en plus d’être magnifique, cette robe respectait les couleurs nationales du royaume de Meisa, à savoir le blanc et le noir. Sans la moindre gêne (car après tout, ce n’était pas la première fois que la demoiselle le voyait en sous-vêtement), il retira sa tenue et enfila la robe. Avec quelques ajustements, il parvient à obtenir un résultat très convaincant. Il déplora mentalement le manque de longueur de la robe, mais avec une culotte pleine, il pouvait facilement cacher ses attributs mâles. Il prit doucement un petit pinceau et une bouteille de rouge à lèvre et s’en appliqua, prenant bien soin de réussir son maquillage au meilleur de ses habiletés. Ce n’était pas la première fois qu’il se maquillait, mais le contexte était très différent. Il ne cherchait pas à séduire, mais à troubler ses adversaires; Nöly et son nouveau mari. Il enfila les gants puis les bottes à talon-haut.

Une fois préparé, le Roi ramena ses très longs cheveux noirs derrière sa tête, et à l’aide d’un ruban et d’une tige de bois, il les attacha en une queue de cheval relevée. Il étira un sourire satisfait et présenta le résultat à Jamiël.

-Alors? Surprise?

À l’époque, il aurait lutté crocs et griffes pour qu’il soit reconnu comme un homme. L’âge lui avait cependant apporté un certain détachement. Le travestissement était devenu un outil comme un autre, et son identité sexuelle, peu importe comment elle était perçue par les autres, n’avait aucune importance pour lui. Être un homme ne voulait pas nécessairement dire ne pas profiter des avantages que sa morphologie lui accordait. Il prit la main de la magicienne et la traina avec lui vers les appartements des Ivory. Les traces astrales que laissait Nöly sur son passage le guidait, et il n’avait donc pas besoin de connaître les lieux pour se repérer, tant qu’il voulait la retrouver elle, et non pas une pièce. Il ne put s’empêcher de capter également l’aura résiduelle de Liam, et alors qu’il s’approchait des appartements des Ivory, il comprit comment le Roi de Nexus était aussi respecté; même son aura était noble et droite, forte. Il n’avait jamais perçu une telle énergie. En bien des points, son aura était similaire à celle d’Hadrian, le bras droit du Roi de Meisa.

Pour Jamiël, l’aura de Serenos avait cependant énormément changé comparativement à leur jeunesse. Certes, son enfance était malheureuse en soi, mais lorsqu’il avait commencé à fréquenter Nöly et Jamiël, elles avaient trouvé un jeune garçon rempli d’énergie, avec un cœur pur, bourré de belles intentions et de soif d’apprendre, mais ce n’était plus le cas, maintenant. Malgré les airs qu’il donnait, il y avait énormément de douleur en lui. Énormément de peine, de souffrances, de malheur et de peur. Son cœur n’était plus aussi… léger qu’il ne l’était après quelques années passées chez la famille de Nöly. Comme il lui avait dit, il avait vécu des choses difficiles, et cela ne rendait cette visite que d’autant plus spéciale; ses sourires et son enthousiasme n’avait rien de feint; il était heureux, en ce moment.

Serenos regarde Jamiël.

-On y va?

Sans vraiment attendre pour son avis, il entra dans la pièce, suivi par Jamiël. Lorsqu’il vit Nöly et celusi qu’il comprit être son mari, il étira un grand sourire et s’approcha d’eux. La Reine de Nexus n’avait définitivement pas changé, elle était toujours aussi magnifique que le jour de leur rencontre, quoi que visiblement beaucoup plus mature également. C’était le visage d’une véritable Reine qu’il voyait là. À son côté, droit et fier, se trouvait le Roi de Nexus lui-même. Même Serenos ne put empêcher un sourire. Hadrian avait une popularité incroyable chez la gente féminine de Meisa, mais même lui ne pourrait pas autant attirer l’attention que le Roi de Nexus; grand, fort et mur, nul ne pouvait s’y méprendre; il avait le profil idéal du leader. Le Roi de Meisa s’arrêta devant le couple royal et son regard passa de Liam à Nöly. Avec un doux sourire, il s’en approcha et posa sur sa joue un baiser, et avec une douce voix, il lui adressa la parole.

-Nöly.

Ce n’était qu’un mot, un nom, mais la joie et l’émotion s’étaient manifestés quand le Roi avait prononcé son nom avec une gorge serrée. Il posa doucement les mains sur le visage de la Reine et plongea ses yeux dans les siens, puis posa doucement son front contre le sien, souriant toujours. Il prit bien vite un peu de distance et baissa les bras, portant une main à ses lèvres pour cacher un petit rire.

-Ma foi, je regrette de n’avoir pas davantage insisté pour rester en Mélisi. Vous êtes encore plus magnifique que dans mes souvenirs !

Toujours avec cette attitude féminine, il se tourna vers le Roi Liam. Le sourire tendre qu’il adressait à Nöly changea, devenant simplement poli.

-Roi Liam. J’ai énormément entendu parler de vous.

Il lui adressa une adorable courbette, gracieuse comme celle d’une princesse, et se redressa, ses lèvres rouges formant toujours ce sourire poli.

-Vous êtes encore plus impressionnant en personne!
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 26 février 2018, 00:34:29
Liam savait que Nöly avait eu une vie sociale plus épanouie que lui. Le jeune Roi avait passé une bonne partie de sa vie à Haven, à suivre l’entraînement rigoureux des Paladins. Ses connaissances relevaient d’un domaine très ciblé, l’armée. Ses parents avaient dès le début fait leur choix, voulant renforcer les relations entre la Coruonne et le pouvoir militaire. Un choix qui n’était pas dénué d’intérêt, au vu du conflit latent avec l’Empire d’Ashnard. Liam faisait donc très souvent confiance à Nöly pour les relations diplomatiques. C’était elle qui en savait bien plus que lui sur les différentes nations et autres peuplades parsemant Terra. Et Meisa ne lui était pas inconnue.

Le duo marchait patiemment vers l’un des salons du Palais d’Ivoire. Même si l’entretien avec Serenos n’était pas « officiel », il était quand même inscrit sur l’agenda de Nöly, de sorte que, tandis que le couple royal finissait de se prépare,r un page vint l’alerter que Jamiël souhaitait la voir, et était arrivée avec « une » amie. Le choix du féminin arracha un sourire aux tendres lèvres de Nöly, et surprit Liam :

« ‘‘Une’’ ?
 -  Ça ne peut être que Serenos. »

Tandis qu’ils marchèrent vers le salon, Nöly répéta à Liam ce qu’elle lui avait déjà expliqué sur les Meisaens, et notamment sur la gente masculine, à savoir qu’elle restait très androgyne pendant de nombreuses années. Visiblement, malgré les années, Serenos était toujours resté ainsi. Liam acquiesça silencieusement, laissant Nöly mener la marche. Là aussi, elle était plus douée que lui. Le Palais d’Ivoire était tellement grand que Liam avait régulièrement l’habitude de s’y perdre, contrairement à Nöly, qui connaissait le chemin à la perfection.

Le duo rejoignit ainsi le salon, et Liam laissa Nöly s’exprimer, ne manquant pas d’être surpris en voyant... Le Meisaen. Heureusement qu’on lui avait dit que c’était un homme ! Avec ses cuissardes, sa courte robe, sa chevelure redressée et nouée par une queue-de-cheval, et les légers gants, il avait tout d’une fille... Et même une fille plutôt sexy !

« Enchantée de te revoir, Serenos ! »

Liam fronça légèrement les sourcils quand Serenos l’embrassa sur la joue, mais choisit de rester silencieux. Il ignorait l’étendue des relations passées entre sa femme et le Meisaen, et, même si Nöly lui avait dit qu’il y avait eu un baiser sous le gui, le jeune Roi ne savait pas vraiment ce qui avait bien pu se passer par la suite. Serenos se retourna ensuite vers Liam. Mains jointes dans le dos, jambes légèrement écartées, Liam adoptait une posture martiale, trahissant ses années de formation au sein de l’ordre des Paladins du Griffon.

« Bienvenue à Nexus, Sire Sombrechant. J’espère que ce que vous avez entendu sur moi ne nuit pas à ma réputation. »

Nöly le regarda brièvement, un peu intriguée. Liam était-il d’un naturel jaloux ? Quelques secondes passèrent, avant que l’homme ne poursuive :

« Moi, on m’a dit que vous embrassiez très bien. »

Nöly se pinça les lèvres. Une pique dissimulée ? Ou une tentative d’humour ? Liam décroisa les mains de son dos, et se permit de rendre à Serenos la pareille, en l’embrassant sur la joue. Il l’avait bien fait sur sa femme, non ? Nöly reprit alors :

« Que deviens-tu, Serenos ? Je suis très heureuse de te revoir après tout ce temps, tu sais ! »
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 26 février 2018, 07:09:17
La réputation de Liam était très impressionnante pour un jeune homme. S’il n’avait pas celle d’un conquérant, il surpassait les aptitudes de Serenos à régner et diriger. Alors que Liam et Nöly collaboraient ensemble pour diriger leur royaume, Serenos avait délégué la plus grande part de ses responsablités à son Haut Conseil et à son épouse, prenant la tête de son empire en tant que figure de pouvoir, et du coup, moins il était investi dans le gouvernement,  moins ses lacunes étaient visibles et plus les rumeurs sur sa puissance alléguée se répandaient. De fait, Serenos était puissant, puisque le sang de l’Archimage Darimon coulait dans ses veines, mais il n’était rien comparativement à Mélisende.

