Ton incapacité à répondre, belle et spongieuse Powder, venait du fait que Law avait verrouillé le topic suite à quelques posts qui sortaient du simple cadre de l'opinion personnelle, et risquaient de conduire à un pugilat. Son amour de la démocratie a fini par se rappeler à lui, afin de permettre à ceux ne s'ayant pas encore exprimés de le faire :)
Pour cette histoire de législation, comme je vois que ça en titille beaucoup, sur demande de Maelie, j'avais fait, dans la FAQ, un post de recherche de jurisprudence il y a plus d'une année. Globalement, j'ai obtenu les mêmes réponses que Deisui, à savoir que, en matière d'écrits, il y a une grosse incertitude. J'avais fait des recherches en allant sur le recueil Dalloz, afin d'avoir une source plus précise que ce que Google peut offrir.
Voilà ce que j'avais mis :
- De base, la loi sanctionne toute forme de "message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine" (article 227-24 du Code pénal). Les juges ont précisé ce qu'il fallait entendre en donnant une vision extensive de cet article : l'art. 227-24 du Code pénal réprime la fabrication, le transport ou la diffusion d'un message pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support ; aucune différence n'étant faite selon la nature du support, le délit est susceptible d'être constitué par l'existence d'un message pornographique dans un journal (CA Paris, 14/12/1994).
- Concernant la pédophilie à proprement parler, la loi est plus restrictive : elle ne sanctionne que la diffusion d'images (article 227-23 du Code pénal). Sur ce point, la jurisprudence a étendu cet article aux simples images animées, et y a assimilé le lolicon. Un important arrêt a été rendu sur la question par la Chambre criminelle en 2007 (http://www.legifrance.com/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007640077). Il y a tout ce que vous avez envie de savoir dedans, ça y parle des Schtroumpfs, des mangas, et de cul. Pour être plus précis, la Chambre criminelle a indiqué : "les juges ajoutent qu'en l'espèce, le personnage représenté sur la vidéo-cassette "Twin Angels - le retour des bêtes célestes - Vol. 3" présente incontestablement les caractéristiques d'un jeune enfant, compte-tenu, notamment, de sa petite taille par rapport aux personnages adultes qui l'entourent, de l'absence de signes morphologiques laissant supposer qu'il pourrait s'agir d'un adulte et des traits de son visage le faisant au surplus apparaître comme un très jeune enfant ; que ce personnage a des relations sexuelles avec des femmes adultes". Si vous cherchez des critères pour savoir ce qui est loli ou pas, vous les avez, maintenant ;D
Donc, pour résumer... Concernant les images pédophiles/loli, c'est interdit. Concernant les récits, la loi est plus souple, et la jurisprudence n'a pas fourni une réponse tranchée. Mais ça ne s'applique pas qu'aux récits pédophiles : les récits violents, zoophiles, ou mettant en place de jeunes femmes martyrisées par des pervers sexuels, constituent autant un outrage qu'un récit pédophile. Les juges sont cependant très souples vis-à-vis des textes, et c'est surtout du cas-par-cas : "s'il est exact que la notion de bonnes mœurs est susceptible d'évoluer avec le temps et que sont autorisées aujourd'hui des publications d'ouvrages naguère interdites, il n'en reste pas moins que l'état des mœurs contemporain, sans doute plus libéral, impose le respect de certaines limites que le tribunal a précisément pour mission de ne pas laisser dépasser et qui répondent à un sentiment collectif, réclamant une certaine liberté mais rejetant la licence" (Tribunal correctionnel de Paris, 12/01/1972). Le fait que ce soit très large comme définition signifie que les juges sont assez mal à l'aise avec les textes.
Il ne faut pas oublier qu'il y a toujours la liberté artistique. Sur ce point, une décision de justice s'était amusée à dissocier "érotisme" et "pornographie" : "le propre de l'ouvrage érotique est de glorifier, tout en le décrivant complaisamment, l'instinct amoureux, la «geste» amoureuse, tandis que les œuvres pornographiques, au contraire, privant les rites de l'amour de tout leur contexte sentimental, en décrivent seulement les mécanismes physiologiques et concourent à dépraver les mœurs s'ils en recherchent les déviations avec une prédilection visible." (Tribunal correctionnel de Paris, 05/10/1972). En 1973, ce tribunal a ainsi condamné un ouvrage qui comprenait "des descriptions qui font appel, par leur caractère offensant, pour la pudeur, ou par la recherche systématique d'excitation érotique et malsaine, aux instincts et aux appétits les plus dégradants de l'être humain"... Mais bon, ça date des années 1970's, et ça ne sort que d'un petit tribunal de première instance. Ça n'a donc pas le même poids que si la Chambre criminelle avait eu l'occasion de se prononcer.
Cette jurisprudence est d'autant plus ancienne qu'elle se repose sur l'ancienne législation. À cet égard, un arrêt de la Cour d'Appel de Paris, en 1994, avait retenu que les écrits traitant de rapports sexuels entre un adulte et un enfant sont des textes pornographiques.
Concernant l'applicabilité du droit français sur le site, c'est une autre histoire. Le droit numérique est pour l'heure assez complexe, avec une jurisprudence qui, pour l'heure, semble retenir un certain nombre de critères pour déterminer si tel ou tel site Internet peut se voir appliquer le droit français : choix de la langue, hébergement du serveur, etc... Comme le site est en français, destiné avant tout aux Français, et contient surtout des Français, j'ai peur que le caractère japonais du serveur soit insuffisant devant un juge pour rejeter l'application du droit français. Cependant, le droit numérique est encore flou. Initialement, la jurisprudence retenait que, dès lors qu'un Français pouvait accéder à un site, le droit français avait vocation à s'appliquer (la jurisprudence "
Cristal", si j'ai bonne mémoire)... Mais, comme cet arrêt revenait à rendre le juge français compétent pour apprécier la légalité du monde entier, les juges se sont calmés... Maintenant, je ne sais plus trop où ça en est.
Voilà pour ce petit point.