Malgré le contexte officieux de cette rencontre, Serenos fut surpris de voir Liam aussi tendu, presque dans une attitude militaire. Lorsqu’il avait embrassé la joue de Nöly, il l’avait senti réagir discrètement. De la jalousie? De la suspicion? Serenos n’était pas très habile à lire les pensées d’une personne entraînée à se fermer aux incursions mentales, mais sentir l’énergie de Liam était le travail d’un amateur. Malgré cela, cette énergie n’était pas agressive, ni un avertissement, laissant le jeune Roi des Trois Royaumes très confus.

-Bienvenue à Nexus, Sire Sombrechant. J’espère que ce que vous avez entendu sur moi ne nuit pas à ma réputation.
-Pas que je sache. J’ai été très impressionné par votre parcours. Votre beau-père ne tarit d’éloges à votre égard. Je crois que Monsieur se plaît à nous comparer!

Après tout, le père d’Elena était un ami de longue date du Roi Talion. Les circonstances exactes de leur rencontre et leur passé n’était pas très clair aux yeux de Serenos, mais semblerait-il que le Mélisain, le précédent Roi de Nexus et le Roi Talion de Meisa étaient suffisamment proches pour avoir collaborés ensemble pour qu’Ayshanra ne devienne pas un objet de conquête de quelque souverain belliqueux. Talion avait donc fait confiance au père d’Elena pour former le jeune prince aux arts de la Cour et du Noble Jeu. Les intentions romantiques de Serenos n’étaient en rien un secret pour la famille d’Elena, quoique, peut-être pour des raisons aussi simples que celle de son statut de bâtard royal, elles aient rapidement été écartées, comme celles de beaucoup de soupirants qui aspiraient à faire de la magnifique Mélisaine leur épouse.

-Moi, on m’a dit que vous embrassiez très bien.

Serenos ne put s’empêcher de rougir un brin à ce franc-parler. Il semblerait que le Roi de Nexus en savait un peu plus qu’il n’y semblait paraître. Le jeune Roi de Meisa remua donc la main comme pour chasser l’embarras de la petite pique du Roi de Nexus. Mais que savait-il de ce que Nöly et Serenos avaient partagé dans leur amour de jeunesse?

-Les traditions de Mélisi m’ont autant surpris que vous, j’en suis sûr, Majesté!

Serenos avait donc décidé de ne pas aller plus profondément dans le sujet, mais il fut encore plus dérouté alors que Liam s’approchait de lui et posait un baiser sur sa joue. Cette fois, les joues du Roi passèrent au rouge vif, mais il ne montra pas une opposition particulière, se contentant de glousser légèrement pour masquer sa gêne, osant tapoter gentiment l’épaule du souverain de Nexus de ses doigts.

-Où est donc cette branche de gui quand nous en avons besoin! Lanca-t-il avec humour pour cacher sa timidité.

Fort heureusement pour lui, Nöly vint à sa rescousse.

-Que deviens-tu, Serenos ? Je suis très heureuse de te revoir après tout ce temps, tu sais !

Serenos sourit, avec le sourire doux mais sans conviction de ceux qui en ont longs à dire, mais ne veulent pas incommoder les autres.

-Beaucoup de choses se sont passées, Nöly. Beaucoup de choses que j’ai omises dans mes lettres, pour ne pas te causer de soucis. Mais je me ferai un plaisir de tout te… vous raconter autour d’une coupe de vin. En résumé, je suis maintenant le Roi de trois royaumes du continent d’Ayshanra. Mon couronnement officiel se tarde en raison de conflits internes et de revendications, mais mes principaux opposants sont surtout des nobles de familles anciennes, désuètes et sans influence, dont la seule base pour leur prétention au trône est remise en question pour ne pas avoir participé dans la Grande Guerre.

Un peu pour lui-même, il rajouta.

-Même un Galadien aurait une raison plus plausible de convoiter le trône… Mais enfin, bref. Je suis las de la guerre, et des conflits. Les travaux de reconstruction ont enfin été lancés. Je n’ai jamais vu les coffres du trésor royal se vider aussi vite! Oh! Et nous avons enfin une véritable académie pour les jeunes magiciens qui n’est pas rattachée à l’armée, mais au peuple. Ah, et les parents de magiciens ne sont plus incarcérés.

Pour quelqu’un qui comptait faire un résumé bref, Serenos s’était rapidement emporté, très fier de ses accomplissements depuis qu’il s’est emparé de la couronne. Nöly n’était pas sans savoir l’intense persécution que les magiciens vivaient en Ayshanra en raison de la culture de la peur que propageait les enseignements de l’Église Antosienne. Même si le Roi Talion avait expédié son fils bâtard aux Îles Melisi sous prétexte de vouloir lui faire apprendre les usages de la Cour, il essayait surtout de cacher à son peuple et ses opposants que son fils illégitime était magicien, et comme la magie n’était pas nécessairement condamnée dans le Royaume de Nexus, Serenos serait donc capable de se développer et d’apprendre à maîtriser ses habiletés sans que les rumeurs ne se répandent en Meisa.

Se rendant compte qu’il avait beaucoup parlé, le Roi s’éclaircit nerveusement la gorge, rougissant avec gêne.

-Enfin, bref.

Le Roi regarda Liam un moment puis leva lentement une main pour la poser contre sa propre joue, souriant, promenant ses yeux sur le couple royal. Après un moment de silence, il reprit la parole.

-Je vois qu’il y a beaucoup d’amour. J’en déduis que tout cet aspect de mariage politique s’est évaporé.

Étonnamment, Serenos s’attendait à être jaloux, mais maintenant qu’il voyait Liam… pas du tout, en fait. Liam était digne de Nöly. Son aura et celle de Nöly était très compatibles, et même s’ils ignoraient beaucoup de choses l’un de l’autre, ils semblaient avoir formé un lien très solide par le peu de temps qu’ils avaient passés ensemble.

Il s’approcha alors de Nöly et posa les mains sur son épaule, puis y posa la tête, regardant le grand Roi de Nexus, un sourire flottant sur ses lèvres rouges.

-Maintenant, je comprends un peu mieux pourquoi tous tes soupirants ont cessé de harceler ton père, Nöly. Même en Narthi, ils ne naissent pas en masse, des hommes aussi superbes.

Un flirt? Peut-être. Un compliment, certainement. Serenos se félicitait mentalement de ne jamais avoir officiellement défier Liam pour la main de Nöly. Malgré ses propres exploits pendant la guerre, il doutait qu’en duel ses propres capacités pouvaient rivaliser avec le futur Lion de Nexus.

-Vous avez une aura très tendre malgré votre physique impressionnant, sire Ivory. J’en déduis que vous êtes heureux?
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 05 mars 2018, 00:47:22
Meisa était un royaume situé de l’autre côté de la mer, à Ayshanra. Honnêtement, Liam avait toujours cru qu’il s’agissait d’une grande île, et n’avait jamais été ici. Il ne connaissait pas grand-chose du pays de Serenos, si ce n’est qu’il faisait parfois du commerce avec les Mélisains. Nöly en savait donc un peu plus que lui, mais sans trop pouvoir prétendre être une fine connaisseuse du sujet. Liam faisait donc conscience à Nöly, et essaya de masquer le fait qu’il ne comprenait pas grand-chose aux explications de Serenos. La « Grande Guerre », les « Trois Royaumes », les « Galadiens »... Autant de mots qui ne signifiaient rien pour lui, puisqu’ils faisaient référence à des notions qu’il ne connaissait pas.

« Très bien, finit-il par dire. J’espère que votre couronnement se poursuivra, alors... »

Il ne voyait pas trop quoi dire de plus, et s’écarta un peu. Serenos revint finalement à leur mariage, en évoquant son caractère politique, ce qui les fit sourire tous les deux. Nöly et Liam se regardèrent même brièvement, échangeant une œillade.

« On peut dire ça, oui... »

Serenos se rapprocha encore, et posa ses mains sur les épaules de Nöly, faisant preuve de cette étonnante familiarité qui avait déjà fait tiquer le Roi. Liam savait que les Mélisains étaient très tactiles, très proches les uns des autres. Ce n’était pas pour autant qu’il allait protester, mais il était tout de même assez gêné par cette proximité. De la jalousie ? Peut-être. Après tout, leur union était encore récente, et Liam, sans aller jusqu’à prétendre vouloir surveiller Nöly,  en était tout de même un peu gêné. Quoi qu’il en soit, Serenos, qui ressemblait vraiment à une femme, s’écarta encore de Nöly, et se retourna vers Liam, le complimentant à son tour.

Néanmoins, Liam était un homme au tempérament d’acier, peu apte à se laisser bercer par la flatterie. Néanmoins, sa dernière phrase l’interpella un peu. Une « aura très tendre »... C’était une phrase assez curieuse.

« Euh... Merci à vous, Sire Serenos. Je suppose... Qu’on peut dire ça, oui. Je suis tout simplement amoureux de Nöly, dirais-je...
 -  Et c’est pareil pour moi ! Navrée, Sire Serenos, mais vous arrivez trop tard ! »

Elle rigola, sans s’apercevoir du malaise que sa phrase pouvait engendrer. Liam se racla finalement la gorge, et reprit, sur un ton plus sérieux, évitant les badinages :

« Et que venez-vous faire ici, Sire Serenos ? Vous cherchez un allié politique pour vous aider à asseoir votre autorité sur Meisa ? »

Vu la description qu’il venait de faire de Meisa, c’était l’hypothèse la plus probable...
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mardi 06 mars 2018, 09:19:21
"Euh... Merci à vous, Sire Serenos. Je suppose... Qu’on peut dire ça, oui. Je suis tout simplement amoureux de Nöly, dirais-je..."
"Et c’est pareil pour moi ! Navrée, Sire Serenos, mais vous arrivez trop tard !"

La belle Reine éclata de rire, et celui du jeune roi l’accompagna, en bon complice, se couvrant la bouche pour cacher ses gloussements amusés. C’est alors que Liam se chargea de plomber l’ambiance avec deux simples phrases.

"Et que venez-vous faire ici, Sire Serenos ?" Demanda-t-il, visiblement agaçé par la familiarité de Serenos, autant à son égard qu'à celui de sa bien-aimée. "Vous cherchez un allié politique pour vous aider à asseoir votre autorité sur Meisa ?"

"Vous vous méprenez, monseigneur…" Fit-il très doucement, comme pour essayer de chasser le doute de l'esprit de son homologue. "Nexus est peut-être un très grand royaume, mais mes intentions ne sont nullement motivées par la politique." Sur ces mots, le jeune roi s'approcha de Liam, une main derrière le dos pour prendre son bras. "Ma présence ici n'a rien de sournois. Je voulais visiter Nexus, voir ma très précieuse Nöly, et surtout pour vous voir, vous, monseigneur."

Après tout, Nöly était peut-être son amour de jeunesse, mais elle a été aussi une très bonne amie pendant son séjour chez elle. Même si leur relation n'avait pas dépassé le cap d'un simple amour, certes pas tout à fait innocent, Serenos continuait de la porter dans son cœur et de vouloir son bien. Mais à l'attitude de Liam, il décelait que celui-ci était très méfiant de son homologue étranger, et surtout ancien rival romantique. Serenos figurait après tout sur la liste des rares prétendants, ou peut-être même était-il le seul, à avoir ouvertement protesté contre la décision du père de Nöly de la donner en mariage à Liam, mais ces fiançailles remontaient déjà à plusieurs mois, voire plusieurs années.

"Comme votre épouse le dit…" poursuivit-il sans changer de ton. "Je ne suis pas un rival."

Il se tourna vers Nöly et lui sourit avec une tendresse sincère, peut-être même avec une pointe d'amour.

"Le passé est le passé."

Il regarda à nouveau Liam.

"Mais j'espère qu'on pourra profiter de mon séjour pour en apprendre un peu plus l'un sur l'autre, monseigneur." Conclut-il. Manifestement, Liam et lui n'allaient pas débuter sur un bon pied, et Serenos savait quand se retirer avant de dire des bêtises ou même causer des malaises. La diplomatie n'était toujours pas son point fort, ni maintenant, ni avant ni dans le futur. Il y avait entre eux un antécédent lié à Nöly, et manifestement, Serenos n'était pas indifférent à la Reine, malgré le temps et la distance.

Avec une révérence toujours aussi élégante et, honnêtement, féminine, le jeune Roi tourna les talons et quitta le salon. Une fois dehors, alors qu'il se croyait seul, il se frotta vivement les yeux pour en cacher les larmes naissantes. Malgré sa réputation et surtout ses actes que certains qualifiaient de cruels et impitoyables, le petit Roi était quelqu'un de très sensible, et il était très déçu de sa première impression de Liam. Il lui faudra encore des années pour apprendre à contrôler ses sentiments et ses émotions. Il tira de sa poche un mouchoir en tissu et se frotta son nez fin, qui ne manquait jamais de le démanger lorsqu'il avait de la peine.

Lorsqu'il leva les yeux, il vit immédiatement Jamiël et cacha nerveusement son mouchoir, comme pour faire croire qu'il n'était pas frustré.

"Eh bien, ça s'est relativement bien passé!" lança-t-il avec un sourire qu'il aurait voulu rendre rassurant, avant de se bien voir sur le visage de Jamiël qu'elle ne croyait pas du tout à sa fausse bonne humeur. Embarrassé, il baissa la tête. "Bon, d'accord, ça s'est très mal passé, je crois." Il s'approcha de Jamiël et glissa ses doigts dans les siens. "Je crois que je n'étais pas mentalement préparé à rencontrer le Seigneur Liam aujourd'hui. J'ai peut-être mal compris la lettre, mais j'avais cru comprendre qu'on ne se serait rencontré qu'au dîner."

Posant sa tête contre l'épaule de la magicienne, le jeune Roi essaya quand même de s'égayer un peu.

"Vous voudriez bien me montrer les jardins du palais?" Proposa-t-il pour changer de sujet. "On me dit qu'ils sont magnifiques, peut-être plus beaux encore que ceux de Dame de la Lorraine!"
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 12 mars 2018, 01:00:59
Liam avait-il été trop brusque ? Serenos, en tout cas, se rétracta suite aux interrogations du Roi, et s’excusa même, quittant le salon, laissant le jeune couple ensemble. Un peu surpris, Liam regarda Nöly en fronçant les sourcils.

« Ton ami est bizarre.
 -  Je dirais qu’il n’est pas habitué à l’amabilité des anciens paladins...
 -  Je suis pourtant courtois. Pas un mot plus haut que l’autre.
 -  On peut dire ça, oui... »

Nöly savait que Liam ne pensait pas à mal, c’était juste sa manière d’être et de s’exprimer. Très franc et très direct. Rien à voir avec Nöly, qui venait de contrées chaleureuses, où la doctrine militaire n’était pas aussi forte qu’à Haven. Difficile de dire, en tout cas, comment les choses avaient pu dégénérer jusqu’à ce que Serenos ne quitte précipitamment les lieux.

« Et puis, pourquoi est-il travesti en femme ? Ne va pas me dire que cela est chose normale !
 -  Autre pays, autre coutume.
 -  Oui, enfin... Nous ne sommes pas à Tekhos non plus. »

Les informations que les Nexusiens recevaient sur le sort des hommes là-bas était assez effrayant. En soi, Liam n’avait rien contre l’homosexualité ou le transsexualisme, mais... Il fallait bien admettre qu’il ne s’attendait pas à ça. Surtout que Nöly lui avait dit qu’il était un puissant magicien. Un puissant magicien travesti en femme, ça cassait quand même un peu le mythe. Liam haussa les épaules.

« Je pense qu’il est préférable que je te laisse seule avec lui. Je dois l’intimider.
 -  Tu vas réussir à survivre sans moi ? »

Liam fit mine de réfléchir, tout en regardant, par une fenêtre, la ville.

« Seulement si tu reviens en moins d’une heure », finit-il par consentir.

Nöly sourit tendrement, puis l’embrassa tout aussi tendrement sur les lèvres, avant de filer. Le Roi resta seul dans la chambre, et soupira longuement. Nöly, de son côté, sortit donc, et aperçut rapidement le duo. Jamiël était là, bien entendu. Sûrement était-elle venue voir comment les choses allaient se passer. Nöly se racla la gorge, et haussa la voix :

« Serenos ! Jamiël ! »

Les deux se retournèrent, et Jamiël sourit devant son amie de longue date. Ensemble, elles avaient toujours été très complices, ce que Liam savait. Vouloir lutter contre leur amitié, c’était se heurter à un mur inébranlable et indestructible.

« Ne sois pas brusqué par les inflexions de Liam, Serenos, il est toujours un peu bourru.
 -  C’est un ancien paladin de formation, il n’y a pas à chercher plus loin.
 -  Il est plein de qualités par ailleurs !
 -  Oui, mais il est intimidant !
 -  Eh bien, quand on est ne guerre contre l’Empire d’Ashnard, il est préférable de passer pour intimidant ! »

Le pire est qu’elles auraient pu continuer comme ça pendant des heures ! Nöly finit par sourire, et leur demanda où ils se rendaient. La réponse obtenue, elle hocha la tête. Les jardins du Palais se trouvaient à l’arrière, protégés par deux remparts, l’un à gauche, l’autre à droite. Au bout de ces élégants jardins, il y avait un kiosque où Nöly aimait prendre le thé, observant la mer qui s’étendait à perte de vue. Enfin, le tout était terminé par une petite plateforme en bois suspendue tout en-haut de la falaise, faisant office de poste d’observation.

En soi, les véritables jardins royaux figuraient dans un parc public. Ici, compte tenu de la configuration des lieux, le parc était plutôt petit, mais très agréable.

« En tout cas, Serenos, sache que je suis vraiment ravie de te revoir !
 -  Liam ne vient pas ?
 -  Pour nous affronter toutes les deux en même temps ? Même lui n’est pas taillé pour ça ! »
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 19 mars 2018, 08:00:16
"En tout cas, Serenos, sache que je suis vraiment ravie de te revoir !"

Le regard de Serenos se leva enfin vers Nöly. Maintenant, hors de vue de Liam, il effaça son sourire idiot et sa candeur, avant de poser une main contre la joue de Nöly.

"Je vous l'avais promis, Nöly, lors de mon départ. Un jour ou l'autre, je reviendrais." Dit le jeune Roi, frottant doucement la joue de la Reine de Nexus du pouce. "Hormis que cette fois, les choses ont beaucoup changé, pour moi comme pour vous."

D'un geste de la main, la robe de Serenos se volatilisa pour être remplacée par ses vêtements d'apparat; son long manteau blanc, son armure de plaque noire aux fils d'argent et son épée à sa hanche. La farce ne tenait plus, maintenant. Les cheveux de Serenos se détachèrent d'eux-mêmes, tombant en cascade sur ses épaules, jusqu'à ses reins. Malgré son apparence bien féminine, il y avait quelque chose de plus… homme, dans sa posture.

"Liam parait être un homme bon. Un bon Roi, et un bon mari. C'est très bien comme ça, parce qu'autrement, je vous aurais enlevée." Dit-il directement, visiblement peu craintif de parler malgré les oreilles qui pouvaient l'entendre.

Il prit place sur un banc à l'extérieur et fit apparaitre une coupe et un peu de vin. Un liquide rouge comme le sang, mais épais comme de la mélasse. Le vin Meisaen était étrange parce que le fruit qui le produisait n'était pas le raisin ou la vigne, mais un fruit indigène à sa contrée natale, appelé des fialems. Apprendre à boire ce liquide sans s'en prendre plein la tronche était un art, mais pour le commun de Meisa, c'était un art inutile à apprendre. Serenos l'avait maîtrisé, cependant, puisque contrairement au commun meisaen, il ne buvait que rarement en compagnie d'amis, et que ses ennemis, non contents d'être dangereux, étaient également un regroupement de nobles et de généraux haut gradés.

"Je serais revenu plus vite, mais Jamiël m'a assuré que le nouveau Roi vous traitait dignement, quoiqu'elle a omis de mentionner l'amour évident." Rajouta le Roi avec un clin d'œil pour la magicienne concernée.

Après quelques gorgées de vin, le Roi leva les doigts et siffla doucement pour attirer l'attention d'un petit oiseau. L'animal, curieux, prit son envol et se posa sur l'index tendu, piaillant en se demandant ce que l'humain lui voulait. Serenos murmura quelques mots, et l'oiseau battit de ses petites ailes pour décoller, se posa quelques mètres plus loin, piqua la racine d'une petite fleur et la saisit dans son bec avant de s'envoler et l'apporter à Nöly.

Serenos n'avait jamais oublié comment faire plaisir à son amie. Les petits trucs de magie, avec un peu d'imagination, suffisaient à l'amuser. Sans être d'un naturel séducteur, voir le sourire de la Reine avait été un de ses passe-temps préférés, surtout depuis qu'il avait appris à les manipuler. Il avait toujours trouvé étrange que la Reine ne soit pas magicienne elle-même car, et ce n'était pas son imagination, elle était entourée d'une aura très particulière. Le destin semblait s'accrocher aux magiciens, comme si le Don était un outil pour accomplir de grandes choses. Pourtant, inutile de se faire de fausses idées; Nöly n'était pas magicienne. Elle pourrait toujours devenir une Ritualiste, mais… non, sacrifier des petites bêtes pour faire de petites choses, ce n'était pas dans sa nature.

Le jeune Roi ne resta assis que le temps de retirer ses talons haut. Se comporter comme une fille était une chose, mais les talons-aiguilles, c'était une punition. Il massa ses petits pieds en poussant de petits soupirs de soulagement, avant de se remettre dessus et de regarder Nöly.

"Je n'aurais jamais cru que vous auriez un jour accepté d'épouser un Roi. Quand j'ai reçu votre lettre, j'en fus sidéré. Vous qui voyiez la politique comme une odieuse machination des puissants, je me demande comment vous en êtes venue à accepter de porter une couronne!"
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le dimanche 25 mars 2018, 20:35:32
Nöly aimait beaucoup les jardins royaux, surtout la vue plongeante qu’elle avait depuis le kiosque. Une vue directe sur la mer, avec les falaises à droite et à gauche, les phares sur les îles, et la succession interminable et impressionnante de bateaux venant et sortant de Nexus. Sur la gauche, on pouvait également voir, le long du port, les enceintes cerclant l’un des arsenaux de Nexus, abritant la flotte militaire royale. Elle et Liam passaient souvent du temps ensemble ici, sur ce kiosque. Nöly aimait prendre son petit-déjeuner ici. Elle avait toujours aimé les somptueux paysages, et, de ce point de vue, Nexus offrait des panoramas inoubliables. Humant l’air frais, elle se retourna vers Serenos, qui avait repris une apparence plus martiale... Tout en continuant à porter ses hauts talons. Un assortiment... Plutôt original.

« Je n’ai pas à rentrer dans les détails de l’intimité du couple royal, rétorqua doucement Jamiël.
 -  Liam est un homme bon, oui... Ça ne devrait surprendre personne, il a été entraîné par les paladins d’Haven, après tout. »

Elle n’avait pas besoin de le dire pour qu’on devine qu’elle l’aimait sincèrement. C’était un homme chevaleresque, empli de qualités. Certes, il pouvait être un peu bourru et expéditif, mais il n’avait pas reçu la même éducation que Nöly. On ne lui avait pas appris à louvoyer, à manipuler les mots, mais les armes. Son père avait voulu que le Dauphin ne soit pas un damoiseau de la Cour, mais un guerrier, à même de pouvoir affronter l’Empire ainsi que les autres menaces qui pesaient sur Nexus. Un rôle que Liam avait accepté avec l’humilité qui convenait, et qui faisait qu’il était très populaire au sein de l’armée. L’aristocratie, c’était à Nöly de s’en occuper. Même si elle venait d’îles éloignées, les Mélisains étaient très informés des grandes familles de Nexus, et Nöly avait appris à les reconnaître, et à étudier leur histoire.

La magie existait en elle, en effet, mais ce n’était pas ça que ses parents avaient développé. Nöly avait toujours été intelligente, sachant retenir bien des choses. C’était donc un choix logique de l’élever pour la prédestiner à un rôle plus important que celui d’être mage. Jamiël, en revanche, qui avait toujours eu de fortes prédispositions à la magie, avait suivi, elle, un cursus fondé sur l’enseignement magique. Les Mélisains avaient ainsi cherché à faire de leurs enfants des individus talentueux et diversifiés, pour pouvoir augmenter l’influence de leur nation à la Couronne. Une stratégie qui n’était pas totalement désintéressée, puisque les Mélisains espéraient notamment bénéficier d’avantages fiscaux par rapport à leur situation actuelle, mais aussi d’une flotte défensive accrue pour protéger leurs îles contre les menaces qui s’abattaient sur l’archipel.

Néanmoins, aussi studieuse avait-elle été, Nöly avait toujours aimé la magie. Jamiël et elle aimaient notamment observer le soir, dans l’un des lacs des Îles Mélisi, les furolucioles en sortir. Ces lucioles luminescentes étaient chargées de magie, permettant de donner des visions à ceux regardant leur spectacle féérique.

« Eh bien, répondit-elle à Serenos, on laisse rarement l’occasion à de jeunes gens de choisir leur destin. Mes parents voulaient dès le début que je devienne une personnalité influente. Initialement, je pensais plutôt à un poste au sein de ma famille... Mais ma mère y a vu l’occasion de me rapprocher de Liam. En définitive, nous avons aussi choisi, et... Liam m’a plu dès que je l’ai vu. De fait... »

Nöly se pinça doucement les lèvres en rougissant, une lueur amusée dans les yeux.

« Je ne pouvais pas l’écrire dans ma lettre, compléta Jamiël, mais ils ont fait l’amour à l’issue de ce premier rendez-vous. Rien qu’à la durée, leurs parents savaient que l’affaire était entendue. »

C’est ce qu’on pouvait appeler sans exagération un véritable coup de foudre. Nöly avait entendu parler, lors du trajet, des exploits de Liam Ivory, jeune guerrier fougueux, qui avait affronté les forces sombres d’une nécropole, repoussé des attaques d’Orcs, libéré des contrées de tyrans locaux et de monstres redoutables. Un homme charismatique et très apprécié au sein de l’armée, mais aussi sensible, relativement nerveux avec les femmes, et empreint de romantisme et d’idéalisme. Comme elle, il voulait abolir l’esclavage, et rêvait d’un système plus juste, plus représentatif des aspirations du peuple.

Nöly se racla la gorge, décidée à passer à autre chose que ses ébats avec son époux, et enchaîna sur un autre sujet :

« Et toi, Serenos ? Je pourrais dire la même chose sur toi, tu sais, tu n’as pas l’air très motivé par les intrigues politiques... Et, pourtant, tu es Roi. »
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le dimanche 08 avril 2018, 07:50:55
"Je ne pouvais pas l’écrire dans ma lettre." Dit Jamiel avec un sourire que Serenos ne reconnaissait que trop bien. "Mais ils ont fait l’amour à l’issue de ce premier rendez-vous. Rien qu’à la durée, leurs parents savaient que l’affaire était entendue. "
"Ma foi, aurais-je su, je..." Débuta Serenos, avant que le bon sens ne le fasse taire.

Il n'était pas idiot; un serviteur l'aurait entendu finir ces mots qu'il aurait peut-être déclenché des hostilités. Il fallait être prudent dans les mots, en Nexus, car ceux qui ne tenaient pas leur langue comprenaient rapidement la signification du dicton "les murs ont des oreilles", car dans cette société, chaque serviteur, garde ou femme de ménage avait un agenda, et n'hésiterait pas à causer des scandales si cela pouvait avancer leur agenda personnel. Tel était le monde des Rois; un lieu où tous étaient des ennemis, mais où seuls les idiots tiraient les couteaux. Il remua doucement la main pour signaler qu'il reprenait ce qu'il s'apprêtait à dire et qu'il ne finirait pas ses paroles. Sa relation avec la reine, et ce qu'ils gardaient pour eux, étaient des secrets qu'il emporterait avec lui. Ils avaient été idiots, ils étaient jeunes et naïfs, encore inconscients des dangers que cette relation posaient pour eux, pour leurs nations.

Fort heureusement, ou pas, finalement, Nöly ramena le sujet sur lui. Comment est-ce qu'un garçon aussi sensible et doux, ce jeune homme qui détestait faire du mal et causer du tort, avait-il put devenir Roi?

"J'imagine... comme les ancêtres de Liam. Vous connaissez l'histoire du Bris des Chaînes, an'myh. Lorsque l'Ivoire brisa le fer et que le Premier Roi de Nexus brandit la Lance Grimgrindr contre ceux qui asservissaient son peuple. Ce n'était pas par cupidité, ou par soif de pouvoir, non. Un homme ne peut pas rallier d'autres hommes, d'autres femmes, les emmener à lutter pour sa cause s'il ne cherche que son propre gain. C'était pour quelque chose de plus grand, pour leur apporter le bonheur. Je ne dis pas que l'histoire saluera mes gestes. Peut-être que dans deux siècles, les historiens diront que je ne suis qu'un tyran qui n'a agit que pour son propre compte, mais dans mon coeur, je sais que l'Empereur d'Aranie aurait causé des dégâts inimaginables. Lorsqu'on conquiert, il n'y a que très peu de manière d'assurer la stabilité dans un territoire; on négocie et on essaie de trouver un terrain d'entente qui peut convenir aux envahisseurs et aux conquis, ou on peut priver les nouveaux territoires de tout moyen de se défendre en leur retirant armes, vivres et or, ou nous massacrons la population. L'empereur d'Aranie était d'avis pour la dernière option. Je n'étais pas d'accord."

Pendant un instant, les yeux du Roi semblaient perdus dans les brins d'herbe. Il jouait avec la coupe entre ses doigts, alors que les souvenirs remontaient à la surface. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas médité sur la question. Qu'il n'avait pas pensé. Et pourtant, c'était encore plutôt récent. Il se releva alors et posa les yeux sur Nöly, la regardant directement.

"Une couronne, c'était le moyen le plus sûr pour que les gens m'écoutent. J'ai essayé de conseiller. J'ai essayé de prévenir. J'ai essayé de convaincre. Tous m'ont ignoré, ont rejeté mes paroles comme celles d'un prédicateur fou sur le bord d'une route. Mes preuves, mes témoignages, mes témoins, rien ne suffisait. Au final, la seule chose que les nobles et les généraux écoutent, c'est la couronne, et la couronne n'écoutait que les nobles et les généraux."

Il avait dit ces mots avec une telle colère, une telle amertume, que son visage se déforma, tellement il contrôlait sa colère.

"Aujourd'hui, je contrôle de grandes armées. D'un ordre, je peux rassembler des légions et éliminer mes rivaux par la simple force du nombre. D'un mot, je peux décider de la vie ou de la mort d'un noble. Aucun geste que je pose, dans le vaste territoire des Trois Royaumes, ne pouvait m'être reproché."

Serenos leva ses mains, ses jolies mimines toute douce, et retira ses gants pour montrer à Nöly les mains d'un homme qui a vécu la guerre; elles avaient été brulées et coupées par endroit, il y avait même une cicatrice au coeur de la paume de la main gauche qui pouvait être identifié par une perforation avec un objet pointu, probablement une dague ou un poignard. Serenos sourit doucement.

"Je ne peux plus jouer la harpe, tu sais. Les cordes me font mal aux doigts. Lorsque je joue avec des gants, les cordes cassent parce que je ne ressens pas la tension que j'applique dessus. Je ne peux plus travailler avec des aiguilles, parce que mes doigts tremblent trop, donc je ne fais plus de broderie. Tout ce que je peux faire avec ces mains, maintenant, c'est manier une épée. Jeter des sorts. Donner des ordres."

Il posa doucement son front contre l'épaule de son amie et l'enlaça de ses bras.

"Mais quand je t'ai revue, Nöly, c'est comme si ces dernières années n'existaient plus. Je me sentais jeune, à nouveau. Content, à nouveau. Je n'ai pas pleuré depuis des années, et après t'avoir vue, je verse des larmes."
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 16 avril 2018, 00:38:51
Le passé de Nexus était aussi riche que légendaire. Il fallait remonter à quelques millénaires auparavant, à une époque où les historiens n’étaient pas aussi bien formés que maintenant. Une époque où il était difficile de dissocier la vérité des mythes. Le « Premier Roi de Nexus », par exemple, était une personne dont l’authenticité historique était difficile à déterminer. Bien sûr, la formidable lignée généalogique des Ivory incluait bien un fondateur, mais que dire de lui ? Les recherches archéologiques sur Nexus avaient permis de s’assurer que, à l’origine, Nexus avait été une terre elfique, probablement fondée à l’époque des Anciens Temps, quand les elfes avaient dominé Terra, et que les royaumes elfiques étaient nombreux. Les elfes de l’époque avaient, dit-on, venu depuis la mer, afin d’y installer une colonie riche et fertile. On trouvait des traces d’eux dans les grimoires et les parchemins du Bosquet. Selon certaines versions, le Premier Roi humain avait été un conseiller, qui avait réussi à récupérer le pouvoir en étant élu, mais d’autres versions évoquaient au contraire un putsch. En tout cas, le Premier Roi était connu pour avoir remporté beaucoup de défis, de quêtes difficiles et de croisades impossibles. Le Bris des Chaînes, l’Hydre Géante des Îles d’Aurora, le Grand-Serpent d’Yggthärr... Les légendes étaient multiples, et Nöly les connaissait. Elle avait passé son enfance à lire les exploits du Premier Roi.

Serenos était donc devenu Roi pour se faire entendre, pour mieux contrôler son pays, et pouvoir le diriger. Il indiqua être devenu un Roi fort, et Nöly ne put s’empêcher d’être légèrement nerveuse en l’entendant ainsi parler. L’ivresse du pouvoir... Elle espérait vraiment que Serenos ne finisse par perdre le contrôle.

« J’espère que tu sais ce que tu fais, en tout cas... » dit-elle.

Pour le reste, elle n’avait rien de plus à dire. C’était son propre royaume, après tout, et elle-même avait suffisamment de problèmes comme ça à gérer. Entre les invasions ashnardiennes, la toute-puissance des guildes et des corporations commerciales, Nöly et Liam avaient de quoi faire. Ce dernier lui montra ses doigts, et elle hocha la tête en les observant.

« Meisa est une région violente, hein ? »

Jadis, le continent était protégé des incursions et des vagues de monstres par les pistoleros de Gilead. Mais l’ancien royaume était moribond, et ses soldats n’assuraient plus la protection des terres et des forêts comme jadis. Les monstres proliféraient, et Serenos avait visiblement dû également faire face à des rivaux politiques. Nöly espérait en tout cas que son règne serait long et plus paisible ! L’homme se laissa ensuite aller à quelques confidences, et Nöly lui sourit encore.

« Tu es un sacré flatteur, Serenos, tu sais... Mais je comprends ça, je suis aussi très heureuse de te revoir, tu sais. »

Nöly lui sourit à nouveau, et observa ses mains.

« Tu comptes faire quelque chose pour tes doigts ?
 -  La magie blanche existe pour ce genre de choses... »

La Reine acquiesça doucement, se pinçant nerveusement les lèvres, avant de reprendre :

« Je ne pensais pas que Meisa était aussi violente, en tout cas... »
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mardi 21 août 2018, 02:19:24
 -  Tu comptes faire quelque chose pour tes doigts ?
 -  La magie blanche existe pour ce genre de choses...
 -  La magie curative a ses limites. Mes blessures ont été guéries, mais pas les séquelles. Pour la même raison qu'il faut toujours replacer une articulation avant de lancer un sort de guérison.

Le jeune Roi de Meisa n'aimait pas voir l'air contrit de Nöly. Elle était inquiète. Même quand elle essayait de le cacher, elle avait toujours ces tics nerveux qu'elle n'a jamais réussi à cacher, et qu'il douta qu'elle puisse cacher même si sa vie en dépendait. Lorsqu'elle s'attrista et pinça les lèvres, mentionnant qu'elle voyait maintenant sa contrée natale comme une nation violente et dangereuse, il comprit qu'il avait peut-être dépeint sa situation avec beaucoup trop de drames. Mû par le besoin de la rassurer, il l'étreignit plus fermement, mais toujours doucement..

 -  C'était la guerre, Nöly. Et Ayshanra est dangereuse, assurément, mais... avec le temps, je suis certain que j'arriverai à rendre le continent beaucoup plus sûr. Après tout, nous y vivons, et nous y vivons de longues vies. Maintenant... On essaie de reconstruire ce que la guerre a détruit. J'ai même inventé un nouveau système de gestion qui limite mes tâches à un veto en temps de paix. Bon, évidemment, après, ca reste une ébauche, mais je suis très fier de mon système. Les Trois Royaumes sont énormes.

Il libéra doucement la Reine et, pour lui remonter le moral et lui expliquer qu'il n'y avait pas à s'en faire, il lui fit une petite introduction sur la grandeur du territoire des trois royaumes combinées; si la zone habitée était clairement moindre que celle de Nexus, le territoire entier des Trois Royaumes était même beaucoup plus large que le territoire directement dirigé par l'état nexusien, ce qui menait à de petits soucis de communications. Lorsqu'une situation se présentait en Aranie, par le temps que Serenos en entende parler en Meisa, ce problème avait déjà dégénéré. Il avait donc créé plusieurs conseils et tribunaux qui, en temps de paix, s'occupaient de gérer les problèmes et jouissaient de l'autorité royale sur les territoires. Petite nouveauté dont il était fier, c'était un système utilisé par les clans de Narthi pour décider d'un chef, qui était appelé "démocratie". Globalement, les gens du peuple décidaient qui les représentait, et ces représentants élisent d'autres représentants, qui élisent des conseillers, qui élisent des juges. Le Haut Conseil, qui était sommairement le centre du pouvoir royal en temps de paix, décidait cependant de qui accédait à une fonction publique, parmi ces personnes élues par le peuple. Les consignes de Serenos étaient cependant strictes; ils ne pouvaient pas accepter quelqu'un en raison de son titre ou de sa fortune, ni donner place à un doute de conflit d'intérêt.

Cela lui prendra plusieurs années pour développer et intégrer ce qui deviendra plus tard le nouveau corps du gouvernement Meisaen, car l'idée de retirer une grande part de leurs pouvoirs à la noblesse et à la royauté était une idée qui ne passerait pas toute seule.

Serenos posa une main fraiche sur la joue de Nöly et lui sourit doucement, et presque avec mélancolie. Quelque chose, en lui, ne pouvait étouffer ce sentiment que quelque chose attendait la nouvelle Reine. Quelque chose qu'il craignait. Il ne pouvait pas mettre le doigt dessus. Après, il n'était pas prophète. C'est une forme d'empathie, une urgence de passer plus de temps avec les gens qui risquent de disparaitre ou de devenir inaccessibles.

-Et puis, c'est le rôle du Roi de s'assurer que le peuple soit bien portant. Si mes visiteurs viennent à voir ma terre natale comme une contrée barbare et sauvage, je risque de me retrouver avec Ashnard -ou peut-être même Nexus, qui sait- à mes portes.

Avec un sourire, le jeune Roi retira sa main de la joue de la nouvelle Reine.

-Enfin, j'espère qu'entretemps, je finirai ma croissance. Il est difficile d'être pris au sérieux quand tout le monde vous voit soit comme une femme, soit comme un adolescent, dans ma société... Il y a de la réforme sociale dans l'air, c'est moi qui vous le dit!
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 27 août 2018, 00:44:29
À la réflexion, Nöly aurait sans aucun doute dû se renseigner davantage sur le pays d’où venait Serenos. Outre Meisa, il y avait, de manière plus générale, les terres d’Ayshanra. Une terre éloignée, au sud, nécessitant notamment de passer par les îles Skellige, puis de traverser la mer. Nöly avait toutefois été très occupée dernièrement, avec les préparatifs de paix à Gilead, et la signature d’un traité de paix avec Ashnard. Un évènement majeur se préparait, la fin d’une guerre commencée il y a déjà presque deux siècles. Un conflit mondial qui avait connu de multiples évolutions, de nombreux rebondissements, mais touchait à sa fin. Certains bardes et historiens préparaient déjà des textes, car les crieurs publics avaient annoncé la tenue des négociations dans l’État ancestral de Gilead. Liam avait donné son accord à la signature d’un traité de paix. Ce n’était maintenant plus qu’une question de semaines avant que les émissaires royaux ne reviennent, emmenant avec eux le précieux traité, dûment signé par les Nexusiens et les Ashnardiens, et qui serait ensuite ratifié par l’Empereur Mordret et par Liam Ivory. Un moment de paix s’annonçait, avec une nouvelle ère pour Terra. Le monde commençait à sombrer. Les monstres proliféraient d’un bout à l’autre de Terra, sans les légendaires pistoleros de Gilead pour défendre les terres, et avec les Ashnardiens et les Nexusiens occupés à se faire la guerre entre eux.

Nöly réalisa que, plus Serenos parlait de Meisa et d’Ayshanra, et plus elle-même pensait à son propre royaume, à son continent... Ce qui était sans doute la preuve qu’elle était une Reine dans l’âme. Au moins, Serenos avait l’air... Très occupé avec Meisa et Ayshanra. Nöly faisait une bien mauvaise élève, puisqu’elle n’avait pas retenu grand-chose de ses programmes de réformes politiques, et sourit ensuite quand l’homme se montra encore assez tactile avec elle, caressant sa joue, et la fit même glousser légèrement en évoquant son apparence efféminée.

« C’est vrai que tu ne fais pas très royal comme ça... » le taquina-t-elle.

Elle se pencha alors, et l’embrassa brièvement sur la joue.

« Mais tu n’en restes pas moins très mignon, tu dois être l’amant idéal de bien des Meisaennes ! »

Nöly se retourna ensuite, et continua à marcher. Nexus était une ville riche, très agréable, et elle-même se sentait pleine d’allégresse en marchant. Elle rejoignit ainsi une agréable grande place, avec une fontaine au centre, où de multiples oiseaux se trouvaient là. Une fontaine aux miracles, là où on jetait des pièces d’or en invoquant les Anges de venir vous aider. De fait, il y avait, au centre de la fontaine, la statue d’un Ange, mains serrées et tête basse, en posture de prière, une ombrelle de sourire sur le visage.

« Bientôt, notre continent sera enfin en paix, Serenos... Je pourrais enfin penser à autre chose que la guerre, et au monde que je vais léguer à mes enfants. »

En disant ça, la jeune Reine observait le ciel, voyant quelques légers nuages blancs au milieu d’un vaste ciel bleu. Une légère bise venait de la mer, faisant virevolter quelques drapeaux installés le long de la place, et la revigorant. Elle ferma les yeux pendant quelques secondes, puis regarda ensuite Serenos.

« Je serai ravie, sincèrement ravie, de découvrir ta Meisa, Serenos ! Je te promets que je m’y rendrais ! » déclara-t-elle avec certitude.
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le jeudi 30 août 2018, 20:23:28
-   C’est vrai que tu ne fais pas très royal comme ça...

Aurait-il eu une seconde de plus, Serenos aurait sûrement offert une replique de protestation contre cette affirmation contre son manque de stature, mais le baiser de Nöly sur sa joue lui coupa le sifflet tout aussi proprement qu’une gifle, causant une vive rougueur dans la zone des pommettes et des joues.

-   Mais tu n’en restes pas moins très mignon, tu dois être l’amant idéal de bien des Meisaennes !
-   Et ma discrétion m’empêchera de discuter des détails de cette part de ma vie, mais je me permettrai de dire que mon manque de virilité apparente n’handicape rien l’homme que je suis au lit, dit-il sans la moindre gêne, un sourire flottant sur ses lèvres.

La monogamie Meisaenne était particulière. S’il était interdit d’avoir plus d’une épouse, tout homme et femme avait le droit de prendre un partenaire tant que celui-ci ne menaçait pas la lignée d’un ou d’une autre. En d’autres termes, le mariage était un pacte de n’enfanter et de ne legitimiser que les enfants de l’épouse ou de l’époux. Être cocu était un terme employé pour ceux qui élevaient les enfants d’un autre, plutôt que d’être la victime d’un adultère.

« Je serai ravie, sincèrement ravie, de découvrir ta Meisa, Serenos ! Je te promets que je m’y rendrais ! »

L’idée qu’elle vienne visiter Meisa, Ayshanra elle-même, submergea Serenos. L’étendue des possibilités qu’une véritable alliance entre les Trois Royaumes et Nexus représentait était vaste, et compte tenu des richesses de ses terres, de nouveaux accords commerciaux étaient tout à fait à l’avantage de son peuple et de celui de Nexus. Mais son esprit avait rapidement vagabondé en cette direction, ce qui lui fit remarquer secrètement que l’influence de Larÿe avait décidément porté fruit. Sa reine avait passé sa jeunesse à assurer la bonne entente entre les différents grands seigneurs de Narthi et à apprendre l’importance du commerce et de l’artisanat en temps de paix, rebachant incessamment Serenos son discours sur ces points et l’importance de former des connexions significantes. Il n’aimait pas cela. Il n’aimait pas l’idée de devoir traiter chaque relation comme une autre simple alliance politique.

Il était bon de savoir que Larÿe n’est ni froide ni une psychopathe. Elle est pragmatique, sans fantaisie, et assurément la femme la moins romantique sur cette Terre abandonnée des dieux, mais tout cela n’était qu’une part d’elle. Elle était tendre avec son peuple, elle aimait chaque citoyen avec la même sensibilité et intensité qu’un membre de sa famille. Lorsqu’elle avait appris de la bouche de Serenos la mort de son père à ses propres mains, elle n’avait pas pleuré, parce qu’elle savait que son père, aussi aimant soit-il, était aveugle aux dangers que posaient les Aranes et que tant qu’il serait sur le trône, l’ennemi serait en position de force. En Serenos, elle voyait parfois un garçon inexpérimenté, mais également un être de volonté de fer, un cœur déjà brisé par la guerre, un manque complet de loyauté car nul n’a su lui inspirer ce sentiment. Serenos n’était loyal qu’envers lui-même, et puisque personne ne croyait en lui, il n’avait aucune alliance préexistante ou allégeance, ce qui le rendait beaucoup plus fort, car rien n’est plus féroce qu’un homme qui n’avait personne derrière lui pour lui planter un poignard dans le dos.

Revenant à Nöly, Serenos lui adressa un sourire.

- Ce serait superbe, Nö… Reine Nöly.

En public, surtout dans le royaume d’un autre, il était préférable de toujours adresser un autre souverain par un titre. Le peuple reconnaissait les monarques, et manquer d’observer certains usages pouvait mener à des critiques et parfois à un sursaut de désobeissance civile. La familiarité, même entre souverains, doit rester en privé. En public, elle montre la faiblesse.

Alors qu’ils discutaient, Serenos s’immobilisa en voyant un homme passer. Rickard Ivory, le frère ainé du Roi du Nexus. S’il existait un homme qui maudissait son sort plus injustement que lui, il n’avait assurément pas autant de tristesse dans le cœur. Le regard de Serenos s’attarda sur l’homme, et leurs yeux se rencontrèrent, et ce que Serenos capta lorsque Rickard comprit qu’ils s’observaient mutuellement était un sentiment étrange, presque une obsession, un abîme insondable de ténèbres. Il fit un pas dans sa direction, mais l’homme détourna le regard et commença à s’éloigner. Serenos pouvait sentir les secrets honteux à des kilomètres, et il était comme une fourmi, attirée par le sucre.

-   J’imagine que le frère ainé n’a guère apprécié d’être éclipsé par son frère cadet.

Une situation qu’il devait d’ailleurs gérer à la maison. Sa propre sœur aînée, Regalia. Élevée pour être reine, mais trop empressé et effrayée par l’intérêt que son père accordait à son dernier fils depuis que celui-ci avait pris les rennes de Narthi et que ses exploits s’étaient rependus à travers d’Ayshanra, elle avait tenté de prendre les devants et de lui faire porter le blâme. Elle croupissait dans les cachots sans lumière, trente mètres sous terre, en attendant qu’il décide ce qu’il devait faire d’elle.

-   On dirait qu’il nous surveillait…
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le samedi 08 septembre 2018, 15:23:20
Nöly était sincère. Elle avait envie de visiter Meisa, d’en savoir davantage sur Ayshanra et sur toutes les localités peuplant ce monde lointain. Mais, pour l’heure, Nöly avait des priorités plus importantes en tête, notamment la possibilité d’alliance entre Nexus et Ashnard. Au sein de la Cour, ce sujet était le plus important. La paix, cette situation tant attendue... La guerre entre l’Empire d’Ashnard et le royaume de Nexus avait profondément déstabilisé le monde. Les Terres Centrales étaient maintenant appelées dans le bas-peuple « Contrées du Chaos ». Des pays dépendant des soutiens financiers de Nexus s’étaient vus couper les vivres, et avaient progressivement sombré dans l’anarchie, sous l’invasion des monstres, la prolifération des bandits... La guerre avait connu une forte période ascendante, lorsque Nexus accusait les Ashnardiens d’être à l’origine de ces vagues de monstres, mais, après de nombreuses années de négociation, un horizon paisible pouvait enfin s’envisager. Liam y consacrait tous ses efforts, tout comme Nöly. Si le Roi cherchait à convaincre les pouvoirs militaires de l’opportunité de cette alliance, Nöly, elle, s’entretenait régulièrement avec les acteurs économiques, qui étaient particulièrement puissants à Nexus. Les marchands, les guildes économiques, les syndicats d’ouvriers... Il y avait de nombreux interlocuteurs, et la tâche était loin d’être aisée. Nöly devait continuellement concilier des intérêts, tout en songeant aussi à leurs projets de réformes économiques, notamment l’abolition de l’esclavage, qui était une volonté commune des deux souverains. Nöly avait lu trop de rapports sur les pratiques esclavagistes et vu trop d’abus pour pouvoir continuer à fermer les yeux là-dessus.

Serenos semblait en tout cas ravi de l’idée que Nöly puisse aller à Meisa, tout en lui rappelant brièvement ses performances au lit, ce qui la fit sourire. Les mœurs nexusiennes n’étaient toutefois pas les mœurs meisaennes, mais la jeune Reine n’insista guère là-dessus. Tandis que le duo marchait, ils croisèrent alors le frère aîné de Liam, Rickard Ivory, un homme entreprenant, un commandant militaire réputé. Mais il existait entre lui et Liam une certaine tension, une rivalité d’enfance. Si Liam avait rejoint l’ordre des paladins d’Haven, Rickard, lui, avait suivi une voie plus chevaleresque. Nöly le salua brièvement, puis Serenos supposa que Rickard Ivory en voulait toujours à Liam d’avoir été nommé Roi à sa place.

« Oh, je dirais plutôt qu’il te surveillait, Serenos... N’oublie pas que tu parles à la Reine de Nexus ! »

Il fallait tout de même assurer un minimum la protection de la Reine...

« Pour le reste, il y a longtemps que nous avons aboli la règle de la primogéniture. »

Encore en vigueur dans des provinces nexusiennes et dans bien des royaumes, cette règle de succession voulait, pour éviter les litiges, que l’enfant aîné soit désigné successeur du titre de noblesse dont son parent était titulaire. La Couronne avait aboli ce système. Désormais, le futur souverain était librement choisi par  le souverain en place dans le cadre d’un testament authentique, avec un contrôle du Conseil Royal, et un contreseing nécessaire des Conseillers Royaux. Le système n’était toujours pas parfait, mais, effectivement, en suivant la règle de la primogéniture, Rickard Ivory aurait été choisi.

Nöly savait que les deux garçons avaient été rivaux pendant l’enfance... Comme bien des garçons, à la réflexion. Pouvait-on le leur reprocher ? Rickard restait actuellement un membre solide de la famille, proche des militaires, et qui s’était impliqué dans les négociations avec l’Empire d’Ashnard.

« Il devrait retourner vers le duché de Kovar bientôt. Le duc fait face à une invasion préoccupante de créatures nécrophages dans ses mines, et a appelé la Couronne à l’aide. Ne t’inquiète pas pour ça... »

Nöly continua à marcher, jusqu’à se rapprocher de la fontaine, et présenta à Serenos une pièce, avant de lui sourire.

« Tu connais la tradition... Il faut faire un vœu... »

Et elle-même jeta une pièce dans la fontaine...
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Serenos I Aeslingr le vendredi 14 septembre 2018, 05:40:38
" Oh, je dirais plutôt qu’il te surveillait, Serenos... N’oublie pas que tu parles à la Reine de Nexus !"
" Me surveiller? Pourquoi faire? La plus grosse bêtise qu'un monarque puisse faire lors d'une visite de courtoisie est bien d'être discourtois..."

Évidemment, Serenos n'était pas sans savoir qu'il y avait une grande différence entre le Continent et Ayshanra. L'hospitalité en Ayshanra était une vertu aussi importante que l'étiquette dans la noblesse, mais aussi une pratique prise en haute estime par les diplomates et les souverains. L'histoire relate notamment que le Roi Ulrecht de Lasban a ainsi perdu ses alliés lorsqu'il visita son frère, qui était le souverain à l'époque, pour l'assassiner froidement dans les murs de sa demeure. Ulrecht monta sur le trône, certes, mais son royaume perdit le soutien des alliances négociées par son frère. Pour sa fourberie, Ulrecht se vit cerné par des opposants politiques, et nuls ne lui accordait ni audience ni sollicitude. En moins d'un mois, nobles et paysans entrèrent en révolte parce que l'économie était au plus bas et que les bienfaits étrangers étaient impossibles à se procurer. Soutenue par les autres souverains, la révolte fut courronnée de succès et il perdit sa couronne puis fut exécuter. Depuis, l'adage "Partager le sort d'Ulrecht" signifiait d'être pénalisé pour avoir été un mauvais hôte, ou un mauvais invité.

De fait, pour Serenos, commettre le moindre geste dangereux en direction de Nöly, aussi surréel que cela puisse paraître vu l'affection qu'il portait clairement à la reine, était aussi un danger; dès son retour chez lui, il devrait gérer une nouvelle crise; la perte de sa crédibilité et la fin de ses alliances. On ne traite que rarement avec les traitres, et les opportunistes étaient les pires.

Nöly le ramena bien vite sur terre en lui parlant de Rickard. Elle ne semblait visiblement pas croire Serenos, mais lui-même ne savait pas vraiment ce qu'il avait ressenti quand leurs regards se sont accrochés. Trop d'émotions, et nombreuses étaient contradictoires.

"Il devrait retourner vers le duché de Kovar bientôt. Le duc fait face à une invasion préoccupante de créatures nécrophages dans ses mines, et a appelé la Couronne à l’aide. Ne t’inquiète pas pour ça..."
"Des nécrophages?"

Serenos n'avait jamais entendu parlé de nécrophage. Enfin, si, dans les livres de la bibliothèque de ses tuteurs Mélisiens, mais pas en vrai. Des revenants, il en avait croisé plus d'un, et la plupart était hostile et agressif, de vrais monstres. Cependant, quelque chose lui disait qu'il y avait une grande différence entre des nécrophages et des revenants. Il ne posa cependant pas plus de question, simplement parce que ses yeux cherchaient celui qu'il avait vu brièvement, ce Rickard.

Soudainement, la Reine attira son attention sur la fontaine au centre de la Place, lui mentionnant la tradition de jeter une pièce à l'eau pour s'attirer la bonne fortune et réaliser un souhait. Serenos n'était cependant plus aussi naïf. Il passa derrière Nöly, alors qu'elle jetait une piécette à l'eau, puis lui prit doucement les bras, pour lui laisser voir le monde tel qu'il le voyait.

L'espace d'un instant, Nöly cessa de voir le monde. Plutôt que des formes, des objets, elle ressentait des énergies, des essences, la façon même de voir des magiciens. Serenos attira doucement l'attention de la Reine vers la fontaine, représentée dans cette nouvelle vision par une constellation d'étoiles lumineuses. Les mains de Serenos glissèrent de ses bras pour venir jusqu'à ses mains, et il lui fit tendre les paumes vers le haut. C'est alors qu'apparu un petit esprit (http://pa1.narvii.com/6541/ad94e32bffb93b0c8dcc741d110dc58a8f80a8f9_00.gif) au creux de sa main. La créature l'examinait avec attention pendant quelques instants avant de sauter dans la "constellation" et d'attrapper une petite étoile, celle qui correspondait à la pièce qu'avait lancée la Reine.

"Toutes ces étoiles sont les voeux que ton peuple a confié à la fontaine. Tous les jours, les esprits entendent ces prières, et travaillent d'arrache-pieds pour nous apporter le bonheur. Ils donnent un peu de courage au travailleur épuisé, ils murmurent des encouragements aux enfants abandonné, et ils guident notre monde par leur seule tendresse."

Serenos relâcha doucement la main de Nöly, la libérant de cette vision du monde astral, avant de s'asseoir sur le rebord de la fontaine, puis de glisser les doigts sur la surface de l'eau, puis il y plongea la main pour s'emparer d'une petite pièce. La levant devant lui, il la fit lentement tourner magiquement au dessus de sa paume.

"Les voeux sont une chose puissante dans le monde astral, tous comme les ambitions, les rêves, l'espoir. Les esprits des voeux oeuvrent pour réaliser nos rêves, parce qu'ils se nourrissent de la Quintessence, une énergie que les humains émettent quand ils se sentent épanouis, heureux."

Après ce petit cours sur les esprits, Serenos fit sauter la pièce pour la relancer dans l'eau, sans altérer le souhait qui y était lié. Les esprits étant très susceptibles, faire un voeu sur une pièce sur laquelle quelqu'un d'autre en avait fait un était un tabou qu'il n'était pas prudent d'enfreindre. Lorsqu'il se releva, il se tourna vers Nöly.

"Tu sais, j'ai toujours voulu être le héros de mon histoire. Combattre des monstres, sauver des princesses... dans ma jeunesse, cette princesse, c'était toi. J'ai fait un voeu, à la fontaine dans la villa de ton père."

Il regarda Nöly et sourit avec une remarquable tendresse.

"J'ai demandé de pouvoir être là, au moment où tu en auras le plus besoin. D'avoir l'occasion d'être un héros pour toi."
Titre: Re : L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]
Posté par: Elena Ivory le lundi 17 septembre 2018, 00:51:51
« Les nécrophages, oui.. Ce sont des monstres qui vivent dans les mines, et s’aventurent parfois dans les cimetières. Ils sont une plaie constante pour les nains, mais aussi pour nos mineurs. »

Les créatures nécrophages des mines étaient généralement des putréfacteurs, des hordes de monstres assez laids, à l’odeur infecte, qui pouvaient cracher de jets d’acide, et étaient souvent menés par un bullvore. Il y avait aussi les charognards, ou des monstres plus connus, comme les goules, les algoules, les graveirs, les dévoreurs, les décharneurs.. Jadis, les propriétaires de mines ou de carrières fermaient leur exploitation en appelant des sorceleurs pour qu’ils fassent le ménage, mais la prolifération de nécrophages avait augmenté avec la guerre. La putréfaction attirait ces créatures, les faisant ressortir des entrailles de l’Outremonde pour s’en prendre aux mineurs.

Rickard était venu pour demander un appel de fonds, et probablement l’aide des Paladins d’Haven afin de résoudre cette menace. Nöly devait d’ailleurs s’occuper de ça, car le Conseil Royal devait justement se réunir pour en discuter. Mais, pour l’heure, en jeune Reine frivole qu’elle était, elle préférait passer du bon temps avec Serenos. Devant la fontaine, celui-ci lui fit alors un petit tour. Nöly sursauta en voyant le décor évoluer autour d’elle, se recouvrant d’un voile bleuâtre, tandis qu’une espèce de colonne mystique blanchâtre jaillit de la fontaine, tournoyant sur place, libérant des vagues d’énergie. Intriguée, Nöly cligna des yeux à plusieurs reprises, mais ne sentit aucune agressivité émanant de ce flux immaculé.

« Serenos... » murmura-t-elle.

Elle contempla la petite peluche qui se trouvait près d’elle, et que Serenos lui présenta comme étant l’un des esprits mystiques, tout en lui expliquant que les esprits veillaient sur eux. Nöly, qui avait tout de même un esprit assez cartésien, en resta silencieuse. Elle savait que la magie existait, qu’elle était puissante sur Terra, mais... Et bien, les fontaines à vœux relevaient avant tout de la superstition. Néanmoins, l’image n’en restait pas moins plaisante, et celle-ci se volatilisa finalement. Elle esquissa un léger sourire quand Serenos jeta ensuite la pièce dans la fontaine, puis se retourna vers elle, en lui expliquant qu’il était là pour elle, et qu’il voulait être... Un « héros » pour elle.

La jeune Reine l’observa silencieusement pendant quelques secondes, puis releva sa main, et lui caressa tendrement la joue, un sourire sur le coin des lèvres.

« Serenos... Tu n’as pas à être mon héros, tu sais. Tu as à être un Roi, c’est une activité bien plus difficile, mais bien plus gratifiante aussi. »

Elle rajouta ensuite, après quelques secondes :

« Et puis, nous nous apprêtons à signer la paix avec Ashnard. Des jours magnifiques s’offrent à nous, Serenos. »

La paix, la promesse de la paix... Elle était désormais palpable, Nöly pouvait la sentir du bout de ses doigts. La paix ! Cette seule idée suffisait à emplir son cœur de joie.

« Alors, maintenant que la paix est à nos portes... Que pourrais-je bien craindre ? »